Maison avec merule
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22 nov. 2008 à 11:53
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C'est même indispensable car votre responsabilité serait engagée en cas de vente sauf à avertir, par écrit contre signé à mon avis, les acquéreurs.
Voici un texte interessant :
LA RESPONSABILITÉ DES ACTEURS DANS LE CADRE DU
CONTENTIEUX SUR LE MÉRULE (JURISPRUDENCE NATIONALE –
COUR DE CASSATION, RÉGIONALE – COUR D’APPEL, ET LOCALE
– TRIBUNAUX DE GRANDE INSTANCE)
Résumé : l’acheteur ne connaît pas le bien immobilier ancien qu’il acquiert ; trop souvent,
après vente, il découvre, à l’occasion de travaux de rénovation, les ravages provoqués par le
mérule. L’acheteur va rechercher la responsabilité de divers acteurs : son vendeur, au titre
des vices cachés ou de la garantie décennale si celui-ci était assimilable à un constructeur ;
les intermédiaires immobiliers comme les agents immobiliers et les notaires ; les
professionnels du bâtiment intervenus sur l’immeuble (technicien en diagnostic n’ayant pas
aperçu le mérule, les entreprises de traitement des bois, les entrepreneurs généraux du
bâtiment ayant posé par exemple des plaques isolantes ou des fenêtres sans aération, les
peintres qui auront humidifié les murs…). Ce qui signifie également que le contentieux ne se
limite pas au droit de la vente. L’absence de tout texte particulier concernant le mérule laisse
une place au pouvoir créateur de la pratique et surtout en l’espèce de la jurisprudence.
L’intérêt de l’étude de la jurisprudence se renforce eu égard au préjudice particulier causé
par la mérule qui passe, comme une mauvaise maladie, d’une phase dormante à une phase
active et destructrice.
Le mérule nourrit dans le grand Ouest de la France, et plus généralement au Nord de la
Loire, en Belgique et sur les côtes anglaises, un contentieux important. Mais s’il y a bien une
juridiction plus que toute autre concernée, c’est le Tribunal de grande instance de Brest. Ce
champignon trouve en effet ici des conditions climatiques, mais encore tenant au bâti, qui
vont lui permettre de se développer. Aussi M. Rosati, Président du Tribunal de grande
instance de Brest, a souhaité une étude sur « la responsabilité des acteurs dans le cadre du
contentieux sur le mérule ». Je me suis chargé de ce dossier qui m’ouvre un champ de
recherche jusque là totalement inexploré à travers la jurisprudence de la Cour de cassation, de
Cours d’appel, en particulier de Rennes, et de Tribunaux de grande instance.
C’est l’instant de remercier M. le Président du tribunal de grande instance de Brest
non seulement pour cette idée qui me permet de prolonger des analyses contenues dans ma
thèse, mais encore pour les matériaux fournis, à savoir les décisions du Tribunal de grande
instance de Brest. Je remercie également les Présidents des première et quatrième Chambres
de la Cour d’appel de Rennes, MM. Dabosville et Moignard, qui nous ont permis d’accéder
directement et complètement aux arrêts. Enfin je dois déclarer toute ma reconnaissance à
Mme Marguerite Jourdain, Maître de conférences à l’Université de Bretagne Occidentale, qui
a collecté et initié une analyse des décisions du TGI de Morlaix, et à Maître Castel qui nous a
fourni de nombreuses décisions nous ayant permis d’étendre notre cercle géographique ainsi
que de précieux conseils puisés dans sa longue pratique du sujet.
Ceci nous mène à la méthodologie suivie pour cette étude.
Nous sommes parti d’un mot clé, « mérule », et avons choisi d’examiner en premier
lieu les arrêts de la Cour de cassation, puis de la Cour d’appel de Rennes, d’effectuer des
comparaisons avec d’autres solutions adoptées par d’autres Cours, et enfin d’analyser les
jugements des TGI de Brest et Morlaix, principales juridictions confrontées au phénomène
mérule, dans l’espoir de trouver, en l’absence de législation particulière en ce domaine, des
principes et la manière selon laquelle les juridictions les appliquent. Dans chaque “ordre”,
c’est-à-dire en cassation, appel et devant les tribunaux de grande instance, est intervenu un
critère chronologique de classement et d’étude en espérant observer cette fois la façon selon
laquelle les idées, positions et principes évoluent au fil de la connaissance du risque mérule.
Nous avons étendu notre sélection d’arrêts de cassation et d’appel à quelques affaires touchant
des insectes xylophages ou l’amiante, voire le contrôle technique automobile, lorsque les
principes dégagés étaient susceptibles de s’appliquer par extension à notre champ précis, le
mérule.
Précisons enfin que le vocable « mérule » recouvre bien souvent en pratique outre le
mérule stricto sensu, le coniophore… Au point que bien souvent l’on préfère parler dans les
états parasitaires, voire dans les jugements, de « champignon » ou de « pourriture » sans
davantage préciser. En réalité seule une analyse en laboratoire offre une certitude. Ce point ne
perturbe pas notre étude dans la mesure où les principes dégagés sont extensibles de l’un à
l’autre.
Les décisions, soit 16 arrêts de la Cour de cassation (période 1962-2005), 29 arrêts de
Cours d’appel (période fin 2002-premier semestre 2004) et 46 jugements de Tribunaux de
grande instance (période fin 2002-2005), ont été dépouillées en suivant la même grille de
lecture. Par la suite nous avons pu faire une analyse de notre sujet dont je vous propose ici les
éléments essentiels. Le propos sera articulé selon deux parties : la première s’attachera aux
responsables, la seconde au dommage – en précisant, pour ne plus y revenir ensuite, car il
n’y a là aucune spécificité du contentieux sur le mérule, qu’il doit exister un lien de cause à
effet entre le dommage et l’intervention de l’auteur supposé du dommage.
I LES RESPONSABLES
Ce serait une grave erreur de croire que le contentieux sur le mérule se limite à la
vente. Certes il est avant tout le fait de non professionnels de l’immobilier qui vendent
directement leur bien. Mais le contentieux du vice caché ne présente ici aucune particularité
notable. Tout est dit dès lors que l’on sait que le vendeur doit à son acheteur une garantie
contre les défauts cachés de la chose qui en empêchent un usage normal. En l’état actuel du
droit, à l’égard du vendeur occasionnel, les règles légales sur la garantie des vices cachés
peuvent être écartées ou restreintes, ce qui est usuel en matière immobilière pour assurer la
sécurité de la transaction. Cependant la clause de non garantie ne peut trouver effet quand il
est prouvé que le vendeur avait connaissance des vices en cause et les avait dissimulés, auquel
cas il doit en outre tous dommages intérêts (articles 1643 et 1645 du Code civil). Il nous reste
alors à examiner le reste du contentieux, plus original, qui met en cause des professionnels de
la vente immobilière (A) et des professionnels du bâtiment (B).
A LES PROFESSIONNELS DE LA VENTE IMMOBILIÈRE
Les affaires examinées mettent en scène très souvent des intermédiaires professionnels
de la vente immobilière soumis à deux régimes de responsabilité différents : les négociateurs
immobiliers (1) et les notaires simples rédacteurs de l’acte authentique (2).
1 Le négociateur immobilier
Ordinairement c’est l’agent immobilier qui est chargé, moyennant une commission, de
la négociation de l’immeuble. A cet effet il reçoit de son client, le vendeur, un “mandat de
vente”. C’est-à-dire plus précisément qu’il devra rechercher des acheteurs. L’agent doit
éclairer entièrement son client sur les particularités de l’affaire à conclure. Il est tenu d’un
devoir de conseil. Ainsi l’agent commet une défaillance contractuelle s’il donne à son client
des renseignements incomplets – en omettant par exemple de signaler le risque de l’opération
ou un vice du bien qui aurait normalement conduit le vendeur à ne le proposer qu’après avoir
effectué des travaux de reprise. L’agent est également tenu d’éclairer les acquéreurs qu’il
recherche, sauf à engager cette fois sa responsabilité délictuelle.
C’est sous cet angle que la jurisprudence locale, en l’absence de tout texte spécifique
au mérule et confrontée à un contentieux important, va faire oeuvre créatrice. Il reste que cette
construction opportune n’est pas nécessairement conforme au Droit dont la Cour de cassation
assure la régulation sur l’ensemble du territoire.
Ainsi nous présenterons dans un premier temps la jurisprudence locale (a) puis nous
nous interrogerons dans un deuxième temps sur sa conformité avec la jurisprudence de la
Cour de cassation (b).
a – La jurisprudence locale
La jurisprudence locale opère une distinction selon que l’immeuble est à risque ou non
(α et β).
α - L’immeuble à risque possède un profil typé. Il s’agit d’un immeuble construit à
Brest ou en Nord Finistère au début du XX° siècle « en maçonneries de pierres hourdées à
l’argile avec charpente et empoutrement bois »1. Le risque sera d’autant plus caractérisé que
l’immeuble en question sera exposé aux vents et à l’humidité, notamment en raison de sa
position en contrebas. Ajoutons pour un tableau parfait : des fissures ; une absence de
ravalement ; des travaux de rénovation effectués avec doublage des cloisons qui vont
empêcher les murs de respirer ; un changement des fenêtres et des portes de nature à modifier
la ventilation des pièces2…
L’agent immobilier, « réputé avoir une bonne connaissance du bien à vendre (… doit
dans ces conditions) non pas inspecter lui-même l’immeuble techniquement, ce qui n’est (…)
ni de son rôle ni de sa compétence, mais informer loyalement tant le vendeur que l’acquéreur
sur le risque de révélation d’une infestation par le mérule sur ce type de construction, en
demandant la délivrance par le propriétaire d’un certificat de non infestation parasitaire, ou
en effectuant toute autre démarche de portée équivalente de nature à attirer l’attention des
acquéreurs » (Rennes, 4 déc. 2003, arrêt Goutherot) – en particulier l’insertion d’une
condition ou la présentation d’une attestation de traitement total et récent de l’immeuble.
les négociateurs immobiliers seront toutefois exonérés si « à l’époque de la
transaction l’ampleur du phénomène mérule n’était pas la même que quelques années plus
tard et que (leur) attention (…) n’avait pas encore été attirée sur les risques encourus du fait
de la présence du champignon (…) notamment dans les immeubles anciens présentant
certaines particularités de construction »3. L’année charnière de connaissance réputée du vice
est 2000 – l’hiver pluvieux 1999-2000 ayant conduit la presse, reflet de la conscience
collective, à s’intéresser au champignon.
Indication scénique : Affichage de l’arrêt (page 1 Power point)
β - Si l’immeuble n’est pas à risque, c’est-à-dire qu’il est dans un bon état et que rien
dans sa construction ne laisse penser à la présence de la mérule, les négociateurs immobiliers
ne sont pas tenus de délivrer un avertissement sur celle-ci. Ainsi dans une affaire le Tribunal
de grande instance de Brest relève que « l’immeuble en cause a été construit en 1954, soit
depuis moins de cinquante ans au jour de la vente, avec des murs en maçonneries hourdis au
mortier bâtard, sans fissures significatives, sans cloisons de doublage (les murs peuvent
respirer), dans une zone non soumise à la réglementation anti-parasitaire et ne présentant
pas une particulière humidité. (…) au moment de l’achat, cette maison possédait un caractère
apparent de qualité et son aspect extérieur autant qu’intérieur apparaissait tout à fait correct,
ayant été valablement ventilée et chauffée. L’expert ne caractérise aucun signe apparent et
objectif, au moment de la transaction, d’atteinte de cet immeuble particulier par la mérule
(…). Dans ces conditions, la contamination de l’immeuble en cause par des insectes
xylophages (et) par la mérule n’étant pas apparente, même pour un professionnel de
l’immobilier normalement diligent, les acheteurs seront déboutés de leurs demandes
d’indemnités formulées à l’encontre du négociateur immobilier »4.
Indication scénique : Affichage du jugement (page 2 Power point)
1 TGI de Brest, 14 janv. 2004, aff. 02/00596 – Rennes, 4 déc. 2003, Goutherot, arrêt n° 508.
2 TGI de Brest, 12 fév. 2003, aff. 01/01423.
3 Rennes, 14 janv. 2004, arrêt n° 19, arrêt confirmatif d’un jugement du TGI de Brest..
4 TGI de Brest, 11 décembre 2002, aff. 01/02338, l’affaire met en cause un notaire qui a négocié l’immeuble –
Rennes, 29 avril 2004, arrêt 200.
