Sanction disciplinaire : exemples et règles du Code du travail

"Sanction disciplinaire : exemples et règles du Code du travail"

Une sanction disciplinaire contre un salarié doit respecter des conditions de fond et de forme. Procédure, délai et exemples de sanctions disciplinaires.

Qu'est-ce qu'une sanction disciplinaire ?

Une sanction disciplinaire est une mesure prise par une entreprise à l'encontre d'un salarié à la suite d'un comportement considéré comme fautif par l'employeur. Elle est définie à l'article L. 1331-1 du Code du travail. Parmi les exemples de sanction disciplinaire les plus courants figurent la mutation disciplinaire, la mise à pied, le licenciement disciplinaire, le blâme, l'avertissement ou la rétrogradation disciplinaire.

La sanction disciplinaire doit dans tous les cas être proportionnée à la faute commise par le salarié. La jurisprudence considère que cette dernière doit résulter d'un fait avéré imputable au salarié. Tel n'est pas le cas, par exemple, d'injures ou de menaces proférées par la sœur de la salariée sanctionnée même si cette dernière était présente mais est restée passive (arrêt n° 98-40130 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 21 mars 2000). Des reproches ou des mises en garde adressées au salarié dans une lettre ou un email constituent un avertissement. En revanche, une observation orale ne constitue pas une sanction, comme le prévoit le Code du travail (article L. 1331-1). Il en est de même d'un simple rappel à l'ordre (arrêt n° 17-20193 rendu par la même chambre le 19 septembre 2018).

Comment prendre une sanction disciplinaire contre un salarié ?

La procédure de sanction disciplinaire varie selon la gravité de cette dernière. On distingue ainsi selon que la sanction a ou non une incidence sur le contrat de travail du salarié :

  • en l'absence d'incidence (un avertissement par exemple), on parle de "sanction simple" dont la procédure est plus souple ; 
  • en cas d'impact sur le contrat de travail (mise à pied, mutation professionnelle, rétrogradation...) on parle de "sanction lourde" dont la procédure est plus encadrée ;
  • enfin, lorsque l'employeur envisage un licenciement comme sanction, il doit respecter la procédure de licenciement.

Sanction simple

En cas de sanction disciplinaire simple, l'employeur a peu de contraintes à respecter. Il doit toutefois notifier la sanction au salarié. Cette notification peut être faite par email ou par lettre simple, mais il est toutefois conseillé à l'employeur de recourir à la lettre recommandée. Aucun entretien n'est imposé.

Le blâme est en principe considéré comme une sanction simple et est donc soumis à cette procédure assouplie. Sauf si ce blâme est inscrit au dossier du salarié : dans ce cas, il est considéré comme ayant une incidence sur son contrat de travail et fait donc l'objet d'une procédure plus lourde indiquée ci-dessous.

Sanction lourde

Pour les sanctions disciplinaires "lourdes", la loi exige une procédure contradictoire qui passe par un entretien. Le salarié est convoqué par lettre recommandée ou remise en main propre. La lettre doit indiquer l'objet, la date, l'heure et le lieu de l'entretien. Au cours de celui-ci, l'employeur indique au salarié les motifs de la sanction envisagée et invite le salarié à fournir ses explications. Après l'entretien, la sanction est notifiée par courrier envoyé au salarié par lettre recommandée ou remis en main propre. La sanction disciplinaire doit être prononcée dans un délai qui commence 2 jours ouvrables après l'entretien et expire un mois après la date de son déroulement.

L'entretien préalable est obligatoire dès lors que la sanction affecte la fonction, la rémunération, la carrière ou la présence du salarié dans l'entreprise. L'entretien préalable peut être précédé d'une mise à pied conservatoire destinée à éloigner le salarié pendant la phase d'enquête.

Il s'agit ici d'une mesure provisoire qui ne doit pas être confondue avec la mise à pied disciplinaire. La perte de salaire supportée par le salarié à l'occasion d'une mise à pied conservatoire doit lui être remboursée si la sanction écarte finalement la faute grave.

La convocation du salarié doit mentionner l'objet de l'entretien et le droit, pour le salarié, de se faire assister par un membre de l'entreprise. Elle doit intervenir dans les deux mois qui suivent la constatation des faits. A ce stade, l'employeur n'est pas obligé de préciser les motifs de la sanction éventuelle. Pour respecter le caractère contradictoire de la procédure, l'employeur doit informer le salarié des motifs de la sanction pendant l'entretien.

