Droit d'usage et d'habitation

lelaurier Messages postés 6 Statut Membre -  
condorcet Messages postés 42010 Date d'inscription   Statut Membre Dernière intervention   -
Bonjour,
Mon frère et moi avons bénéficié, il y a une vingtaine d'année, d'une donation partage venant de nos parents. Mon frère a reçu des biens immobiliers et moi-même une soulte en compensation. Lors de cette donation, nos parents s'étaient réservés un droit d'usage et d'habitation sur leur maison, accompagné d'une clause stipulant que ce droit s'appliquerait jusqu'au "décès du conjoint survivant".
Après le décès de mon père, ma mère a continué d'occuper sa maison pendant quelques mois, puis a du partir en maison de retraite pour raison de santé. Son état de dépendance ne lui permettait plus de vivre seule. Après son départ de la maison, mon frère l'a vidée de ses meubles et l'a louée à un tiers. Je lui ai alors demandé de verser le montant des loyers sur le compte bancaire de notre mère. Ce qu'il a toujours refusé de faire, considérant que l'absence définitive de notre mère lui donnait la jouissance immédiate des lieux. Je lui ai toutefois notifié mon désaccord par l'envoi d'une lettre RAR. Le montant de la pension de retraite de notre mère ne couvrant pas le coût de la maison de retraite, nous avons du partager, à parts égales, le solde de chaque règlement mensuel.
Notre mère est décédée récemment et le règlement de la succession est en cours chez le notaire.

Voici ma question : dans le cadre de ce règlement, puis-je demander (y compris par voie judiciaire) à mon frère de verser à l'actif de la succession le montant des loyers qu'il a (indument) perçu pendant plus de cinq ans ?
Je vous remercie par avance pour votre réponse.

4 réponses

Ulpien
 
Bonjour
compte tenu des éléments que vous donnez, notamment des dates, le cas que vous évoquez s'analyse à mon avis comme suit:
Votre mère , conjoint survivant, ne pouvait pas se prévaloir des dispositions de l'art 764 pour deux raisons:d'une part, ce logement n'appartenait plus au couple et ne dépendait donc pas de la succession, et d'autre part et en tout état de cause votre mère n'avait pas rempli la condition exigée par l'art 765-1.
Votre frère ne pouvait pas louer ce bien grevé d'un droit d'usage et d'habitation auquel votre mère n'avait pas officiellement renoncé. il s'ensuit que votre frère doit reverser à la succession la totalité des loyers qu'il s'est indument accaparés .
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lelaurier Messages postés 6 Statut Membre
 
Bonjour,
Je vous remercie pour votre réponse.
Voici quelques précisions : tous les biens immobiliers objet de la donation partage appartenaient à mes deux parents qui étaient mariés sous le régime de la communauté (ancienne) et s'étaient fait une donation au dernier vivant.
Dans le contrat de donation partage (en 1990) mes parents avaient prévu une réserve de droit d'usage et d'habitation pour leur maison assorti d'une clause stipulant que ce droit s'appliquerait jusqu'au "décès du conjoint survivant". Voici le début du texte concernant cette réserve : "Comme condition essentielle et déterminante de la présente donation, sans laquelle elle n'aurait pas lieu, le donateur impose formellement au donataire qui s'y oblige, de lui laisser sa vie durant et jusqu'au décès de son conjoint survivant, le droit d'usage et d'habitation des locaux suivants" : etc.
Il s'agit donc bien d'un droit viager. Je ne comprends donc pas pourquoi vous évoquez l'article 765-1. Ma mère est restée quelques mois dans sa maison après le décès de mon père comme le prévoyait la donation. Après son départ en maison de retraite, pour raisons de santé, mon frère a pris possession des lieux et l'a louée à un tiers. Dans le cadre du règlement de la succession, je cherche à m'appuyer sur un article du code civil pour démontrer son abus de droit.
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condorcet Messages postés 42010 Date d'inscription   Statut Membre Dernière intervention   18 329 > lelaurier Messages postés 6 Statut Membre
 