En synthèse, face à un immeuble dit à risque, caractérisé par des éléments généraux et
abstraits, l’agent, présumé depuis l’année 2000 connaître le vice, doit toujours conseiller
préalablement à la vente la réalisation d’un état parasitaire, alors que face à un immeuble non
typé il n’en sera tenu que s’il pouvait détecter effectivement une attaque de mérule, comme
par exemple une plinthe boursouflée et gondolée apparente dans la salle de bain, c’est-à-dire
un vice apparent pour tout professionnel même non technique de l’immobilier qui pouvait
passer inaperçu aux yeux d’un particulier ignorant les manifestations caractéristiques de la
mérule5.
b – Jurisprudence de la Cour de cassation
Indication scénique : Affichage de l’arrêt (page 2 Power point)
Les TGI de Brest, Morlaix et Quimper, notamment, comme la Cour de Rennes, sont en
pointe de la jurisprudence sur la mérule… Ces juridictions sont en prise directe avec le
phénomène. La jurisprudence de la Cour de cassation est, elle, plus en retrait en exigeant,
sans nuance, c’est-à-dire sans distinguer si l’immeuble est à risque ou non, que soit rapportée
la preuve que l’agent immobilier avait connaissance du vice pour que soit établi un
manquement à son devoir de conseil – je vise ici pour appuyer mon propos un arrêt de la Cour
de cassation, 1° Ch. civ., en date du 20 déc. 2000, qui concernait des insectes xylophages6.
L’espèce est d’autant plus intéressante que le pourvoi reprochait à la Cour d’appel de ne pas
avoir tiré toutes les conséquences légales de ses constatations lorsqu’elle soulignait que
« l’agent immobilier aurait dû connaître le désordre en cause, phénomène courant dans la
région pour des constructions déjà anciennes »… Ce qui évoque mot pour mot la
jurisprudence sur le mérule en vigueur dans la Cour de Rennes. En réalité la jurisprudence de
la Cour de cassation est tout simplement et uniquement celle que les juridictions locales
adoptent face à un immeuble ne présentant pas un profil type de risque mérule. Plus
précisément encore, la Cour de cassation ne reconnaît pas le “profil à risque” d’un immeuble
dès lors qu’il est question d’apprécier la responsabilité d’un agent immobilier.
2 Le rédacteur de l’acte authentique
Nous envisageons ici la responsabilité du notaire rédacteur d’un acte authentique dit
de réitération en supposant qu’il n’a pas participé à la négociation du bien. Précisons que dans
le système du Code civil français la vente d’immeuble n’exige pas le respect d’une condition
de forme pour être valable. Toutefois lorsque deux personnes sont décidées à conclure
ensemble une vente importante, comme par exemple une vente immobilière, chacune d’elle
peut vouloir immédiatement être assurée du sérieux de l’engagement pris par l’autre. Les
parties prennent l’habitude de rédiger, généralement sous l’égide de l’agent immobilier, un
acte sous seing privé : c’est le compromis – ce que les juristes nomment une promesse
synallagmatique de vente. Ensuite pour que la vente soit opposable aux tiers, il faut rédiger un
acte authentique – car seuls les actes authentiques sont susceptibles d’être publiés.
Le principe est ici très clair : le notaire, simple rédacteur de l’acte authentique de
vente, ne répond que d’une défectuosité d’ordre juridique. Ainsi le notaire sait qu’il doit
demander un état hypothécaire, faute de quoi il risque d’engager sa responsabilité ; qu’il doit
informer les acheteurs d’un bien de sa situation dans une zone inconstructible… Au contraire,
lorsque le vice invoqué est d’ordre matériel, comme du capricornes dans la toiture, du
5 En ce sens TGI de Brest, 11 déc. 2002, aff. 01/02338.
6 C. cass., 1° Ch. civ., 20 déc. 2000, RCA mai 2001, p. 17, note M.-A. Agard.
mérule attaquant les solives ou des problèmes de chauffage, les actions en responsabilité
dirigées contre lui échouent, au motif essentiel que le notaire rédacteur de l’acte authentique
n’est pas censé visiter l’immeuble pour contrôler son état ; c’était l’affaire des parties à l’acte
éventuellement “assistées” d’un agent immobilier. Seules ces dernières ont négocié le bien.
Cependant le notaire ne pourra se dispenser de conseiller les acquéreurs de réaliser un
état parasitaire si antérieurement il a eu connaissance de problèmes liés à la mérule dans
l’immeuble – suite par exemple à l’annulation d’une première vente parvenue à sa
connaissance7. On observera enfin que la Chambre départementale des notaires du Finistère a
émis le 24 avril 2001 le voeu « qu’un état parasitaire de l’immeuble soit établi, préalablement
à la signature de l’acte de vente, par un homme de l’art dûment assuré ». Ce voeu bien
entendu n’a pas force obligatoire, il n’est qu’une norme morale de bonne conduite du notaire
face à l’ampleur du phénomène.
B LES PROFESSIONNELS DU BATIMENT
Nous distinguerons, eu égard au champ de notre recherche, les spécialistes du bois (1)
des généralistes du bâtiment (2).
1 Les spécialistes du bois
Les normes (en particulier Norme française NF P 03-200 relative aux agents de
dégradation biologique du bois) invitent à distinguer ceux qui réalisent un état parasitaire de
ceux qui vont réaliser un traitement des bois.
a – Le diagnostic
Il faut distinguer dans la catégorie diagnostic le rapport rendu par un technicien en
diagnostic du simple état des lieux.
α - Le rapport rendu par un technicien en diagnostic
Le problème peut être ainsi posé : suivre la norme NF P 03-200 qui prévoit seulement
un contrôle visuel sans sondages destructifs suffit-il toujours ?
Ici encore la jurisprudence dégage des éléments assez simples à suivre.
Le principe est qu’ « il ne peut être reproché (…) au technicien en diagnostic tenu de
réaliser “un état parasitaire visuel sans démolition, sans dépose de revêtement ni
manipulation importante de mobilier et limité aux parties visibles et accessibles” de n’avoir
pas détecté le champignon » qui n’était décelable qu’après des sondages destructifs8.
Son exonération est cependant limitée :
1/ il ne doit pas se contenter d’établir un état visuel négatif face à un immeuble ancien
présentant toutes les suspicions de présence de mérule, eu égard notamment à son mode de
7 TGI de Brest, 28 janv. 2004, aff. 02/01649.
8 TGI de Brest , 28 mai 2003, aff. 02/01568 – 21 avril 2004, aff. 03/02668.
construction, mais attirer l’attention sur la présence probable d’une attaque par la mérule dans
l’immeuble et recommander une recherche plus approfondie9 ;
2/ le technicien doit utiliser tous les moyens à sa disposition pour découvrir du
mérule : le visuel, la recherche d’humidité et le poinçon10, voire des sondages destructifs dans
des parties déjà dégradées ;
3/ le technicien doit préciser dans son rapport les difficultés rencontrées lors de son
inspection, notamment « si la maison était encombrée (…) il lui appartient de faire les
réserves nécessaires, voire de refuser d’établir l’état parasitaire tant qu’il ne lui serait pas
possible d’accéder aux endroits stratégiques »11 ;
4/ il doit rappeler la portée limitée de son rapport : « Le constat se borne à indiquer
(…) qu’il n’y a pas de traces visibles et n’affirme pas l’absence certaine d’atteinte biologique
des bois »12.
La jurisprudence du TGI de Brest et de la Cour de Rennes touchant le technicien en
diagnostic est cette fois en accord parfait avec la jurisprudence de la Cour de cassation : « le
contrôleur technique chargé d'établir le diagnostic réglementaire est tenu d'une obligation de
conseil et doit s'enquérir, par lui-même, des caractéristiques complètes de l'immeuble
concernant la présence éventuelle d'amiante » (C. cass., 3° Ch. civ., 2 juill. 2003, Bull. civ.,
III, n° 141). Au vu de cet arrêt, on peut légitimement considérer que la Haute juridiction
considère avec plus de sévérité les obligations d’un technicien du bâtiment que celles d’un
agent immobilier. En effet, l’un doit posséder des connaissances techniques en matière de
bâtiment, au rebours de l’autre qui est avant tout un commercial – ce qui explique pourquoi
dans un cas, celui de l’agent, elle refoule le concept d’immeuble à risque, et dans l’autre, celui
du technicien, elle le reçoit pour y lier une obligation de conseil.
β - L’état des lieux réalisé par un professionnel
Certaines réglementations prévoient la réalisation d’un état des lieux. Ainsi, en matière
de prêts conventionnés ou à taux zéro, si le logement a plus de 20 ans, un état des lieux fait
par un professionnel indépendant de la transaction, par exemple un géomètre, titulaire d'une
assurance professionnelle, est désormais exigé. Cet état des lieux, annexé à l'offre de prêt,
devra certifier que l'immeuble est aux normes minimales de surface et d'habitabilité, ou s'il ne
l'est pas, préciser les travaux nécessaires pour la mise en conformité (a. R. 331-69 C.c.h., réd.
issue du décret n° 2001-911 du 4 oct. 2001).
Quelle est la responsabilité de ce professionnel ?
La jurisprudence, en l’espèce deux jugements du TGI de Morlaix13, apporte une
réponse homogène : elle opère très justement une distinction entre l’état parasitaire réalisé par
un spécialiste du bois et le simple état des lieux oeuvre d’un généraliste en relevant que ce
dernier n’a réalisé qu’une mission limitée et sommaire destinée à obtenir un prêt
conventionné. Dès lors il ne saurait être rendu responsable que s’il a négligé sa mission en
9 Rennes, 1° avril 2004, arrêt n° 162 – TGI de Brest, 28 mai 2003, aff. 02/01568.
10 TGI de Brest, 21 avril 2004, aff. 03/02668 – TGI de Quimper, 4 janv. 2005, aff. 03/00748.
11 TGI de Brest, 2 fév. 2005, aff. 04/00354.
12 TGI de Brest, 28 mai 2003, aff. 02/01568 – TGI de Morlaix, 7 août 2003, aff. n° 03/340.
13 TGI de Morlaix, 6 novembre 2002, aff. 00/696 et 15 oct. 2003, aff. 02/393.
manquant une chose évidente. Par un argument d’analogie on peut dire que cette
jurisprudence est en accord avec celle de la Cour de cassation et de la Cour d’appel de Paris
touchant le contrôle technique automobile : la mission d'un centre de contrôle technique
automobile se bornant, en l'état de l'arrêté du 18 juin 1991, à la vérification, sans démontage
du véhicule, d'un certain nombre de points limitativement énumérés par ce texte, sa
responsabilité ne peut être engagée en dehors de cette mission ainsi restreinte, qu'en cas de
négligence susceptible de mettre en cause la sécurité du véhicule (C. cass., 1° Ch. civ., 19 oct.
2004).
b – Le traitement
Selon les principes qui se dégagent, l’entreprise spécialisée dans le traitement des bois
doit « apporter une science complète au problème qui lui est soumis »14. Ainsi, elle doit
réaliser un traitement suffisamment étendu pour éviter un retour de la mérule tant chez son
client, créancier de la prestation, que chez des tiers, par exemple des voisins du dessous, sauf
à engager cette fois sa responsabilité délictuelle. En effet, le contrat, en tant que fait social, est
opposable aux tiers et par les tiers intéressés pouvant imputer une faute au contractant15 ; de
même façon l’entreprise de traitement doit conseiller à son client de préalablement supprimer
les entrées d’eau dans l’immeuble.
Après intervention, l’entreprise délivre un certificat de traitement (par analogie avec ce
qui se fait pour les termites bien qu’il n’y ait en matière de mérule aucune réglementation).