Licenciement

Quand l'employeur sanctionne une faute par un licenciement, il doit naturellement respecter la procédure de licenciement pour faute exigée par la législation et encadrée par les articles L. 1332-1 et suivants du Code du travail. Si l'employeur décide de licencier un salarié, le caractère disciplinaire ou non du licenciement sera apprécié par les juges à partir du motif de rupture mentionné dans la lettre de licenciement (arrêt n° 18-23957 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 12 novembre 2020).

Quel est le délai entre les faits et la sanction disciplinaire ?

Une procédure de sanction disciplinaire, notamment une mise à pied disciplinaire, ne peut être entamée que si les faits fautifs datent de moins de 2 mois (article L. 1332-4 du Code du travail). Ce délai court à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance. L'envoi de la lettre de convocation à l'entretien met un terme à l'écoulement du délai. Aucune sanction disciplinaire ne peut être prise sur la base de faits s'étant déroulés il y a plus de deux mois. Toutefois, un employeur peut engager des poursuites disciplinaires en prenant en compte des faits antérieurs au délai de 2 mois si le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré (arrêt n° 20-23183 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 15 juin 2022).

Peut-on prendre une sanction non-prévue par le règlement intérieur ?

Si l'entreprise a un règlement intérieur (sa mise en place est obligatoire dès lors qu'elle compte 20 salariés), la sanction disciplinaire doit être prévue par ce texte pour être valable. Un employeur ne peut donc pas prendre une sanction qui n'est pas prévue par le règlement intérieur d'entreprise (licenciement mis à part). Pour un exemple d'application de cette règle par les juges, voir notamment l'arrêt n° 15-23090 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 23 mars 2017.

Le règlement intérieur doit également être opposable au salarié, ce qui suppose pour l'employeur de remplir ses obligations en matière d'affichage. Dès lors que le règlement intérieur n'est affiché que dans la seule salle de pause, il n'est pas opposable au salarié contre lequel une sanction disciplinaire est prise en application de ce règlement (arrêt n° 18-24556 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 1er juillet 2020).

Dans les TPE, un employeur peut prononcer une sanction disciplinaire autre que le licenciement sans règlement intérieur dès lors que l'entreprise n'a pas l'obligation d'instaurer ce règlement en raison de la taille de ses effectifs (moins de 20 salariés). Mais en cas de litige, c'est à l'employeur de prouver que le seuil d'effectif imposant la mise en place d'un règlement intérieur n'était pas atteint au jour où la sanction disciplinaire a été prononcée contre le salarié (arrêt n° 19-14440 de la chambre sociale de la Cour de Cassation rendu le 6 janvier 2021).

Peut-on sanctionner un salarié en lui retirant son salaire ?

La loi (article L. 1331-2 du Code du travail) interdit toute forme de sanction ou d'amende à caractère financier. Toutefois, les retenues sur salaire en cas d'absence ou de retard injustifiés du salarié sont autorisées.

L'employeur ne peut donc refuser au salarié fautif une augmentation de rémunération dès lors qu'elle est générale à tout le personnel. Il est toutefois autorisé à le faire si elle est accordée en fonction de mérites professionnels. De même une baisse de la rémunération d'un salarié payé en partie au rendement n'est pas interdite par la loi. Sont également autorisées les suppressions de primes d'assiduité sanctionnant l'absence du salarié. La diminution de rémunération est autorisée si elle est liée à une rétrogradation consécutive à un changement de poste. Il en est de même d'une réduction d'horaires s'accompagnant d'un changement d'affectation.

La loi (articles L. 1132-1 et suivants du Code du travail) interdit également toute forme de sanction pour un motif discriminatoire. Le motif visé peut être lié aux opinions politiques, aux activités syndicales, à la religion, au sexe, à la race, à l'origine familiale, etc. L'employeur ne peut pas non plus sanctionner un salarié qui exerce légitimement son droit de retrait ou son droit de grève.

La même faute d'un salarié peut-elle être sanctionnée deux fois ?

Une même faute ne peut donner lieu à deux sanctions successives. C'est l'application du principe juridique « non bis in idem ». Exemple : un salarié dont l'insuffisance commerciale et managériale est sanctionnée par un avertissement ne peut pas ensuite faire l'objet d'une mutation pour les mêmes raisons (arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation n° 16-11343 rendu le 19 octobre 2017).

Comment mettre en place une mutation disciplinaire ?

Un employeur peut également décider de muter un salarié à titre de sanction. Cette mutation disciplinaire peut entraîner une modification des fonctions ou du lieu de travail du salarié. Si cette mutation conduit à un changement de secteur géographique, le salarié peut la refuser si aucune clause de mobilité n'est prévue dans son contrat de travail. Toutefois, en cas de refus, l'employeur pourra éventuellement prononcer une autre sanction pouvant aller jusqu'au licenciement si les faits le justifient.

