Droit de préemption urbain (DPU) et mairie : loi et abus
Lors d'une vente immobilière, la mairie peut faire jouer son droit de préemption urbain (DPU) et acheter le bien. Les conditions de mise en oeuvre de cette procédure. Définition, procédure et recours du vendeur.
Qu'est-ce que le droit de préemption de la mairie ?
Dans les procédures d'expropriation, le propriétaire peut être obligé de céder son bien à la puissance publique, même s'il souhaite le conserver. Le droit de préemption obéit à une logique différente. Ici, c'est la puissance publique, principalement la commune, qui s'interpose entre un vendeur et un acquéreur. Le droit de préemption ne concerne donc que les personnes qui souhaitent vendre un bien immobilier. Le droit de préemption permet donc à une collectivité publique d'acquérir un bien immobilier, le plus souvent en se substituant à l'acquéreur trouvé par le vendeur.
Ce droit ne peut intervenir que dans des zones préalablement définies par un acte administratif, qui désigne en même temps le titulaire de droit. Le plus courant est le droit de préemption urbain (DPU) que la commune peut exercer sur tout ou partie de son territoire.
Par souci de simplification, c'est ce seul DPU qui sera traité ici.
Quelles sont les conditions du droit de préemption ?
La collectivité publique ne peut exercer son droit de préemption que dans les zones géographiques bien délimitées au préalable, et uniquement pour mettre en oeuvre des opérations d'intérêt général : réalisation d'équipements collectifs, valorisation du patrimoine, lutte contre l'insalubrité, développement d'activités économiques, etc. L'exercice du DPU doit donc toujours préciser le motif invoqué.
Quelles opérations peuvent être soumises au droit de préemption ?
Le DPU concerne l'ensemble des mutations immobilières à titre onéreux : ventes (quelles qu'en soient les conditions), échanges, apports en société, vente aux enchères volontaires ou forcées dans le cadre de saisies, les cessions de droits indivis à un tiers, etc. Sont à l'inverse exclus les successions, les partages de communauté ou de succession, les cessions de droits indivis à un membre de l'indivision...
Les donations entre vifs sont en principe concernées par le droit de préemption, mais la loi (article L. 213-1-1 du Code de l'urbanisme) prévoit de nombreuses exceptions. Sont ainsi exclues du droit de préemption les donations entre ascendants et descendants, entre collatéraux jusqu'au 6e degré, entre époux ou partenaires d'un Pacs, entre une personne et les descendants de son conjoint ou de son partenaire de Pacs, ou entre ces descendants.
Qu'est-ce que le droit de préemption urbain renforcé ?
Le DPU concerne tous les types de biens (terrains, constructions, etc.) à l'exception des immeubles achevés depuis moins de dix ans et des logements isolés dans les copropriétés. Mais, même pour ces deux derniers cas, la commune peut instituer un droit de préemption « renforcé » par délibération motivée du conseil municipal.
Qu'est-ce que la déclaration d'intention d'aliéner (DIA) ?
Tout propriétaire peut adresser une simple lettre à la mairie pour savoir si son bien peut faire l'objet d'un DPU. Si le bien est soumis à un droit de préemption urbain, son propriétaire peut en proposer l'acquisition à la commune, même s'il ne l'a pas encore mis en vente. Il lui suffit d'adresser (en recommandé avec AR) le formulaire appelé « déclaration d'intention d'aliéner » (DIA) qui précise le prix demandé. Plusieurs hypothèses.
- Si la commune accepte, la vente est supposée conclue. Et le prix doit être versé dans les quatre mois qui suivent l'acte notarié.
- En l’absence de réponse après un délai de deux mois ou en cas de refus express, le propriétaire est libre de vendre son bien à tout acquéreur potentiel, mais seulement au prix précisé dans la DIA.
- La commune peut aussi manifester sa volonté d'exercer son droit de préemption mais à un prix inférieur à celui demandé. Elle doit alors engager une procédure de fixation du prix auprès du tribunal judiciaire.
Quelle est la procédure de préemption par la mairie ?
Généralement, la procédure débute quand le vendeur a trouvé un acquéreur potentiel. Après la signature du compromis de vente, le notaire chargé de la rédaction de l'acte envoie, au nom du vendeur, une DIA à la mairie, qui précise naturellement les conditions de la vente.
Cette formalité est indispensable : en l'absence de DIA, la commune peut, en effet, introduire une action en justice devant le tribunal judiciaire dans les cinq ans qui suivent la transaction pour faire annuler la vente. La mention de l'identité de l'acquéreur est en principe facultative.