Celui-ci doit relever exactement le travail réalisé. Or ce genre de travail n’ouvre pas droit à la
garantie décennale16. Ne s’applique alors éventuellement, en sus du droit commun contenu
dans le Code civil, qu’une garantie contractuelle. Tout manque de précision dans ce certificat
est de nature à se retourner contre le professionnel qui, à l’image de la jurisprudence sur les
loteries publicitaires et les certificats nominatifs de gains17, engagera le professionnel au-delà
de ce qu’il avait fait… Ou si l’on préfère à hauteur de la généralité des propos employés dans
le certificat. Exemple, une « garantie totale de non réapparition du mérule pendant 10 ans »,
contraindra l’entreprise à tenir ce résultat dans l’immeuble visé, pendant la période indiquée,
même si elle n’avait réalisé qu’un traitement partiel, limité à une solive.
2 Les généralistes du bâtiment
Des professionnels, non spécialistes du bois, appelés par le propriétaire du bâtiment,
peuvent également être à la source d’un développement du mérule. Leur responsabilité pourra
être recherchée soit au titre d’un manquement avant travaux à une obligation de conseil, soit
après achèvement au titre de la garantie décennale.
Indication scénique : Bref récapitulatif de ces éléments au moyen d’un schéma (page 3 Power point)
a – L’obligation de conseil avant le début des travaux
Avant même de lancer les travaux que souhaite réaliser le maître de l’ouvrage, le
professionnel doit s’interroger sur leur adéquation avec la situation de l’immeuble.
14 Rennes, 1° avril 2004, arrêt n° 162, précisons qu’il s’agit d’une obligation de moyens.
15 TGI de Brest, 28 mai 2003, aff. 02/01568. Rappr. C. cass., 3° Ch. civ., 25 mars 1998, Bull. civ., III, n° 72.
16 Rennes, 4 mai 2000, Jurisdata n° 120483.
17 V. part. C. cass., 2° Ch. civ., 11 fév. 1998, Defrénois 1998, n° 108, obs. D. Mazeaud.
Nous retiendrons ici une illustration parfaite : une entreprise est appelée par un
particulier pour effectuer une simple barrière anti-remontées capillaires. Or il était manifeste
en l’espèce qu’il y avait d’autres entrées d’eau dans l’immeuble. Le Tribunal de grande
instance de Quimper va alors juger qu’ « en effectuant une barrière anti-remontées capillaires
sans s’assurer que toutes les précautions avaient été prises pour empêcher l’eau de rentrer
dans l’immeuble, l’entreprise a commis un manquement caractérisé à son obligation de
conseil, faute qui est à l’origine du dommage constaté »18.
b – La garantie décennale
L’article 1792, alinéa un, du Code civil, prévoit que « tout constructeur d'un ouvrage
est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages,
même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant
dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent
impropre à sa destination ».
Au lendemain du vote de la loi de 1978, ayant institué cet article, il semblait que seuls
les travaux de réhabilitation, c’est-à-dire produisant une modification structurelle de
l’immeuble, entraînaient la garantie. Toutefois une première évolution se produisit en matière
de ravalement : après avoir exclu cette opération, la Cour de cassation19 décida de soumettre à
la garantie les travaux de ravalement assurant une étanchéité (le terme est précis). Autre
évolution, et autre critère, la Cour de cassation soumet à la garantie décennale des travaux
ponctuels de valeur modeste mais aboutissant à l’apport d’éléments nouveaux20. La nécessité
d’une réhabilitation lourde et importante ne paraît donc plus de mise pour entraîner la
qualification d’ouvrage et l’application de la garantie décennale… Cependant, dans
l’hypothèse de travaux d’ensemble, un courant jurisprudentiel opère, assez peu logiquement,
une distinction entre rénovation lourde et simple réhabilitation, la responsabilité décennale
étant réservée à la première hypothèse.
Ainsi, et de manière pratique, des travaux de rénovation du bâti seront couverts par la
garantie décennale. Citons pèle mêle : la réfection d’un enduit de façade, le remaniage d’une
toiture effectué avec l’ajout de matériaux neufs ou l’apport de quelques voliges ; des travaux
de rejointement destinés à éviter des infiltrations ; des travaux importants de rénovation
intérieure d’un magasin ayant consisté notamment en la pose de doubles cloisons21 ou dans le
cadre d’une refonte complète des chambres d’un hôtel (ce qui est une référence aux travaux
d’ensemble) la pose d’appareils sanitaires fuyards22 – ces derniers éléments nous laissent
penser que les travaux de pure rénovation intérieure ne sont considérés au titre de la garantie
décennale que s’il revêtent effectivement une certaine importance.
Les redevables de la garantie décennale sont bien entendu avant tout les personnes
liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage : entrepreneurs et techniciens
du bâtiment, architectes. Mais si le constructeur est ordinairement un professionnel du
bâtiment, il faut toutefois tenir compte de l’article 1792-1, 2° du Code civil qui répute
constructeur de l’ouvrage « toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a
construit ou fait construire ». Ainsi le vendeur non professionnel d’un immeuble dans lequel
18 TGI de Quimper, 2 juillet 2002, confirmé par Rennes, 4 déc. 2003, arrêt n° 513.
19 C. cass., 3° Ch. civ., 3 mai 1990, Bull. civ., III, n° 105.
20 C. cass., 3° Ch. civ., 9 nov. 1994, Bull. civ., III, n° 184.
21 TGI de Brest, 22 oct. 2003, aff. 03/01349.
22 Rennes, 16 mai 2002, arrêt n° 177.
il a été procédé à des travaux de rénovation peut être tenu de la garantie prévue aux article
1792 et s., envers les acquéreurs, touchant les désordres affectant l’immeuble, dès lors que,
selon le critère retenu par la Cour de cassation, l’importance des travaux réalisés les assimile à
des travaux de construction d’un ouvrage23. Ainsi, par exemple, l’exécution d’un enduit sur
un pignon, la réparation de la toiture, la pose de menuiseries PVC sur une façade, le
renforcement du plancher haut du sous-sol, la pose d’un carrelage sur la totalité de la surface
du rez-de-chaussée et l’aménagement complet de la salle de bain, permettent de considérer
qu’il y a eu des travaux importants dans l’immeuble de nature à entraîner la garantie
décennale.
Et c’est ici qu’apparaît le problème d’une partie, l’acheteur, qui invoque plusieurs
fondements à l’appui de sa demande : la garantie des vices et la garantie décennale. Le
problème a son importance dans la mesure où, par exemple, il est inutile de démontrer la
mauvaise foi du constructeur alors que pour renverser une clause d’exclusion des vices il
faudra l’établir.
Contrairement à une certaine pratique judiciaire, ces deux actions ne peuvent jamais se
recouper ; elles sont exclusives l’une de l’autre. Dès lors que les règles des articles 1792 et s.
sont applicables, celles du droit de la vente ne le sont plus… Il n’y a ni choix ni option. Il faut
donc préalablement savoir si c’est le droit de la construction ou de la vente qui est applicable
(motivation 1) et ne juger l’affaire que sur ce seul fondement (motivation 2).
II LE DOMMAGE
Le propre de la responsabilité civile est, selon une formule jurisprudentielle empruntée
au doyen Savatier, « de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le
dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte
dommageable ne s’était pas produit »24.
Pour penser rationnellement le droit de la responsabilité, il convient de partir des
notions de dommage et préjudice.
Le dommage désigne une atteinte, une lésion. Le préjudice, lui, est une suite de cette
lésion. Ainsi une atteinte à l’intégrité physique de la personne, c’est-à-dire un dommage
corporel, peut être à la source d’un préjudice patrimonial (frais médicaux, pertes de
salaires…) et d’un préjudice extra patrimonial (souffrance morale…).
Revenons maintenant à notre matière particulière. La présence du mérule dans un
immeuble peut, je dis bien peut, porter atteinte à l’intégrité du bien, être un dommage, et ainsi
engendrer divers préjudices. En fait il faut se poser deux questions successivement : à partir
de quel moment le mérule cause-t-il un dommage, sous entendu réparable ? Et quels
préjudices peuvent sourdre de ce dommage ? Tels sont les points que nous allons examiner
successivement… En oubliant pas que finalement c’est l’assureur qui sera généralement
engagé pour l’auteur du dommage – responsabilité et assurance forment un couple quasi
indissoluble en droit privé.
A LE DOMMAGE RÉPARABLE
23 C. cass., 3° Ch. civ., 9 déc. 1992, Bull. civ., III, n° 321.
24 V. p. ex. C. cass., 2° Ch. civ., 9 juill. 1981, II, n° 156.
Pour être réparable, le dommage doit, selon une formule de la jurisprudence, être
direct, actuel et certain. Écartons immédiatement le caractère direct, car il s’agit moins d’un
caractère du dommage indemnisable que du lien de causalité qui doit unir le dommage au fait
générateur de la responsabilité. Restent les caractères d’actualité et de certitude. A la vérité,
l’exigence de l’actualité du dommage paraît erronée : le préjudice futur peut être indemnisé
dès lors qu’il est certain. De sorte que, dans cette formule, le seul élément essentiel,
caractéristique, est la certitude du dommage, sur laquelle il convient de s’arrêter25.
Le dommage certain est le dommage vraisemblable. Nous disons bien vraisemblable
car il n’y a jamais de certitude absolue. Le dommage certain s’oppose au dommage éventuel,
purement hypothétique, lequel ne peut donner lieu à réparation. Ainsi le propriétaire d’un
immeuble n’obtiendra pas d’EDF une indemnité pour le risque d’incendie qui résulte du
voisinage d’une ligne à haute tension26.
Il n’y a aucune difficulté à apprécier la certitude du dommage si celui-ci est actuel,
déjà accompli. La difficulté apparaît en présence d’un dommage virtuel. Le dommage virtuel
est un préjudice futur probable, donc réparable. La jurisprudence nous en offre de nombreuses
illustrations à travers la perte d’une chance. La perte d’une chance de gain, dans l’opinion qui
tend à prévaloir, est plus qu’un dommage éventuel, car la chance de gain représente d’ores et
déjà dans le patrimoine une valeur qui peut être évaluée d’après un calcul de probabilités27.
Indication scénique : Bref récapitulatif de ces éléments au moyen d’un schéma (page 4 power point)
Revenons à quelques données touchant la biologie du mérule. Le mérule est une des
conséquences les plus graves de l’humidité. Il est le champignon lignivore le moins exigeant
en eau : le taux limite inférieur est néanmoins de 22 %. Cette valeur ne peut être atteinte que
dans des conditions anormales : constructions mal conçues, infiltrations, fuites, mauvais
entretien… Si le bois contient un taux d’humidité supérieur, l’attaque peut se produire ;
l’optimum étant atteint à 35 %.
L’attaque sera d’autant plus forte que la température oscillera entre 20° C et 26° C,
que l’atmosphère sera confinée (p. ex. après isolation qui apporte une absence de lumière et
des émanations ammoniacales). Quand toutes ces conditions sont réunies, le champignon peut
en quelques mois détruire les pièces de bois qu’il a envahies… Jusqu’à compromettre la
solidité d’un édifice. Le champignon est en phase de végétation ou dite aussi active.
Contrairement aux moisissures qui disparaissent une fois la source d’humidité
supprimée (ex. une fuite ponctuelle en couverture par une ardoise de récupération percée), le
mérule qui a réussi à s’installer suite à un apport d’eau accidentel ne va pas disparaître. Il
reste dormant, en repos végétatif, et peu réapparaître à la moindre occasion – ses spores
restant vivantes des années.
La découverte du mérule avec les dégâts indiqués en phase active ne pose pas de
problème. Le dommage est actuel, déjà réalisé.
25 V. Ph. le tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, Paris, 2004, n° 1410, p. 335.
26 En ce sens : J. carbonnier, Droit civil, tome 4, Les obligations, Coll. Thémis Droit privé, 21° éd., paris, PUF,
2000, n° 205, p. 360 – C. cass., 1° Ch. civ., 16 juin 1998, RCA 1998, n° 261, « un risque, fut-il certain, ne suffit
pas à caractériser la perte certaine d’une chance ».
27 Ex. d’application de la jurisprudence sur la perte d’une chance aux désordres de construction : C. cass., 3° Ch.
civ., 4 juin 1997, Bull. civ., III, n° 124 ; JCP G 1997, IV, 247, ayant constaté que le maître de l’ouvrage
s’apprêtait à implanter dans le bâtiment, au moment d’une crue, la chaîne de fabrication de plaques en acier qu’il
venait d’acquérir, la Cour d’appel a pu en déduire que l’abandon d’un projet théoriquement viable à la suite des
inondations avait constitué pour lui une perte de chance.