Dans le cadre du règlement de la succession, je cherche à m'appuyer sur un article du code civil pour démontrer son abus de droit.
Désolé d'intervenir sur ce sujet, mais je me permets de souligner que vous, personnellement, n'êtes pas lésée par cette initiative inappropriée de votre frère de mettre en location un bien sur lequel votre mère détenait ce droit d'usage et d'habitation.
La seule personne lésée était votre mère.
Elle n'a rien demandé de son vivant.
Aucune réparation du préjudice subi par cette "dépossession" musclée de ses droits.
Vous n'êtes pas en position de réclamer ce qu'elle était en droit de faire et qu'elle n'a pas fait.
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condorcet Messages postés 42010 Date d'inscription   Statut Membre Dernière intervention   18 329
 
nos parents s'étaient réservés un droit d'usage et d'habitation sur leur maison, accompagné d'une clause stipulant que ce droit s'appliquerait jusqu'au "décès du conjoint survivant".
Vous êtes certain qu'il s'agisse d'un droit d'usage et d'habitation ?

Généralement les parents consentent une donation-partage en nue-propriété seulement, se réservant dès lors l'usufruit sur les biens donnés, contrat assorti d'une clause de réversion de l'usufruit du premier mourant des donateurs au profit du survivant des 2.

C'est toute la différence entre, d'une part, un droit d'usage et d'habitation, d'autre part , un usufruit .
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lelaurier Messages postés 6 Statut Membre
 
Je vous confirme qu'il s'agit bien d'une "réserve de droit d'usage et d'habitation".

Voici le début du paragraphe concerné : "Comme condition essentielle et déterminante de la présente donation, sans laquelle elle n'aurait pas lieu, le donateur impose formellement au donataire qui s'y oblige, de lui laisser sa vie durant et jusqu'au décès de son conjoint survivant, le droit d'usage et d'habitation des locaux suivants" : etc.
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condorcet Messages postés 42010 Date d'inscription   Statut Membre Dernière intervention   18 329 > lelaurier Messages postés 6 Statut Membre
 
'il s'agit bien d'une "réserve de droit d'usage et d'habitation".
Comme l'usufruit, il se perd par un non-usage pendant 30 ans, ce qui n'était pas la cas de votre mère toujours en possession de ce droit.
Bien qu'elle se soit installée en maison de retraite, elle ne l'avait pas abandonné depuis + de 30 ans. Votre frère ne pouvait pas le récupérer.
Il ne pouvait pas se permettre d'en retirer les meubles et encore moins celui de louer les lieux.
Votre mère non plus ne pouvait pas donner cette maison en location.
Ce droit d'usage et d'habitation est un droit personnel et non un droit réel comme l'usufruit.

dans le cadre de ce règlement, puis-je demander (y compris par voie judiciaire) à mon frère de verser à l'actif de la succession le montant des loyers qu'il a (indument) perçu pendant plus de cinq ans ?
Juridiquement il n'a pas spolié sa mère puisqu'elle n'avait pas le droit de louer cette maison.
A priori, il me semble risquer d'engager une procédure pour tenter d'obtenir de votre frère la restitution de 5 années de loyer.
Entourez-vous des conseils d'un avocat.
Je doute du résultat.
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lelaurier Messages postés 6 Statut Membre
 
Je vous remercie pour toutes vos explications qui me sont très utiles pour appréhender les droits de chacun.
Toutefois vous faites abstraction du dernier alinéa de l'article 764 du code civil qui, à priori,
autorisait ma mère, compte tenu de sa situation, à louer sa maison.
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condorcet Messages postés 42010 Date d'inscription   Statut Membre Dernière intervention   18 329
 
l'article 764 du code civil
Il y a 20 ans, ce droit d'usage et d'habitation n'existait pas au profit du conjoint survivant.
Votre mère n'a pas pu l'obtenir.
Cette donation-partage a été consentie par vos parents avez-vous écrit.
Donc avant le décès de votre père (j'imagine).

