Retard de salaire : que faire quand l'employeur ne paye plus

"Retard de salaire : que faire quand l'employeur ne paye plus"

Voici ce qu'il faut faire en cas de retard de paiement du salaire, avec les règles du Code du travail à connaître et faire valoir devant les tribunaux si nécessaire.

Quelle est la date limite de paiement du salaire ?

Les versements de salaires ont le plus souvent lieu au début ou à la fin du mois dans les entreprises. Mais contrairement à ce que certains salariés pensent, le Code du travail ne fixe aucune date limite précise pour le paiement du salaire : selon les employeurs, la rémunération peut donc être versée le 5, le 10, le 15, le 30... A noter toutefois qu'un accord collectif ou une convention collective peut parfois prévoir une date limite de paiement du salaire.

Si le Code du travail n'impose pas de date précise, il prévoit en revanche un délai maximum entre deux versements de salaire. L'article L. 3242-1 du Code du travail dispose ainsi que « le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois ». Votre employeur ne peut donc pas attendre plus d'un mois pour vous verser votre rémunération. Par conséquent, si votre employeur vous a payé le 30 du mois dernier, il doit vous payer au plus tard le 30 du mois actuel. L'employeur qui tarde à payer ses salariés dans les délais légaux peut être sanctionné financièrement. L'employeur risque également une amende dont le montant peut atteindre jusqu'à 2250 euros (article. R. 3246-1 du Code du travail).

L'employeur ne peut pas prévoir de retarder le paiement du salaire via une clause du contrat de travail ou un accord écrit avec le salarié. Même si le salarié a signé le document, la clause est sans valeur juridique : l'employeur ne peut pas l'opposer à un salarié qui réclamerait son salaire. Dans le même sens, le fait que le salarié tolère plusieurs fois de suite un retard de paiement du salaire ne crée aucun droit pour l'employeur qui reste dans tous les cas soumis au délai légal d'un mois. Juridiquement, cette tolérance ne saurait être considérée comme un usage d'entreprise qui serait opposable au salarié qui réclamerait son salaire dans les délais légaux.

Que faire en cas de retard de salaire ?

En cas de retard de paiement du salaire, vous devez dans un premier temps envoyer un courrier en recommandé avec avis de réception à votre employeur. Dans votre lettre, vous devez lui demander d'exécuter son obligation en vous versant votre salaire dans les plus brefs délais conformément aux dispositions de l'article L. 3242-1 du Code du travail.

Si votre entreprise continue de ne pas vous payer malgré votre demande écrite, vous devez saisir les prud'hommes pour faire valoir vos droits. Vous disposez d'un délai de 3 ans pour agir au tribunal à compter du premier jour de retard de salaire (article L. 3245-1 du Code du travail). Le conseil pourra ordonner à l'employeur de vous verser les sommes qu'il vous doit, majorées des intérêts de retard calculés à partir du taux d'intérêt légal. Ce taux est majoré de 5 % si l'employeur ne paye toujours pas le salaire dans les 2 mois qui suivent le jour où la décision de justice est devenue exécutoire.

Pour obliger l'employeur à verser rapidement les sommes qu'il doit, il est possible d'agir dans le cadre d'un référé prud'homal. Cette procédure d'urgence permet d'obtenir une ordonnance de référé afin de contraindre l'employeur à exécuter son obligation. Votre employeur ne pourra en aucun cas se voir accorder des délais de paiement par le conseil.

Si vous avez subi un préjudice du fait de ce retard, les prud'hommes pourront également condamner l'employeur à vous verser des dommages et intérêts. Mais le préjudice subi doit être caractérisé pour que le juge condamne l'employeur à indemniser le salarié. Il ne peut être déduit de la seule existence du retard de paiement (arrêt n° 15-13135 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 22 septembre 2016).

Doit-on continuer à aller au travail si on ne touche pas son salaire ?

Un salarié peut quitter l'entreprise qui ne le paye plus. Le retard du paiement du salaire peut en effet justifier une prise d'acte de rupture de son contrat de travail par le salarié. La jurisprudence applique cette règle de manière stricte : un retard de paiement de quelques jours suffit. La chambre sociale de la Cour de Cassation (arrêt n° 20-21690 du 6 juillet 2022) a ainsi estimé qu'une prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié était justifiée dès le premier mois de retard de salaire. En l'espèce, un gérant salarié n'ayant pas reçu son salaire de mai exigible le 31 mai avait pris acte de la rupture de son contrat le 10 juin, soit seulement quelques jours après.

Une entreprise en procédure collective peut-elle retarder les salaires ?

Les règles ci-dessus sont valables même si votre entreprise fait face à des difficultés financières ou se trouve en procédure collective. L'article L. 3253-6 du Code du travail prévoit ainsi que « tout employeur de droit privé assure ses salariés (...) contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ». Si l'employeur fait faillite, le paiement de vos salaire reste donc dû. Il est alors assuré par l'AGS (assurance de garantie des salaires).

Quelle est le délai de paiement d'une prime ou d'heures supplémentaires ?

Lorsque l'employeur doit verser une prime au salarié (prime d'astreinte, prime de nuit...) ou lui payer des heures supplémentaires, il s'agit de sommes exigibles à la date du paiement du salaire. Il en résulte que l'employeur ne peut pas différer leur paiement et le reporter au mois d'après. Il doit les payer en même temps que le salaire de base correspondant au mois pendant lequel est né le droit à ces sommes (arrêt n° 15-18162 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 19 octobre 2016).

  • Légifrance, article L. 3242-1 du Code du travail : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006902858
  • Légifrance, article L. 3245-1 du Code du travail : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000027566295
  • Cour de Cassation, arrêt n° 15-13135 : https://www.courdecassation.fr/decision/5fd920bc16bec7bde1623865
  • Cour de Cassation, arrêt n° 20-21690 : https://www.courdecassation.fr/decision/62c5285ba2c42363790794f3
  • Cour de Cassation, arrêt n° 15-18162 : https://www.courdecassation.fr/decision/5fd91bff04e84ab8542394ac
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