Qu’en est-il face à un mérule découvert seulement en phase de repos (dormant) ? Une
affaire jugée devant le Tribunal de grande instance de Brest le 21 avril 200428 nous servira
d’appui. L’expertise judiciaire révèle une présence du mérule à l’état dormant et préconise un
traitement du bâtiment dans son entier. Le tribunal ne suit pas le rapport de l’expert en notant
que « le maintien en bon état de la couverture, des huisseries et des enduits ainsi qu’une
ventilation adaptée n’activent pas le mérule qui ainsi n’occasionne pas de dommage
particulier. L’expert fait d’ailleurs état de potentiel de risque, ce qui ne correspond pas à un
dommage concrètement réalisé ou certainement réalisable ». Pour autant le tribunal ne
considère pas qu’il s’agit d’un préjudice purement hypothétique, mais plutôt d’un préjudice
futur virtuel qu’il va saisir sur le terrain de la perte d’une chance : « du fait de cette
méconnaissance de la présence de mérule à l’état latent les acheteurs (qui agissent contre
l’agent immobilier au titre d’un manquement à son devoir de conseil) ont perdu une chance
certaine d’obtenir une réduction du prix d’achat. En réparation de ce seul préjudice subi, il
leur sera alloué 15 000 € à titre de dommages-intérêts » – alors que les acheteurs du bien, se
fondant sur le rapport de l’expert judiciaire, demandaient, au titre d’un préjudice qu’ils
considéraient comme actuel, 66 000 € pour frais de remise en état de l’immeuble (traitement
curatif total, réfection des tapisseries…) ; 15 000 € pour troubles de jouissance (notamment
l’impossibilité d’habiter l’immeuble pendant les travaux de reprise) et frais financiers.
Il n’y a cependant pas unanimité face au mérule dormant. A circonstances quasiidentiques,
le TGI de Morlaix a accordé le 12 mars 200329 une indemnisation de 21 000 €
pour éradiquer le mérule (donc pour traiter), considérant de la sorte que le dommage est
actuel. L’affaire est d’autant plus intéressante que l’assureur de la société de traitement
résistait en arguant qu’ « il n’y a pas lieu à indemnisation d’un préjudice hypothétique. (…) la
présence du mérule est en elle-même insuffisante pour engager la responsabilité contractuelle
de la société de traitement des bois puisque des travaux de reprise ne se justifient que si le
champignon est actif ».
Si l’on tente de remonter aux sources de cette divergence, il faut rappeler qu’il existe
deux écoles doctrinales face au traitement du mérule dormant : les experts adeptes du
traitement et ceux qui soutiennent qu’un simple entretien de la maison (ventilation…) suffit.
Le juge doit donc avoir conscience de cet élément lorsqu’il rend sa décision. Car c’est bien au
juge que revient le dernier mot, ce que marque parfaitement la décision précitée du TGI de
Brest… Encore que, si l’on pousse la logique à fond, en soutenant que l’immeuble n’est
atteint en lui-même d’aucun dommage du fait de la présence du mérule dormant, la demande
tendant à obtenir des dommages et intérêts au titre d’une perte de chance d’obtenir une
réduction du prix d’achat ne devrait pas davantage aboutir – précisément parce que
l’immeuble ne subit aucune atteinte du fait de la présence du mérule dormant. Mais nous
admettrons bien volontiers avec Pascal que « la dernière démarche de la raison est de
reconnaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpassent »30. Et justement, pour sortir du
doute et retrouver Descartes, effectuons avec méthode une comparaison – en nous gardant de
tout propos de mauvais aloi – avec les maladies humaines qui comportent deux phases : une
phase de contamination et une autre phase pendant laquelle le virus est actif ; nous pensons ici
à l’hépatite C ou au VIH. La contamination fautive d’un patient par le virus de l’hépatite C
entraîne un préjudice certain même si le virus est pour l’instant paisible, la victime ayant dû se
soumettre à une stricte surveillance médicale préventive et vivre dans l’anxiété31…
Exactement comme le propriétaire du bien touché par le mérule dormant : il doit plus qu’un
autre veiller par exemple à la parfaite ventilation du bien, craindre une attaque si une source
28 Aff. 03/02668.
29 Aff. 02/868.
30 Blaise Pascal, Pensées, 1658, n° 267 éd. Brunschvicg.
31 V. p. ex. C. cass., 1° Ch. civ., 9 juill. 1996, Bull. civ., I, n° 106.
d’humidité venait à apparaître accidentellement… Et c’est ainsi que nous voyons que le
passage de l’éventuel au virtuel s’opère insensiblement pour ouvrir droit à indemnisation.
L’opposition entre les deux est affaire avant tout de degré plus que de nature : « le risque de
subir un préjudice peut d’ores et déjà être conçu comme un préjudice lorsqu’il oblige à
prendre des mesures pour s’en prémunir »32.
En synthèse, un mérule actif sera à la source d’un dommage actuel ; un mérule
dormant pourra être à la source d’un dommage virtuel saisi sous l’angle d’une perte de
chance.
Indication scénique : Bref récapitulatif de ces éléments au moyen d’un schéma (page 4 Power point)
B L’ INDEMNISATION DES PRÉJUDICES
Le dommage porté à l’intégrité du bien sera à la source avant tout d’un préjudice
patrimonial mesuré à hauteur de la perte éprouvée – sans pouvoir la dépasser.
Indication scénique : Bref récapitulatif de ces éléments au moyen d’un schéma (page 5 Power point)
Ce montant correspond pratiquement au coût des travaux de réfection des désordres.
Ceux-ci comprennent les travaux curatifs, à savoir le traitement, la reprise des poutres et
solivages atteints, mais encore tout ce qui est nécessaire pour empêcher le retour du mérule, à
savoir par exemple un assèchement des murs, un travail sur les maçonneries extérieures…
Par contre tout ce qui concerne la simple rénovation opportune, comme le changement
de portes ou de fenêtres qui devaient de toute façon être changées, n’entrera pas en compte.
On observera également au titre de la perte subie, le trouble de jouissance. En effet, à
compter du moment où l’immeuble est devenu inhabitable, car par exemple dangereux, les
propriétaires du bien atteint vont devoir prendre une location et déménager deux fois. Et c’est
seulement à compter de l’achèvement du traitement que le trouble cessera. Ils pourront de
nouveau jouir de leur bien. Les 6 derniers mois de cette période se décomposeront ainsi : dès
l’obtention d’une provision pour l’exécution des travaux de reprise, les maîtres de l’ouvrage
ont deux mois pour contacter et faire intervenir une ou des entreprises – éventuellement sous
la coordination d’un maître d’oeuvre. Le délai moyen de traitement est ensuite de 4 mois. Au
delà, on considère que le responsable ne sera plus tenu d’indemniser au titre de ce chef de
préjudice. En effet, il est de règle que l’on indemnise point le préjudice créé.
Indication scénique : Bref récapitulatif de ces éléments au moyen d’un schéma (page 5 Power point)
C LE REPORT DU POIDS DE L’INDEMNISATION SUR L’ASSUREUR
Un trait marquant de nos sociétés est le « déclin de la responsabilité individuelle »33.
Son moteur essentiel en droit privé est l’assurance de responsabilité – la victime pouvant
actionner directement l’assureur pour recevoir le bénéfice du contrat.
32 Ph. le Tourneau, Droit de la responsabilité, op. cit., n° 1414, p. 336.
33 G. Viney, Le déclin de la responsabilité individuelle, Coll. Bibl. de droit privé, t. 53, LGDJ, Paris, 1965, préf.
A. Tunc.
Indication scénique : Bref récapitulatif de ces éléments au moyen d’un schéma (page 5 Power point)
Nous passons ainsi d’un engagement individuel à un « engagement pour autrui »34.
L’assurance permet en outre de diluer le poids de l’indemnisation sur une collectivité, celle
des assurés… Indemnité que d’ailleurs seule cette collectivité peut effectivement payer. En
effet, très peu d’individus ont une surface patrimoniale suffisante pour honorer le poids de la
dette de responsabilité que le tribunal déclarera. Toutefois la « condition sine qua non de la
mutualisation assurantielle tient (…) à une stabilisation du montant des indemnités octroyées,
à une linéarité jurisprudentielle minimale autorisant l’anticipation, puis la tarification des
risques couverts »35. Ce qui veut également dire que pour ne pas reproduire la situation des
assureurs du risque médical, il faut que les conditions et les effets de la responsabilité des
divers acteurs du contentieux mérule soient connus. Soyons plus précis, un engagement
extensif de la responsabilité des techniciens en diagnostic comme des entreprises de
traitement du bois aura pour effet de conduire, dans un premier temps, à une hausse des
primes, puis à l’absence d’offre en ce domaine… Et mécaniquement à une disparition de cette
activité qui répond pourtant à une demande certaine. Un élément externe peut aussi venir
rétablir l’équilibre, par exemple en réglementant ces activités autour de critères précis de
compétence technique, de recherche des parasites, de protocoles normalisés de traitement…
Ce qui serait hautement souhaitable pour apprécier ensuite linéairement la responsabilité des
uns et des autres.
Par ailleurs le droit des assurances porte en lui-même des limites à l’intervention de
l’assureur : tout d’abord que l’activité du responsable soit couverte, mais encore que le
dommage ne soit point le résultat d’un défaut d’entretien de l’immeuble.
1 Activité non couverte
Nous sommes en présence ici d’artisans qui ont, par leur activité, débordé l’objet strict
de leur garantie professionnelle. Ainsi en va-t-il lorsqu’un électricien accepte de poser une
cloison – ce n’est plus une activité d’électricien, mais de maçon. Plus subtilement, l’artisan
titulaire d’une police d’assurance de responsabilité décennale couvrant les activités de
« revêtement des sols et murs en matériaux durs – plâtrerie » qui enlève un enduit existant
pour mettre la pierre à nu, sans poser un quelconque revêtement nouveau, effectue en réalité
des travaux de maçonnerie non assimilables à la pose de matériaux durs. En conséquence
l’activité n’entre pas dans le champ de garantie de la police36… Et la victime du dommage se
retrouve seule face à un insolvable ; Il convient donc avant travaux de vérifier la compatibilité
de ceux-ci avec la garantie souscrite par le professionnel.
2 Dommage dû à un défaut d’entretien de l’immeuble
L’assureur du syndicat de copropriété dénie assez souvent sa garantie au motif que le
dommage résulte d’un défaut d’entretien, à savoir par exemple le non renouvellement de
canalisations vétustes devenues poreuses ou la non réfection d’une verrière ou encore d’une
toiture. L’assureur est alors fondé à opposer l’exception de non garantie résultant d’un défaut
d’entretien. Ici encore les copropriétaires dans leur ensemble gagneront à voter en assemblée
les dépenses nécessaires à bon entretien de l’immeuble. A cet égard et plus généralement une
34 S. Prigent, L’engagement pour autrui, Coll. de thèses Doctorat et notariat, t. 12, La baule, 2002, préf. L.
Cadiet – Engagement pour autrui et assurance, à paraître à la Revue générale de droit des assurances.
35 Ph. Pierre, Vers un droit des accidents, Contribution à l’étude du report de la responsabilité civile sur
l’assurance privée, th. Rennes I, dactyl., 1992, n° 175, p. 249.
36 Rennes, 16 mai 2002, arrêt n° 173.
audacieuse jurisprudence de la Cour de Versailles a retenu comme défaut d’entretien, alors
qu’en l’état aucun texte ne l’impose, l’absence de réalisation d’ « un diagnostic de l’immeuble
en raison de l’importance du bois intervenant dans la structure de celui-ci, de l’état de
vieillissement naturel de la charpente et de la poutraison ; qu’il est certain qu’une action
vigilante du syndicat dans le cadre de l’entretien et de la conservation de cet immeuble
ancien aurait permis de découvrir l’état des parties communes, la présence de la mérule et les
risques encourus » (Cour d’appel de Versailles, 4° Ch., 12 janv. 2004). Au demeurant le
résultat de cet état aurait gagné à être inscrit dans le carnet d’entretien de l’immeuble de façon
à ce que tous, les acheteurs potentiels y compris, n’aient plus qu’à faire inspecter – à moindre
coût – les seules parties privatives… Mais nous anticipons là sur la prise en compte de
l’intérêt des copropriétaires, soucieux de la préservation du bâti.
