Plus-values immobilières, usufruit et nue-propriété
Quelle est la fiscalité applicable aux immeubles ayant fait l'objet d'un démembrement de propriété, notamment en terme de plus-values ?
L'imposition des plus-values sur les cessions d'immeubles obéit à des règles relativement simples : l'impôt est dû sur la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition. En présence d'un démembrement de propriété, les règles se compliquent.
Fiscalité des plus-values : les principes généraux
L'ensemble des règles applicables aux biens cédés en pleine propriété s'appliquent en principe à l'usufruit, à la nue-propriété ainsi qu'aux biens ayant fait l'objet d'un démembrement de propriété antérieur. Avec certaines conséquences qu'il faut rappeler.
La transmission à titre gratuit n'entraîne pas en principe l'imposition des plus-values immobilières mais la soumission aux droits de donation ou de succession. Quand la cession d'un bien est exonérée d'impôt sur la plus-value en raison de la nature du bien ou de la qualité du vendeur, la même exonération s'applique aux droits démembrés (usufruit ou nue-propriété). Exemple : Mme Martin vend la nue-propriété ou l'usufruit de sa résidence principale sans avoir à craindre d'impôt sur les plus-values. Quand le nu-propriétaire « récupère » l'usufruit d'un bien par extinction naturelle, c'est-à-dire au décès de l'usufruitier, ce remembrement ne donne pas lieu à taxation des plus-values au moment de l'extinction de l'usufruit.
D'une manière générale, l'intervention d'un démembrement de propriété entraîne seulement l'application de règles spécifiques pour calculer le prix d'acquisition. Une fois défini ce prix d'acquisition, le calcul de la plus-value s'effectue selon les règles classiques.
Il faut distinguer selon que la cession porte sur un droit démembré ou sur la pleine propriété d'un bien antérieurement démembré. Voici un point sur les règles juridiques et fiscales dans chaque cas.
Le bien est démembré
Premier cas à envisager : celui d'un bien immobilier démembré. La nue-propriété et l'usufruit appartiennent donc à deux personnes distinctes au moment de la cession.
Cession isolée de la nue-propriété ou de l'usufruit
La nue-propriété ou l'usufruit change donc de titulaire sans que le bien soit remembré entre les mains d'un même acheteur. Le vendeur qui avait acquis antérieurement le même droit démembré est imposé selon le régime classique des plus-values immobilières. Le fait qu'il s'agisse d'un droit démembré ne change rien. Le prix d'acquisition est tout simplement soit le prix d'achat soit la valeur vénale sur laquelle ont été calculés les droits de transmission si le bien a été acquis par donation ou succession. Et la date d'acquisition est la date de l'achat ou de la transmission.
Cession simultanée de la nue-propriété et de l'usufruit
Les titulaires de l'usufruit et de la nue-propriété vendent leurs droits respectifs à un acheteur qui récupère ainsi la pleine propriété du bien. Les implications fiscales sont identiques au cas précédent. Dans la pratique, le fait qu'une seule et même personne achète les droits démembrés à deux personnes différentes ne change rien. Ce qui compte, c'est la situation fiscale du vendeur.
Le bien n'est pas démembré
Second cas : le bien immobilier n'est pas démembré. Dans cette situation, la nue-propriété et l'usufruit appartiennent donc à une seule et même personne.
Cession isolée de la nue-propriété ou de l'usufruit
Le propriétaire vend l'usufruit ou bien la nue-propriété.
1er cas. Le bien a été acquis en pleine propriété. D'après l'art. 74 I de l'annexe II du CGI, l'administration considère que le prix d'acquisition est une fraction du prix d'acquisition de la pleine propriété, appréciée, d'après le barème administratif, en fonction de l'âge de l'usufruitier à la date de la cession.
M. Martin achète un immeuble 1 000. Agé de 65 ans, il vend l'usufruit viager au prix de 500. Le prix d'acquisition fiscal sera égal à une fraction du prix d'acquisition initial (1 000), calculée en fonction de l'âge de l'usufruitier au moment de la cession. Soit 1000 x 40% = 400 (d'après le nouveau barème). La plus-value éventuellement taxable sera donc de 100. Si M. Martin vend la nue-propriété, le prix d'acquisition fiscal sera égal à 1000 x 60%, soit 600. La durée de détention sera naturellement calculée à partir de la date d'achat en pleine propriété.