Dès lors plusieurs hypothèses sont possibles.
- A. La commune peut renoncer à exercer son droit, soit par décision expresse, soit en ne répondant pas dans le délai de deux mois après la réception de la DIA. Dans ce cas, le vendeur peut céder le bien, sans limitation de durée, aux conditions et prix définis dans le formulaire.
- B. La commune décide d'exercer son droit de préemption. Elle doit le faire savoir dans le délai de deux mois au propriétaire, en indiquant avec précision le motif invoqué.
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B1. La commune accepte les conditions demandées. La vente est censée parfaite puisqu'il y a accord sur la chose et le prix. Le vendeur est obligé de signer l'acte authentique de cession avec la commune.
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B2. La commune propose un prix inférieur. Dans ce cas, le propriétaire dispose de deux mois pour formuler sa réponse écrite. Là encore, plusieurs hypothèses sont possibles.
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B2a. Le propriétaire renonce à vendre le bien, soit de façon expresse, soit en ne répondant pas pendant le délai de deux mois.
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B2b. Le propriétaire accepte le prix proposé par la commune. La vente est supposée parfaite : l'acte authentique doit être signé dans les trois mois qui suivent et le prix doit être versé dans les six mois.
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B2c. Le propriétaire refuse le prix proposé.
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Dans les quinze jours qui suivent sa réponse, la commune doit saisir le juge de l'expropriation (au tribunal judiciaire) et demander une fixation judiciaire du prix en consignant 15% du prix demandé auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations.
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Dans les huit jours qui suivent sa saisine, le juge fixe une date pour visiter les lieux et la communique aux parties en présence, au moins quinze jours à l'avance. En audience publique, le juge fixe ensuite la valeur des biens en question en tenant compte des différents paramètres en sa possession.
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La visite pour la fixation judiciaire du prix a lieu en présence des parties, du secrétaire-greffier et du commissaire du Gouvernement, généralement le Directeur des Domaines. Les parties en présence et toute personne intéressée (locataire, etc.) peuvent faire appel du jugement auprès de la Cour d'appel compétente dans les quinze jours qui suivent la notification. Une fois que le prix judiciaire a été fixé de façon définitive (après l'arrêt de la Cour d'appel ou après épuisement des délais d'appel), il s'impose aux deux parties et le propriétaire et la commune disposent de deux mois pour accepter la transaction.
Le silence des deux parties au terme de ce délai équivaut à une acceptation tacite.
L'acte authentique doit ensuite être signé dans les trois mois qui suivent et le prix doit être versé dans les six mois. Dans tous les cas, le propriétaire conserve la jouissance du bien tant que le prix n'a pas été intégralement versé.
Si la commune refuse le prix judiciaire, le propriétaire peut vendre le bien à la personne de son choix mais au prix fixé par le tribunal, dans un délai de cinq ans. A tout moment, et pendant les deux mois qui suivent la fixation définitive du prix par voie judiciaire, le propriétaire peut aussi revenir sur son intention de vendre et conserver le bien.
Qu'est-ce que le droit de rétrocession ?
Le DPU doit être exercé dans un but d'intérêt général, qui doit être précisé dans la décision de la commune. Les anciens propriétaires et les acquéreurs lésés bénéficient donc d'un droit de regard sur l'utilisation ultérieure du bien.
Si, dans les cinq ans qui suivent, la commune affecte ou cède le bien à d'autres fins que celles annoncées, elle doit en prévenir l'ancien propriétaire et lui proposer de racheter l'immeuble. Si elle ne propose pas cette rétrocession, ce dernier peut engager une action en justice dans les cinq ans qui suivent l'utilisation non conforme du bien et demander, en plus de la rétrocession, des dommages-intérêts.
Une fois informé, l'ancien propriétaire dispose de deux mois pour faire connaître sa décision (son silence étant assimilé à une renonciation) et proposer éventuellement une contre-évaluation. Dès réception de sa réponse, la Commune dispose de deux mois pour accepter de rétrocéder le bien au prix proposé ou pour saisir le juge de l'expropriation.
Une fois que le prix judiciaire a été fixé de façon définitive (après l'arrêt de la Cour d'appel ou après épuisement des délais d'appel), l'ancien propriétaire dispose de trois mois pour formuler une acceptation expresse (son silence étant assimilé à une renonciation). Si l'ancien propriétaire renonce à son droit de rétrocession, la commune doit engager la même procédure à l'égard de l'acquéreur évincé lors de la préemption. A condition naturellement que son identité ait été précisée dans la DIA. Cette procédure complexe explique que les communes ont tout intérêt à respecter les engagements pris.
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