Voici un texte interessant :
LA RESPONSABILITÉ DES ACTEURS DANS LE CADRE DU
CONTENTIEUX SUR LE MÉRULE (JURISPRUDENCE NATIONALE –
COUR DE CASSATION, RÉGIONALE – COUR D’APPEL, ET LOCALE
– TRIBUNAUX DE GRANDE INSTANCE)
Résumé : l’acheteur ne connaît pas le bien immobilier ancien qu’il acquiert ; trop souvent,
après vente, il découvre, à l’occasion de travaux de rénovation, les ravages provoqués par le
mérule. L’acheteur va rechercher la responsabilité de divers acteurs : son vendeur, au titre
des vices cachés ou de la garantie décennale si celui-ci était assimilable à un constructeur ;
les intermédiaires immobiliers comme les agents immobiliers et les notaires ; les
professionnels du bâtiment intervenus sur l’immeuble (technicien en diagnostic n’ayant pas
aperçu le mérule, les entreprises de traitement des bois, les entrepreneurs généraux du
bâtiment ayant posé par exemple des plaques isolantes ou des fenêtres sans aération, les
peintres qui auront humidifié les murs…). Ce qui signifie également que le contentieux ne se
limite pas au droit de la vente. L’absence de tout texte particulier concernant le mérule laisse
une place au pouvoir créateur de la pratique et surtout en l’espèce de la jurisprudence.
L’intérêt de l’étude de la jurisprudence se renforce eu égard au préjudice particulier causé
par la mérule qui passe, comme une mauvaise maladie, d’une phase dormante à une phase
active et destructrice.
Le mérule nourrit dans le grand Ouest de la France, et plus généralement au Nord de la
Loire, en Belgique et sur les côtes anglaises, un contentieux important. Mais s’il y a bien une
juridiction plus que toute autre concernée, c’est le Tribunal de grande instance de Brest. Ce
champignon trouve en effet ici des conditions climatiques, mais encore tenant au bâti, qui
vont lui permettre de se développer. Aussi M. Rosati, Président du Tribunal de grande
instance de Brest, a souhaité une étude sur « la responsabilité des acteurs dans le cadre du
contentieux sur le mérule ». Je me suis chargé de ce dossier qui m’ouvre un champ de
recherche jusque là totalement inexploré à travers la jurisprudence de la Cour de cassation, de
Cours d’appel, en particulier de Rennes, et de Tribunaux de grande instance.
C’est l’instant de remercier M. le Président du tribunal de grande instance de Brest
non seulement pour cette idée qui me permet de prolonger des analyses contenues dans ma
thèse, mais encore pour les matériaux fournis, à savoir les décisions du Tribunal de grande
instance de Brest. Je remercie également les Présidents des première et quatrième Chambres
de la Cour d’appel de Rennes, MM. Dabosville et Moignard, qui nous ont permis d’accéder
directement et complètement aux arrêts. Enfin je dois déclarer toute ma reconnaissance à
Mme Marguerite Jourdain, Maître de conférences à l’Université de Bretagne Occidentale, qui
a collecté et initié une analyse des décisions du TGI de Morlaix, et à Maître Castel qui nous a
fourni de nombreuses décisions nous ayant permis d’étendre notre cercle géographique ainsi
que de précieux conseils puisés dans sa longue pratique du sujet.
Ceci nous mène à la méthodologie suivie pour cette étude.
Nous sommes parti d’un mot clé, « mérule », et avons choisi d’examiner en premier
lieu les arrêts de la Cour de cassation, puis de la Cour d’appel de Rennes, d’effectuer des
comparaisons avec d’autres solutions adoptées par d’autres Cours, et enfin d’analyser les
jugements des TGI de Brest et Morlaix, principales juridictions confrontées au phénomène
mérule, dans l’espoir de trouver, en l’absence de législation particulière en ce domaine, des
principes et la manière selon laquelle les juridictions les appliquent. Dans chaque “ordre”,
c’est-à-dire en cassation, appel et devant les tribunaux de grande instance, est intervenu un
critère chronologique de classement et d’étude en espérant observer cette fois la façon selon
laquelle les idées, positions et principes évoluent au fil de la connaissance du risque mérule.
Nous avons étendu notre sélection d’arrêts de cassation et d’appel à quelques affaires touchant
des insectes xylophages ou l’amiante, voire le contrôle technique automobile, lorsque les
principes dégagés étaient susceptibles de s’appliquer par extension à notre champ précis, le
mérule.
Précisons enfin que le vocable « mérule » recouvre bien souvent en pratique outre le
mérule stricto sensu, le coniophore… Au point que bien souvent l’on préfère parler dans les
états parasitaires, voire dans les jugements, de « champignon » ou de « pourriture » sans
davantage préciser. En réalité seule une analyse en laboratoire offre une certitude. Ce point ne
perturbe pas notre étude dans la mesure où les principes dégagés sont extensibles de l’un à
l’autre.
Les décisions, soit 16 arrêts de la Cour de cassation (période 1962-2005), 29 arrêts de
Cours d’appel (période fin 2002-premier semestre 2004) et 46 jugements de Tribunaux de
grande instance (période fin 2002-2005), ont été dépouillées en suivant la même grille de
lecture. Par la suite nous avons pu faire une analyse de notre sujet dont je vous propose ici les
éléments essentiels. Le propos sera articulé selon deux parties : la première s’attachera aux
responsables, la seconde au dommage – en précisant, pour ne plus y revenir ensuite, car il
n’y a là aucune spécificité du contentieux sur le mérule, qu’il doit exister un lien de cause à
effet entre le dommage et l’intervention de l’auteur supposé du dommage.
I LES RESPONSABLES
Ce serait une grave erreur de croire que le contentieux sur le mérule se limite à la
vente. Certes il est avant tout le fait de non professionnels de l’immobilier qui vendent
directement leur bien. Mais le contentieux du vice caché ne présente ici aucune particularité
notable. Tout est dit dès lors que l’on sait que le vendeur doit à son acheteur une garantie
contre les défauts cachés de la chose qui en empêchent un usage normal. En l’état actuel du
droit, à l’égard du vendeur occasionnel, les règles légales sur la garantie des vices cachés
peuvent être écartées ou restreintes, ce qui est usuel en matière immobilière pour assurer la
sécurité de la transaction. Cependant la clause de non garantie ne peut trouver effet quand il
est prouvé que le vendeur avait connaissance des vices en cause et les avait dissimulés, auquel
cas il doit en outre tous dommages intérêts (articles 1643 et 1645 du Code civil). Il nous reste
alors à examiner le reste du contentieux, plus original, qui met en cause des professionnels de
la vente immobilière (A) et des professionnels du bâtiment (B).
A LES PROFESSIONNELS DE LA VENTE IMMOBILIÈRE
Les affaires examinées mettent en scène très souvent des intermédiaires professionnels
de la vente immobilière soumis à deux régimes de responsabilité différents : les négociateurs
immobiliers (1) et les notaires simples rédacteurs de l’acte authentique (2).
1 Le négociateur immobilier
Ordinairement c’est l’agent immobilier qui est chargé, moyennant une commission, de
la négociation de l’immeuble. A cet effet il reçoit de son client, le vendeur, un “mandat de
vente”. C’est-à-dire plus précisément qu’il devra rechercher des acheteurs. L’agent doit
éclairer entièrement son client sur les particularités de l’affaire à conclure. Il est tenu d’un
devoir de conseil. Ainsi l’agent commet une défaillance contractuelle s’il donne à son client
des renseignements incomplets – en omettant par exemple de signaler le risque de l’opération
ou un vice du bien qui aurait normalement conduit le vendeur à ne le proposer qu’après avoir
effectué des travaux de reprise. L’agent est également tenu d’éclairer les acquéreurs qu’il
recherche, sauf à engager cette fois sa responsabilité délictuelle.
C’est sous cet angle que la jurisprudence locale, en l’absence de tout texte spécifique
au mérule et confrontée à un contentieux important, va faire oeuvre créatrice. Il reste que cette
construction opportune n’est pas nécessairement conforme au Droit dont la Cour de cassation
assure la régulation sur l’ensemble du territoire.
Ainsi nous présenterons dans un premier temps la jurisprudence locale (a) puis nous
nous interrogerons dans un deuxième temps sur sa conformité avec la jurisprudence de la
Cour de cassation (b).
a – La jurisprudence locale
La jurisprudence locale opère une distinction selon que l’immeuble est à risque ou non
(α et β).
α - L’immeuble à risque possède un profil typé. Il s’agit d’un immeuble construit à
Brest ou en Nord Finistère au début du XX° siècle « en maçonneries de pierres hourdées à
l’argile avec charpente et empoutrement bois »1. Le risque sera d’autant plus caractérisé que
l’immeuble en question sera exposé aux vents et à l’humidité, notamment en raison de sa
position en contrebas. Ajoutons pour un tableau parfait : des fissures ; une absence de
ravalement ; des travaux de rénovation effectués avec doublage des cloisons qui vont
empêcher les murs de respirer ; un changement des fenêtres et des portes de nature à modifier
la ventilation des pièces2…
L’agent immobilier, « réputé avoir une bonne connaissance du bien à vendre (… doit
dans ces conditions) non pas inspecter lui-même l’immeuble techniquement, ce qui n’est (…)
ni de son rôle ni de sa compétence, mais informer loyalement tant le vendeur que l’acquéreur
sur le risque de révélation d’une infestation par le mérule sur ce type de construction, en
demandant la délivrance par le propriétaire d’un certificat de non infestation parasitaire, ou
en effectuant toute autre démarche de portée équivalente de nature à attirer l’attention des
acquéreurs » (Rennes, 4 déc. 2003, arrêt Goutherot) – en particulier l’insertion d’une
condition ou la présentation d’une attestation de traitement total et récent de l’immeuble.
les négociateurs immobiliers seront toutefois exonérés si « à l’époque de la
transaction l’ampleur du phénomène mérule n’était pas la même que quelques années plus
tard et que (leur) attention (…) n’avait pas encore été attirée sur les risques encourus du fait
de la présence du champignon (…) notamment dans les immeubles anciens présentant
certaines particularités de construction »3. L’année charnière de connaissance réputée du vice
est 2000 – l’hiver pluvieux 1999-2000 ayant conduit la presse, reflet de la conscience
collective, à s’intéresser au champignon.
Indication scénique : Affichage de l’arrêt (page 1 Power point)
β - Si l’immeuble n’est pas à risque, c’est-à-dire qu’il est dans un bon état et que rien
dans sa construction ne laisse penser à la présence de la mérule, les négociateurs immobiliers
ne sont pas tenus de délivrer un avertissement sur celle-ci. Ainsi dans une affaire le Tribunal
de grande instance de Brest relève que « l’immeuble en cause a été construit en 1954, soit
depuis moins de cinquante ans au jour de la vente, avec des murs en maçonneries hourdis au
mortier bâtard, sans fissures significatives, sans cloisons de doublage (les murs peuvent
respirer), dans une zone non soumise à la réglementation anti-parasitaire et ne présentant
pas une particulière humidité. (…) au moment de l’achat, cette maison possédait un caractère
apparent de qualité et son aspect extérieur autant qu’intérieur apparaissait tout à fait correct,
ayant été valablement ventilée et chauffée. L’expert ne caractérise aucun signe apparent et
objectif, au moment de la transaction, d’atteinte de cet immeuble particulier par la mérule
(…). Dans ces conditions, la contamination de l’immeuble en cause par des insectes
xylophages (et) par la mérule n’étant pas apparente, même pour un professionnel de
l’immobilier normalement diligent, les acheteurs seront déboutés de leurs demandes
d’indemnités formulées à l’encontre du négociateur immobilier »4.
Indication scénique : Affichage du jugement (page 2 Power point)
1 TGI de Brest, 14 janv. 2004, aff. 02/00596 – Rennes, 4 déc. 2003, Goutherot, arrêt n° 508.
2 TGI de Brest, 12 fév. 2003, aff. 01/01423.
3 Rennes, 14 janv. 2004, arrêt n° 19, arrêt confirmatif d’un jugement du TGI de Brest..
4 TGI de Brest, 11 décembre 2002, aff. 01/02338, l’affaire met en cause un notaire qui a négocié l’immeuble –
Rennes, 29 avril 2004, arrêt 200.