Toutes les mutations professionnelles ne sont pas des sanctions disciplinaires pour autant. La Cour de Cassation (arrêt 19-12223 de la chambre sociale du 11 mars 2020) a déjà considéré que la mutation décidée par l'employeur en raison d'un client mécontent de son salarié relevait de son pouvoir de direction en vue de préserver les intérêts de l'entreprise. Une mutation décidée en raison du comportement du salarié avec un client ne constitue donc pas forcément une sanction disciplinaire.

Quelle sanction en cas d'absence injustifiée d'un salarié ?

L'employeur ne doit pas sanctionner immédiatement un salarié si celui-ci est absent de son poste de travail. Il doit dans un premier temps lui adresser une lettre en recommandé incitant le salarié à justifier son absence. Il peut s'aider de notre modèle de lettre en cas d'absence injustifiée d'un salarié pour rédiger son courrier.

La nature de la sanction dépendra de la réponse du salarié. Si celui-ci n'est pas capable de justifier son absence, l'employeur pourra envisager une sanction assez lourde pouvant aller jusqu'au licenciement pour abandon de poste. En revanche, si le salarié n'a justifié son absence que tardivement, un simple avertissement ou un blâme paraissent plus proportionnés.

Quelles sont les sanctions disciplinaires abusives ?

Une sanction disciplinaire n'est pas justifiée quand elle est infligée plus de deux mois après que l'employeur a eu connaissance des faits. C'est la date de convocation qui est retenue. L'employeur doit connaître exactement les faits et leurs conséquences. En cas de dépassement de ce délai, il doit prouver la nécessité d'une enquête plus longue. Il n'y a pas de délai de prescription quand la faute a donné lieu à des poursuites pénales dans les deux mois qui suivent les faits.

Les éventuels litiges sont portés devant le conseil des prud'hommes. Celui-ci peut annuler la sanction pour des questions de forme ou de fond. Mais il ne peut en aucun cas la modifier.

L'irrégularité dans la forme n'entraîne pas automatiquement l'annulation de la sanction.

L'employeur ne peut pas utiliser son pouvoir de sanction pour exercer des pressions sur le salarié. A ainsi été considérée comme justifiée la décision d'un salarié de prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux tords de son employeur, ce dernier ayant exercé son pouvoir disciplinaire de manière abusive et déloyale, son attitude ayant eu un impact sur l'état de santé de son salarié (arrêt n° 08-44236 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 31 mars 2016).

Pourquoi et comment contester une sanction disciplinaire ?

Une sanction disciplinaire, même de faible ampleur, peut avoir un impact sur la carrière du salarié. Ce dernier peut donc avoir tout intérêt à la contester s'il estime que les faits reprochés ne sont pas établis ou que la sanction prise à son encontre est manifestement disproportionnée. Il peut également demander l'annulation de la sanction si son employeur n'a pas respecté la procédure et les délais imposés par le droit du travail.

Dans un premier temps, le salarié peut contester la sanction disciplinaire par une lettre (voir notre modèle) adressée à son employeur. Le salarié conserve la possibilité d'agir aux prud'hommes. Il appartiendra à la juridiction saisie de vérifier que la procédure a bien été suivie et que les faits reprochés au salarié méritaient bien une sanction. A ce titre, le juge vérifiera le caractère proportionné ou non de la sanction par rapport aux faits. Le salarié peut demander des dommages et intérêts s'il démontre que la sanction prise à son encontre lui a porté préjudice.

  • Legifrance.gouv.fr, article L. 1331-1 du Code du travail : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006901445
  • Legifrance.gouv.fr, arrêt de la Cour de Cassation n° 98-40130 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007042545
  • Legifrance.gouv.fr, arrêt de la Cour de Cassation n° 17-20193 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037450910
  • Legifrance.gouv.fr, article L. 1332-1 du Code du travail : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006901447
  • Legifrance.gouv.fr, arrêt de la Cour de Cassation n° 18-23957 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042552101
  • Legifrance.gouv.fr, arrêt de la Cour de Cassation n° 20-23183 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045940137
  • Legifrance.gouv.fr, arrêt de la Cour de Cassation n° 15-23090 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034277987/
  • Legifrance.gouv.fr, arrêt de la Cour de Cassation n° 18-24556 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042113273/
  • Legifrance.gouv.fr, arrêt de la Cour de Cassation n° 19-14440 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043005088

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