2ème cas. L'usufruit a été acquis par extinction naturelle.
Le propriétaire, qui avait auparavant acquis la nue-propriété, a récupéré l'usufruit au décès de l'usufruitier.
- a. Si la nue-propriété a été achetée, le prix d'acquisition fiscal de la nue-propriété est égal à ce prix d'achat et le prix d'acquisition fiscal de l'usufruit est égal à zéro.
M. Martin achète 1 000 la nue-propriété d'un immeuble. Après le décès de l'usufruitier, il revend la nue-propriété pour 1 200 et l'usufruit pour 500. Les plus-values taxables seront respectivement de 200 et 500. Cette situation est rare : mieux vaut en effet vendre dans ce cas la pleine propriété puisque la durée de détention sera calculée à partir de la date d'acquisition de la nue-propriété (cf. B2 ci-après).
- b. Si la nue-propriété a été acquise par succession ou donation, les prix d'acquisition fiscaux de la nue-propriété et de l'usufruit sont les valeurs vénales retenues pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit lors de la transmission.
M. Martin reçoit par succession la nue-propriété d'un immeuble évalué à 1000. L'usufruitier étant âgé de 71 ans, la nue-propriété est évaluée à 700 et l'usufruit à 300. Après le décès de l'usufruitier, il revend la nue-propriété pour 1 200 et l'usufruit pour 500. Les plus-values taxables seront respectivement de 500 et 200.
3ème cas. L'usufruit et la nue-propriété ont été acquis successivement.
Le propriétaire actuel a donc acheté successivement les deux droits démembrés ou les a reçus successivement par donation ou succession (hors extinction naturelle). Le prix d'acquisition du droit vendu est tout simplement soit le prix d'achat, soit la valeur vénale sur laquelle ont été calculés les droits de transmission si le bien a été acquis par donation ou succession. Et la date d'acquisition est la date de l'achat ou de la transmission.
Cession de la pleine propriété
Après la réunion de l'usufruit et la nue-propriété entre ses mains, le propriétaire vend le bien en pleine propriété.
1er cas. L'usufruit a été acquis par extinction naturelle.
Le propriétaire, qui avait auparavant acquis la nue-propriété, a récupéré l'usufruit au décès de l'usufruitier.
- a. Si la nue-propriété a été achetée, la plus-value sera égale à la différence entre le prix de vente et le prix d'achat de la nue-propriété, le prix d'acquisition fiscal de l'usufruit étant égal à zéro.
M. Martin achète 900 la nue-propriété d'un immeuble. Après le décès de l'usufruitier, il revend l'immeuble pour 1700. La plus-value taxable est de 800. Toute acquisition en nue-propriété doit donc tenir compte de l'importance de la plus-value fiscale en cas de revente avant le délai d'exonération.
- b. Si la nue-propriété a été acquise par succession ou donation, le prix d'acquisition fiscal de l'immeuble est la somme des valeurs vénales de la nue-propriété et de l'usufruit retenues pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit lors de la transmission.
M. Martin reçoit par succession la nue-propriété d'un immeuble évalué à 1000. L'usufruitier étant âgé de 71 ans, la nue-propriété est évaluée à 700 et l'usufruit à 300. Après le décès de l'usufruitier, il revend l'immeuble pour 1 700. La plus-value taxable est égale à 700 puisque le prix de revient de l'immeuble est égal à 1000 (300+700). En d'autres termes, le prix de revient se calcule comme si la pleine propriété de l'immeuble avait été transmise. Le délai de détention court à compter de la transmission de la nue-propriété.
2ème cas. L'usufruit a été acheté ou reçu par donation ou succession.
Le prix de revient de l'immeuble est la somme d'une part, du prix d'achat de l'usufruit (ou de sa valeur vénale s'il a été acquis par donation ou succession), et d'autre part, du prix d'achat de la nue-propriété (ou de sa valeur vénale si elle a été acquise par donation ou succession). La durée de détention se calcule à partir de la première des deux acquisitions.
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