En synthèse, face à un immeuble dit à risque, caractérisé par des éléments généraux et
abstraits, l’agent, présumé depuis l’année 2000 connaître le vice, doit toujours conseiller
préalablement à la vente la réalisation d’un état parasitaire, alors que face à un immeuble non
typé il n’en sera tenu que s’il pouvait détecter effectivement une attaque de mérule, comme
par exemple une plinthe boursouflée et gondolée apparente dans la salle de bain, c’est-à-dire
un vice apparent pour tout professionnel même non technique de l’immobilier qui pouvait
passer inaperçu aux yeux d’un particulier ignorant les manifestations caractéristiques de la
mérule5.
b – Jurisprudence de la Cour de cassation
Indication scénique : Affichage de l’arrêt (page 2 Power point)
Les TGI de Brest, Morlaix et Quimper, notamment, comme la Cour de Rennes, sont en
pointe de la jurisprudence sur la mérule… Ces juridictions sont en prise directe avec le
phénomène. La jurisprudence de la Cour de cassation est, elle, plus en retrait en exigeant,
sans nuance, c’est-à-dire sans distinguer si l’immeuble est à risque ou non, que soit rapportée
la preuve que l’agent immobilier avait connaissance du vice pour que soit établi un
manquement à son devoir de conseil – je vise ici pour appuyer mon propos un arrêt de la Cour
de cassation, 1° Ch. civ., en date du 20 déc. 2000, qui concernait des insectes xylophages6.
L’espèce est d’autant plus intéressante que le pourvoi reprochait à la Cour d’appel de ne pas
avoir tiré toutes les conséquences légales de ses constatations lorsqu’elle soulignait que
« l’agent immobilier aurait dû connaître le désordre en cause, phénomène courant dans la
région pour des constructions déjà anciennes »… Ce qui évoque mot pour mot la
jurisprudence sur le mérule en vigueur dans la Cour de Rennes. En réalité la jurisprudence de
la Cour de cassation est tout simplement et uniquement celle que les juridictions locales
adoptent face à un immeuble ne présentant pas un profil type de risque mérule. Plus
précisément encore, la Cour de cassation ne reconnaît pas le “profil à risque” d’un immeuble
dès lors qu’il est question d’apprécier la responsabilité d’un agent immobilier.
2 Le rédacteur de l’acte authentique
Nous envisageons ici la responsabilité du notaire rédacteur d’un acte authentique dit
de réitération en supposant qu’il n’a pas participé à la négociation du bien. Précisons que dans
le système du Code civil français la vente d’immeuble n’exige pas le respect d’une condition
de forme pour être valable. Toutefois lorsque deux personnes sont décidées à conclure
ensemble une vente importante, comme par exemple une vente immobilière, chacune d’elle
peut vouloir immédiatement être assurée du sérieux de l’engagement pris par l’autre. Les
parties prennent l’habitude de rédiger, généralement sous l’égide de l’agent immobilier, un
acte sous seing privé : c’est le compromis – ce que les juristes nomment une promesse
synallagmatique de vente. Ensuite pour que la vente soit opposable aux tiers, il faut rédiger un
acte authentique – car seuls les actes authentiques sont susceptibles d’être publiés.
Le principe est ici très clair : le notaire, simple rédacteur de l’acte authentique de
vente, ne répond que d’une défectuosité d’ordre juridique. Ainsi le notaire sait qu’il doit
demander un état hypothécaire, faute de quoi il risque d’engager sa responsabilité ; qu’il doit
informer les acheteurs d’un bien de sa situation dans une zone inconstructible… Au contraire,
lorsque le vice invoqué est d’ordre matériel, comme du capricornes dans la toiture, du
5 En ce sens TGI de Brest, 11 déc. 2002, aff. 01/02338.
6 C. cass., 1° Ch. civ., 20 déc. 2000, RCA mai 2001, p. 17, note M.-A. Agard.
mérule attaquant les solives ou des problèmes de chauffage, les actions en responsabilité
dirigées contre lui échouent, au motif essentiel que le notaire rédacteur de l’acte authentique
n’est pas censé visiter l’immeuble pour contrôler son état ; c’était l’affaire des parties à l’acte
éventuellement “assistées” d’un agent immobilier. Seules ces dernières ont négocié le bien.
Cependant le notaire ne pourra se dispenser de conseiller les acquéreurs de réaliser un
état parasitaire si antérieurement il a eu connaissance de problèmes liés à la mérule dans
l’immeuble – suite par exemple à l’annulation d’une première vente parvenue à sa
connaissance7. On observera enfin que la Chambre départementale des notaires du Finistère a
émis le 24 avril 2001 le voeu « qu’un état parasitaire de l’immeuble soit établi, préalablement
à la signature de l’acte de vente, par un homme de l’art dûment assuré ». Ce voeu bien
entendu n’a pas force obligatoire, il n’est qu’une norme morale de bonne conduite du notaire
face à l’ampleur du phénomène.
B LES PROFESSIONNELS DU BATIMENT
Nous distinguerons, eu égard au champ de notre recherche, les spécialistes du bois (1)
des généralistes du bâtiment (2).
1 Les spécialistes du bois
Les normes (en particulier Norme française NF P 03-200 relative aux agents de
dégradation biologique du bois) invitent à distinguer ceux qui réalisent un état parasitaire de
ceux qui vont réaliser un traitement des bois.
a – Le diagnostic
Il faut distinguer dans la catégorie diagnostic le rapport rendu par un technicien en
diagnostic du simple état des lieux.
α - Le rapport rendu par un technicien en diagnostic
Le problème peut être ainsi posé : suivre la norme NF P 03-200 qui prévoit seulement
un contrôle visuel sans sondages destructifs suffit-il toujours ?
Ici encore la jurisprudence dégage des éléments assez simples à suivre.
Le principe est qu’ « il ne peut être reproché (…) au technicien en diagnostic tenu de
réaliser “un état parasitaire visuel sans démolition, sans dépose de revêtement ni
manipulation importante de mobilier et limité aux parties visibles et accessibles” de n’avoir
pas détecté le champignon » qui n’était décelable qu’après des sondages destructifs8.
Son exonération est cependant limitée :
1/ il ne doit pas se contenter d’établir un état visuel négatif face à un immeuble ancien
présentant toutes les suspicions de présence de mérule, eu égard notamment à son mode de
7 TGI de Brest, 28 janv. 2004, aff. 02/01649.
8 TGI de Brest , 28 mai 2003, aff. 02/01568 – 21 avril 2004, aff. 03/02668.
construction, mais attirer l’attention sur la présence probable d’une attaque par la mérule dans
l’immeuble et recommander une recherche plus approfondie9 ;
2/ le technicien doit utiliser tous les moyens à sa disposition pour découvrir du
mérule : le visuel, la recherche d’humidité et le poinçon10, voire des sondages destructifs dans
des parties déjà dégradées ;
3/ le technicien doit préciser dans son rapport les difficultés rencontrées lors de son
inspection, notamment « si la maison était encombrée (…) il lui appartient de faire les
réserves nécessaires, voire de refuser d’établir l’état parasitaire tant qu’il ne lui serait pas
possible d’accéder aux endroits stratégiques »11 ;
4/ il doit rappeler la portée limitée de son rapport : « Le constat se borne à indiquer
(…) qu’il n’y a pas de traces visibles et n’affirme pas l’absence certaine d’atteinte biologique
des bois »12.
La jurisprudence du TGI de Brest et de la Cour de Rennes touchant le technicien en
diagnostic est cette fois en accord parfait avec la jurisprudence de la Cour de cassation : « le
contrôleur technique chargé d'établir le diagnostic réglementaire est tenu d'une obligation de
conseil et doit s'enquérir, par lui-même, des caractéristiques complètes de l'immeuble
concernant la présence éventuelle d'amiante » (C. cass., 3° Ch. civ., 2 juill. 2003, Bull. civ.,
III, n° 141). Au vu de cet arrêt, on peut légitimement considérer que la Haute juridiction
considère avec plus de sévérité les obligations d’un technicien du bâtiment que celles d’un
agent immobilier. En effet, l’un doit posséder des connaissances techniques en matière de
bâtiment, au rebours de l’autre qui est avant tout un commercial – ce qui explique pourquoi
dans un cas, celui de l’agent, elle refoule le concept d’immeuble à risque, et dans l’autre, celui
du technicien, elle le reçoit pour y lier une obligation de conseil.
β - L’état des lieux réalisé par un professionnel
Certaines réglementations prévoient la réalisation d’un état des lieux. Ainsi, en matière
de prêts conventionnés ou à taux zéro, si le logement a plus de 20 ans, un état des lieux fait
par un professionnel indépendant de la transaction, par exemple un géomètre, titulaire d'une
assurance professionnelle, est désormais exigé. Cet état des lieux, annexé à l'offre de prêt,
devra certifier que l'immeuble est aux normes minimales de surface et d'habitabilité, ou s'il ne
l'est pas, préciser les travaux nécessaires pour la mise en conformité (a. R. 331-69 C.c.h., réd.
issue du décret n° 2001-911 du 4 oct. 2001).
Quelle est la responsabilité de ce professionnel ?
La jurisprudence, en l’espèce deux jugements du TGI de Morlaix13, apporte une
réponse homogène : elle opère très justement une distinction entre l’état parasitaire réalisé par
un spécialiste du bois et le simple état des lieux oeuvre d’un généraliste en relevant que ce
dernier n’a réalisé qu’une mission limitée et sommaire destinée à obtenir un prêt
conventionné. Dès lors il ne saurait être rendu responsable que s’il a négligé sa mission en
9 Rennes, 1° avril 2004, arrêt n° 162 – TGI de Brest, 28 mai 2003, aff. 02/01568.
10 TGI de Brest, 21 avril 2004, aff. 03/02668 – TGI de Quimper, 4 janv. 2005, aff. 03/00748.
11 TGI de Brest, 2 fév. 2005, aff. 04/00354.
12 TGI de Brest, 28 mai 2003, aff. 02/01568 – TGI de Morlaix, 7 août 2003, aff. n° 03/340.
13 TGI de Morlaix, 6 novembre 2002, aff. 00/696 et 15 oct. 2003, aff. 02/393.
manquant une chose évidente. Par un argument d’analogie on peut dire que cette
jurisprudence est en accord avec celle de la Cour de cassation et de la Cour d’appel de Paris
touchant le contrôle technique automobile : la mission d'un centre de contrôle technique
automobile se bornant, en l'état de l'arrêté du 18 juin 1991, à la vérification, sans démontage
du véhicule, d'un certain nombre de points limitativement énumérés par ce texte, sa
responsabilité ne peut être engagée en dehors de cette mission ainsi restreinte, qu'en cas de
négligence susceptible de mettre en cause la sécurité du véhicule (C. cass., 1° Ch. civ., 19 oct.
2004).
b – Le traitement
Selon les principes qui se dégagent, l’entreprise spécialisée dans le traitement des bois
doit « apporter une science complète au problème qui lui est soumis »14. Ainsi, elle doit
réaliser un traitement suffisamment étendu pour éviter un retour de la mérule tant chez son
client, créancier de la prestation, que chez des tiers, par exemple des voisins du dessous, sauf
à engager cette fois sa responsabilité délictuelle. En effet, le contrat, en tant que fait social, est
opposable aux tiers et par les tiers intéressés pouvant imputer une faute au contractant15 ; de
même façon l’entreprise de traitement doit conseiller à son client de préalablement supprimer
les entrées d’eau dans l’immeuble.
Après intervention, l’entreprise délivre un certificat de traitement (par analogie avec ce
qui se fait pour les termites bien qu’il n’y ait en matière de mérule aucune réglementation).
Celui-ci doit relever exactement le travail réalisé. Or ce genre de travail n’ouvre pas droit à la
garantie décennale16. Ne s’applique alors éventuellement, en sus du droit commun contenu
dans le Code civil, qu’une garantie contractuelle. Tout manque de précision dans ce certificat
est de nature à se retourner contre le professionnel qui, à l’image de la jurisprudence sur les
loteries publicitaires et les certificats nominatifs de gains17, engagera le professionnel au-delà
de ce qu’il avait fait… Ou si l’on préfère à hauteur de la généralité des propos employés dans
le certificat. Exemple, une « garantie totale de non réapparition du mérule pendant 10 ans »,
contraindra l’entreprise à tenir ce résultat dans l’immeuble visé, pendant la période indiquée,
même si elle n’avait réalisé qu’un traitement partiel, limité à une solive.