Et seul le droit d'usage et d'habitation était conservé ce qui ne se produit jamais.
Dans les donations,habituellement les donateurs conservent l'usufruit, les autorisant ainsi à louer les biens donnés et percevoir les loyers.
Ce n'est pas ce qu'à fait votre mère.
Elle ne pouvait pas louer.
Et votre frère non plus mais il l'a fait.
Mais il n'a pas porté préjudice à votre mère et encaissant les loyers et en refusant de les rendre à sa mère.
On peut en penser ce que l'on veut de cette attitude mercantile.
Mais aujourd'hui, dans les faits il ne devait rien à sa mère, il ne doit rien à la succession.

Raison pour laquelle un examen plus pointu de la part d'un avocat ne serait pas superflu.
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lelaurier Messages postés 6 Statut Membre
 
Afin de bien comprendre votre avis, je vous apporte les précisions suivantes sur les dates :
- 1990 : donation partage de nos parents avec réserve d'un droit d'usage et d'habitation (voir texte précédemment cité)
- 01/07/2002 : entrée en vigueur de la modification de l'article 764
- 2010 : décès de mon père

Selon vous, la possibilité de louer, introduite dans l'article 764 en 2002, étant postérieure à la date de la donation ne pouvait pas bénéficier à ma mère de 2012 à 2017 (bien quelle soit antérieure au décès de mon père).
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condorcet Messages postés 42010 Date d'inscription   Statut Membre Dernière intervention   18 329
 
étant postérieure à la date de la donation ne pouvait pas bénéficier à ma mère de 2012 à 2017
A mon avis réponse négative.
Il n'était pas possible de revenir sur ce qui avait été décidé contractuellement dans la donation-partage en appliquant une législation n'existant pas à l'époque de la mutation.
L'appliquer eut été porter atteinte à la sécurité juridique d'une convention synallagmatique, la force d'une convention tenant lieu de Loi entre les parties, ce qui était l'ancienne définition de l'article 1134 du code civil introduit par Napoléon dans son code de 1804, plus récemment modifié et remplacé par une autre mouture rhétorique par l'article 1103 stipulant :
Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

La Loi a toujours voulu assurer cette sécurité en ne la piétinant par une législation nouvelle.
Les effets rétroactifs que le législateur s'arroge parfois sont plutôt malvenus dans le phalanstère judiciaire.

. L'effet obligatoire du contrat entre les parties
Le fondement de la force obligatoire

https://fr.wikipedia.org/wiki/Force_obligatoire_du_contrat_en_France
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lelaurier Messages postés 6 Statut Membre
 
Je vous remercie de toutes vos précisions extrêmement précieuses qui vont m'aider dans ma prise de décision. Bonne journée. Cordialement
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764
 
Bonjour
Compte tenu des éléments que vous fournissez,notamment des dates, le cas que vous exposez me parait s'analyser comme suit:
Votre mère ne pouvait pas bénéficier des dispositions de l'art 764 pour deux raisons: d'une part parce que ce logement n'appartient pas au couple et ne dépend pas de la succession de votre père, d'autre part parce que de toutes façons votre mère n'avait pas respecté les dispositions de l'art 765-1.
Ceci étant et bien qu'étant en maison de retraite, elle n'en a pas pour autant perdu le droit personnel qu'elle détient. Il s'ensuit que votre frère n'avait absolument pas le droit de louer ce bien grevé d'un droit d'usage et d'habitation et encore moins de s'en approprier les loyers. il doit donc reverser ces loyers à l'indivision.
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Ulpien
 
Bonjour
Pourquoi? Parce que vous faites référence au droit viager de l'art 764 qui n' a rien à voir en l'espèce. Vous confondez le droit viager de l'art 764 avec le droit d'usage et d'habitation de la donation. Ces deux droits étant indépendants (l'un légal, l'autre conventionnel) vous ne pouvez pas faire bénéficier l'un de dispositions ne concernant que l'autre. Désolé de vous le dire, mais sur ce plan ,vos avez tout faux quant au raisonnement juridique.
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