2 Les généralistes du bâtiment
Des professionnels, non spécialistes du bois, appelés par le propriétaire du bâtiment,
peuvent également être à la source d’un développement du mérule. Leur responsabilité pourra
être recherchée soit au titre d’un manquement avant travaux à une obligation de conseil, soit
après achèvement au titre de la garantie décennale.
Indication scénique : Bref récapitulatif de ces éléments au moyen d’un schéma (page 3 Power point)
a – L’obligation de conseil avant le début des travaux
Avant même de lancer les travaux que souhaite réaliser le maître de l’ouvrage, le
professionnel doit s’interroger sur leur adéquation avec la situation de l’immeuble.
14 Rennes, 1° avril 2004, arrêt n° 162, précisons qu’il s’agit d’une obligation de moyens.
15 TGI de Brest, 28 mai 2003, aff. 02/01568. Rappr. C. cass., 3° Ch. civ., 25 mars 1998, Bull. civ., III, n° 72.
16 Rennes, 4 mai 2000, Jurisdata n° 120483.
17 V. part. C. cass., 2° Ch. civ., 11 fév. 1998, Defrénois 1998, n° 108, obs. D. Mazeaud.
Nous retiendrons ici une illustration parfaite : une entreprise est appelée par un
particulier pour effectuer une simple barrière anti-remontées capillaires. Or il était manifeste
en l’espèce qu’il y avait d’autres entrées d’eau dans l’immeuble. Le Tribunal de grande
instance de Quimper va alors juger qu’ « en effectuant une barrière anti-remontées capillaires
sans s’assurer que toutes les précautions avaient été prises pour empêcher l’eau de rentrer
dans l’immeuble, l’entreprise a commis un manquement caractérisé à son obligation de
conseil, faute qui est à l’origine du dommage constaté »18.
b – La garantie décennale
L’article 1792, alinéa un, du Code civil, prévoit que « tout constructeur d'un ouvrage
est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages,
même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant
dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent
impropre à sa destination ».
Au lendemain du vote de la loi de 1978, ayant institué cet article, il semblait que seuls
les travaux de réhabilitation, c’est-à-dire produisant une modification structurelle de
l’immeuble, entraînaient la garantie. Toutefois une première évolution se produisit en matière
de ravalement : après avoir exclu cette opération, la Cour de cassation19 décida de soumettre à
la garantie les travaux de ravalement assurant une étanchéité (le terme est précis). Autre
évolution, et autre critère, la Cour de cassation soumet à la garantie décennale des travaux
ponctuels de valeur modeste mais aboutissant à l’apport d’éléments nouveaux20. La nécessité
d’une réhabilitation lourde et importante ne paraît donc plus de mise pour entraîner la
qualification d’ouvrage et l’application de la garantie décennale… Cependant, dans
l’hypothèse de travaux d’ensemble, un courant jurisprudentiel opère, assez peu logiquement,
une distinction entre rénovation lourde et simple réhabilitation, la responsabilité décennale
étant réservée à la première hypothèse.
Ainsi, et de manière pratique, des travaux de rénovation du bâti seront couverts par la
garantie décennale. Citons pèle mêle : la réfection d’un enduit de façade, le remaniage d’une
toiture effectué avec l’ajout de matériaux neufs ou l’apport de quelques voliges ; des travaux
de rejointement destinés à éviter des infiltrations ; des travaux importants de rénovation
intérieure d’un magasin ayant consisté notamment en la pose de doubles cloisons21 ou dans le
cadre d’une refonte complète des chambres d’un hôtel (ce qui est une référence aux travaux
d’ensemble) la pose d’appareils sanitaires fuyards22 – ces derniers éléments nous laissent
penser que les travaux de pure rénovation intérieure ne sont considérés au titre de la garantie
décennale que s’il revêtent effectivement une certaine importance.
Les redevables de la garantie décennale sont bien entendu avant tout les personnes
liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage : entrepreneurs et techniciens
du bâtiment, architectes. Mais si le constructeur est ordinairement un professionnel du
bâtiment, il faut toutefois tenir compte de l’article 1792-1, 2° du Code civil qui répute
constructeur de l’ouvrage « toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a
construit ou fait construire ». Ainsi le vendeur non professionnel d’un immeuble dans lequel
18 TGI de Quimper, 2 juillet 2002, confirmé par Rennes, 4 déc. 2003, arrêt n° 513.
19 C. cass., 3° Ch. civ., 3 mai 1990, Bull. civ., III, n° 105.
20 C. cass., 3° Ch. civ., 9 nov. 1994, Bull. civ., III, n° 184.
21 TGI de Brest, 22 oct. 2003, aff. 03/01349.
22 Rennes, 16 mai 2002, arrêt n° 177.
il a été procédé à des travaux de rénovation peut être tenu de la garantie prévue aux article
1792 et s., envers les acquéreurs, touchant les désordres affectant l’immeuble, dès lors que,
selon le critère retenu par la Cour de cassation, l’importance des travaux réalisés les assimile à
des travaux de construction d’un ouvrage23. Ainsi, par exemple, l’exécution d’un enduit sur
un pignon, la réparation de la toiture, la pose de menuiseries PVC sur une façade, le
renforcement du plancher haut du sous-sol, la pose d’un carrelage sur la totalité de la surface
du rez-de-chaussée et l’aménagement complet de la salle de bain, permettent de considérer
qu’il y a eu des travaux importants dans l’immeuble de nature à entraîner la garantie
décennale.
Et c’est ici qu’apparaît le problème d’une partie, l’acheteur, qui invoque plusieurs
fondements à l’appui de sa demande : la garantie des vices et la garantie décennale. Le
problème a son importance dans la mesure où, par exemple, il est inutile de démontrer la
mauvaise foi du constructeur alors que pour renverser une clause d’exclusion des vices il
faudra l’établir.
Contrairement à une certaine pratique judiciaire, ces deux actions ne peuvent jamais se
recouper ; elles sont exclusives l’une de l’autre. Dès lors que les règles des articles 1792 et s.
sont applicables, celles du droit de la vente ne le sont plus… Il n’y a ni choix ni option. Il faut
donc préalablement savoir si c’est le droit de la construction ou de la vente qui est applicable
(motivation 1) et ne juger l’affaire que sur ce seul fondement (motivation 2).
II LE DOMMAGE
Le propre de la responsabilité civile est, selon une formule jurisprudentielle empruntée
au doyen Savatier, « de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le
dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte
dommageable ne s’était pas produit »24.
Pour penser rationnellement le droit de la responsabilité, il convient de partir des
notions de dommage et préjudice.
Le dommage désigne une atteinte, une lésion. Le préjudice, lui, est une suite de cette
lésion. Ainsi une atteinte à l’intégrité physique de la personne, c’est-à-dire un dommage
corporel, peut être à la source d’un préjudice patrimonial (frais médicaux, pertes de
salaires…) et d’un préjudice extra patrimonial (souffrance morale…).
Revenons maintenant à notre matière particulière. La présence du mérule dans un
immeuble peut, je dis bien peut, porter atteinte à l’intégrité du bien, être un dommage, et ainsi
engendrer divers préjudices. En fait il faut se poser deux questions successivement : à partir
de quel moment le mérule cause-t-il un dommage, sous entendu réparable ? Et quels
préjudices peuvent sourdre de ce dommage ? Tels sont les points que nous allons examiner
successivement… En oubliant pas que finalement c’est l’assureur qui sera généralement
engagé pour l’auteur du dommage – responsabilité et assurance forment un couple quasi
indissoluble en droit privé.
A LE DOMMAGE RÉPARABLE
23 C. cass., 3° Ch. civ., 9 déc. 1992, Bull. civ., III, n° 321.
24 V. p. ex. C. cass., 2° Ch. civ., 9 juill. 1981, II, n° 156.
Pour être réparable, le dommage doit, selon une formule de la jurisprudence, être
direct, actuel et certain. Écartons immédiatement le caractère direct, car il s’agit moins d’un
caractère du dommage indemnisable que du lien de causalité qui doit unir le dommage au fait
générateur de la responsabilité. Restent les caractères d’actualité et de certitude. A la vérité,
l’exigence de l’actualité du dommage paraît erronée : le préjudice futur peut être indemnisé
dès lors qu’il est certain. De sorte que, dans cette formule, le seul élément essentiel,
caractéristique, est la certitude du dommage, sur laquelle il convient de s’arrêter25.
Le dommage certain est le dommage vraisemblable. Nous disons bien vraisemblable
car il n’y a jamais de certitude absolue. Le dommage certain s’oppose au dommage éventuel,
purement hypothétique, lequel ne peut donner lieu à réparation. Ainsi le propriétaire d’un
immeuble n’obtiendra pas d’EDF une indemnité pour le risque d’incendie qui résulte du
voisinage d’une ligne à haute tension26.
Il n’y a aucune difficulté à apprécier la certitude du dommage si celui-ci est actuel,
déjà accompli. La difficulté apparaît en présence d’un dommage virtuel. Le dommage virtuel
est un préjudice futur probable, donc réparable. La jurisprudence nous en offre de nombreuses
illustrations à travers la perte d’une chance. La perte d’une chance de gain, dans l’opinion qui
tend à prévaloir, est plus qu’un dommage éventuel, car la chance de gain représente d’ores et
déjà dans le patrimoine une valeur qui peut être évaluée d’après un calcul de probabilités27.
Indication scénique : Bref récapitulatif de ces éléments au moyen d’un schéma (page 4 power point)
Revenons à quelques données touchant la biologie du mérule. Le mérule est une des
conséquences les plus graves de l’humidité. Il est le champignon lignivore le moins exigeant
en eau : le taux limite inférieur est néanmoins de 22 %. Cette valeur ne peut être atteinte que
dans des conditions anormales : constructions mal conçues, infiltrations, fuites, mauvais
entretien… Si le bois contient un taux d’humidité supérieur, l’attaque peut se produire ;
l’optimum étant atteint à 35 %.
L’attaque sera d’autant plus forte que la température oscillera entre 20° C et 26° C,
que l’atmosphère sera confinée (p. ex. après isolation qui apporte une absence de lumière et
des émanations ammoniacales). Quand toutes ces conditions sont réunies, le champignon peut
en quelques mois détruire les pièces de bois qu’il a envahies… Jusqu’à compromettre la
solidité d’un édifice. Le champignon est en phase de végétation ou dite aussi active.
Contrairement aux moisissures qui disparaissent une fois la source d’humidité
supprimée (ex. une fuite ponctuelle en couverture par une ardoise de récupération percée), le
mérule qui a réussi à s’installer suite à un apport d’eau accidentel ne va pas disparaître. Il
reste dormant, en repos végétatif, et peu réapparaître à la moindre occasion – ses spores
restant vivantes des années.
La découverte du mérule avec les dégâts indiqués en phase active ne pose pas de
problème. Le dommage est actuel, déjà réalisé.
25 V. Ph. le tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz action, Paris, 2004, n° 1410, p. 335.
26 En ce sens : J. carbonnier, Droit civil, tome 4, Les obligations, Coll. Thémis Droit privé, 21° éd., paris, PUF,
2000, n° 205, p. 360 – C. cass., 1° Ch. civ., 16 juin 1998, RCA 1998, n° 261, « un risque, fut-il certain, ne suffit
pas à caractériser la perte certaine d’une chance ».
27 Ex. d’application de la jurisprudence sur la perte d’une chance aux désordres de construction : C. cass., 3° Ch.
civ., 4 juin 1997, Bull. civ., III, n° 124 ; JCP G 1997, IV, 247, ayant constaté que le maître de l’ouvrage
s’apprêtait à implanter dans le bâtiment, au moment d’une crue, la chaîne de fabrication de plaques en acier qu’il
venait d’acquérir, la Cour d’appel a pu en déduire que l’abandon d’un projet théoriquement viable à la suite des
inondations avait constitué pour lui une perte de chance.
Qu’en est-il face à un mérule découvert seulement en phase de repos (dormant) ? Une
affaire jugée devant le Tribunal de grande instance de Brest le 21 avril 200428 nous servira
d’appui. L’expertise judiciaire révèle une présence du mérule à l’état dormant et préconise un
traitement du bâtiment dans son entier. Le tribunal ne suit pas le rapport de l’expert en notant
que « le maintien en bon état de la couverture, des huisseries et des enduits ainsi qu’une
ventilation adaptée n’activent pas le mérule qui ainsi n’occasionne pas de dommage
particulier. L’expert fait d’ailleurs état de potentiel de risque, ce qui ne correspond pas à un
dommage concrètement réalisé ou certainement réalisable ». Pour autant le tribunal ne
considère pas qu’il s’agit d’un préjudice purement hypothétique, mais plutôt d’un préjudice
futur virtuel qu’il va saisir sur le terrain de la perte d’une chance : « du fait de cette
méconnaissance de la présence de mérule à l’état latent les acheteurs (qui agissent contre
l’agent immobilier au titre d’un manquement à son devoir de conseil) ont perdu une chance
certaine d’obtenir une réduction du prix d’achat. En réparation de ce seul préjudice subi, il
leur sera alloué 15 000 € à titre de dommages-intérêts » – alors que les acheteurs du bien, se
fondant sur le rapport de l’expert judiciaire, demandaient, au titre d’un préjudice qu’ils
considéraient comme actuel, 66 000 € pour frais de remise en état de l’immeuble (traitement
curatif total, réfection des tapisseries…) ; 15 000 € pour troubles de jouissance (notamment
l’impossibilité d’habiter l’immeuble pendant les travaux de reprise) et frais financiers.
Il n’y a cependant pas unanimité face au mérule dormant. A circonstances quasiidentiques,
le TGI de Morlaix a accordé le 12 mars 200329 une indemnisation de 21 000 €
pour éradiquer le mérule (donc pour traiter), considérant de la sorte que le dommage est
actuel. L’affaire est d’autant plus intéressante que l’assureur de la société de traitement
résistait en arguant qu’ « il n’y a pas lieu à indemnisation d’un préjudice hypothétique. (…) la
présence du mérule est en elle-même insuffisante pour engager la responsabilité contractuelle
de la société de traitement des bois puisque des travaux de reprise ne se justifient que si le
champignon est actif ».
Si l’on tente de remonter aux sources de cette divergence, il faut rappeler qu’il existe
deux écoles doctrinales face au traitement du mérule dormant : les experts adeptes du
traitement et ceux qui soutiennent qu’un simple entretien de la maison (ventilation…) suffit.
Le juge doit donc avoir conscience de cet élément lorsqu’il rend sa décision. Car c’est bien au
juge que revient le dernier mot, ce que marque parfaitement la décision précitée du TGI de
Brest… Encore que, si l’on pousse la logique à fond, en soutenant que l’immeuble n’est
atteint en lui-même d’aucun dommage du fait de la présence du mérule dormant, la demande
tendant à obtenir des dommages et intérêts au titre d’une perte de chance d’obtenir une
réduction du prix d’achat ne devrait pas davantage aboutir – précisément parce que
l’immeuble ne subit aucune atteinte du fait de la présence du mérule dormant. Mais nous
admettrons bien volontiers avec Pascal que « la dernière démarche de la raison est de
reconnaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpassent »30. Et justement, pour sortir du
doute et retrouver Descartes, effectuons avec méthode une comparaison – en nous gardant de
tout propos de mauvais aloi – avec les maladies humaines qui comportent deux phases : une
phase de contamination et une autre phase pendant laquelle le virus est actif ; nous pensons ici
à l’hépatite C ou au VIH. La contamination fautive d’un patient par le virus de l’hépatite C
entraîne un préjudice certain même si le virus est pour l’instant paisible, la victime ayant dû se
soumettre à une stricte surveillance médicale préventive et vivre dans l’anxiété31…
Exactement comme le propriétaire du bien touché par le mérule dormant : il doit plus qu’un
autre veiller par exemple à la parfaite ventilation du bien, craindre une attaque si une source
28 Aff. 03/02668.
29 Aff. 02/868.
30 Blaise Pascal, Pensées, 1658, n° 267 éd. Brunschvicg.
31 V. p. ex. C. cass., 1° Ch. civ., 9 juill. 1996, Bull. civ., I, n° 106.
d’humidité venait à apparaître accidentellement… Et c’est ainsi que nous voyons que le
passage de l’éventuel au virtuel s’opère insensiblement pour ouvrir droit à indemnisation.
L’opposition entre les deux est affaire avant tout de degré plus que de nature : « le risque de
subir un préjudice peut d’ores et déjà être conçu comme un préjudice lorsqu’il oblige à
prendre des mesures pour s’en prémunir »32.
En synthèse, un mérule actif sera à la source d’un dommage actuel ; un mérule
dormant pourra être à la source d’un dommage virtuel saisi sous l’angle d’une perte de
chance.
Indication scénique : Bref récapitulatif de ces éléments au moyen d’un schéma (page 4 Power point)
B L’ INDEMNISATION DES PRÉJUDICES
Le dommage porté à l’intégrité du bien sera à la source avant tout d’un préjudice
patrimonial mesuré à hauteur de la perte éprouvée – sans pouvoir la dépasser.
Indication scénique : Bref récapitulatif de ces éléments au moyen d’un schéma (page 5 Power point)
Ce montant correspond pratiquement au coût des travaux de réfection des désordres.
Ceux-ci comprennent les travaux curatifs, à savoir le traitement, la reprise des poutres et
solivages atteints, mais encore tout ce qui est nécessaire pour empêcher le retour du mérule, à
savoir par exemple un assèchement des murs, un travail sur les maçonneries extérieures…
Par contre tout ce qui concerne la simple rénovation opportune, comme le changement
de portes ou de fenêtres qui devaient de toute façon être changées, n’entrera pas en compte.
On observera également au titre de la perte subie, le trouble de jouissance. En effet, à
compter du moment où l’immeuble est devenu inhabitable, car par exemple dangereux, les
propriétaires du bien atteint vont devoir prendre une location et déménager deux fois. Et c’est
seulement à compter de l’achèvement du traitement que le trouble cessera. Ils pourront de
nouveau jouir de leur bien. Les 6 derniers mois de cette période se décomposeront ainsi : dès
l’obtention d’une provision pour l’exécution des travaux de reprise, les maîtres de l’ouvrage
ont deux mois pour contacter et faire intervenir une ou des entreprises – éventuellement sous
la coordination d’un maître d’oeuvre. Le délai moyen de traitement est ensuite de 4 mois. Au
delà, on considère que le responsable ne sera plus tenu d’indemniser au titre de ce chef de
préjudice. En effet, il est de règle que l’on indemnise point le préjudice créé.
Indication scénique : Bref récapitulatif de ces éléments au moyen d’un schéma (page 5 Power point)
C LE REPORT DU POIDS DE L’INDEMNISATION SUR L’ASSUREUR
Un trait marquant de nos sociétés est le « déclin de la responsabilité individuelle »33.
Son moteur essentiel en droit privé est l’assurance de responsabilité – la victime pouvant
actionner directement l’assureur pour recevoir le bénéfice du contrat.
32 Ph. le Tourneau, Droit de la responsabilité, op. cit., n° 1414, p. 336.
33 G. Viney, Le déclin de la responsabilité individuelle, Coll. Bibl. de droit privé, t. 53, LGDJ, Paris, 1965, préf.
A. Tunc.
Indication scénique : Bref récapitulatif de ces éléments au moyen d’un schéma (page 5 Power point)
Nous passons ainsi d’un engagement individuel à un « engagement pour autrui »34.
L’assurance permet en outre de diluer le poids de l’indemnisation sur une collectivité, celle
des assurés… Indemnité que d’ailleurs seule cette collectivité peut effectivement payer. En
effet, très peu d’individus ont une surface patrimoniale suffisante pour honorer le poids de la
dette de responsabilité que le tribunal déclarera. Toutefois la « condition sine qua non de la
mutualisation assurantielle tient (…) à une stabilisation du montant des indemnités octroyées,
à une linéarité jurisprudentielle minimale autorisant l’anticipation, puis la tarification des
risques couverts »35. Ce qui veut également dire que pour ne pas reproduire la situation des
assureurs du risque médical, il faut que les conditions et les effets de la responsabilité des
divers acteurs du contentieux mérule soient connus. Soyons plus précis, un engagement
extensif de la responsabilité des techniciens en diagnostic comme des entreprises de
traitement du bois aura pour effet de conduire, dans un premier temps, à une hausse des
primes, puis à l’absence d’offre en ce domaine… Et mécaniquement à une disparition de cette
activité qui répond pourtant à une demande certaine. Un élément externe peut aussi venir
rétablir l’équilibre, par exemple en réglementant ces activités autour de critères précis de
compétence technique, de recherche des parasites, de protocoles normalisés de traitement…
Ce qui serait hautement souhaitable pour apprécier ensuite linéairement la responsabilité des
uns et des autres.
Par ailleurs le droit des assurances porte en lui-même des limites à l’intervention de
l’assureur : tout d’abord que l’activité du responsable soit couverte, mais encore que le
dommage ne soit point le résultat d’un défaut d’entretien de l’immeuble.
1 Activité non couverte
Nous sommes en présence ici d’artisans qui ont, par leur activité, débordé l’objet strict
de leur garantie professionnelle. Ainsi en va-t-il lorsqu’un électricien accepte de poser une
cloison – ce n’est plus une activité d’électricien, mais de maçon. Plus subtilement, l’artisan
titulaire d’une police d’assurance de responsabilité décennale couvrant les activités de
« revêtement des sols et murs en matériaux durs – plâtrerie » qui enlève un enduit existant
pour mettre la pierre à nu, sans poser un quelconque revêtement nouveau, effectue en réalité
des travaux de maçonnerie non assimilables à la pose de matériaux durs. En conséquence
l’activité n’entre pas dans le champ de garantie de la police36… Et la victime du dommage se
retrouve seule face à un insolvable ; Il convient donc avant travaux de vérifier la compatibilité
de ceux-ci avec la garantie souscrite par le professionnel.
2 Dommage dû à un défaut d’entretien de l’immeuble
L’assureur du syndicat de copropriété dénie assez souvent sa garantie au motif que le
dommage résulte d’un défaut d’entretien, à savoir par exemple le non renouvellement de
canalisations vétustes devenues poreuses ou la non réfection d’une verrière ou encore d’une
toiture. L’assureur est alors fondé à opposer l’exception de non garantie résultant d’un défaut
d’entretien. Ici encore les copropriétaires dans leur ensemble gagneront à voter en assemblée
les dépenses nécessaires à bon entretien de l’immeuble. A cet égard et plus généralement une
34 S. Prigent, L’engagement pour autrui, Coll. de thèses Doctorat et notariat, t. 12, La baule, 2002, préf. L.
Cadiet – Engagement pour autrui et assurance, à paraître à la Revue générale de droit des assurances.
35 Ph. Pierre, Vers un droit des accidents, Contribution à l’étude du report de la responsabilité civile sur
l’assurance privée, th. Rennes I, dactyl., 1992, n° 175, p. 249.
36 Rennes, 16 mai 2002, arrêt n° 173.
audacieuse jurisprudence de la Cour de Versailles a retenu comme défaut d’entretien, alors
qu’en l’état aucun texte ne l’impose, l’absence de réalisation d’ « un diagnostic de l’immeuble
en raison de l’importance du bois intervenant dans la structure de celui-ci, de l’état de
vieillissement naturel de la charpente et de la poutraison ; qu’il est certain qu’une action
vigilante du syndicat dans le cadre de l’entretien et de la conservation de cet immeuble
ancien aurait permis de découvrir l’état des parties communes, la présence de la mérule et les
risques encourus » (Cour d’appel de Versailles, 4° Ch., 12 janv. 2004). Au demeurant le
résultat de cet état aurait gagné à être inscrit dans le carnet d’entretien de l’immeuble de façon
à ce que tous, les acheteurs potentiels y compris, n’aient plus qu’à faire inspecter – à moindre
coût – les seules parties privatives… Mais nous anticipons là sur la prise en compte de
l’intérêt des copropriétaires, soucieux de la préservation du bâti.