Dépôt de garantie : source de tension ?
_lael_ Messages postés 5094 Date d'inscription dimanche 2 février 2020 Statut Membre Dernière intervention 20 novembre 2024 - 8 janv. 2024 à 19:04
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1 réponse
Modifié le 8 janv. 2024 à 19:16
Le dépôt de garantie est évidemment une source de tension.
D'un côté c'est un des seuls leviers qu'il reste au bailleur pour "sanctionner" un locataire indélicat.
Mais inversement, c'est également une source de frustration pour un locataire respectueux qui peut se retrouver sanctionné par un bailleur de mauvaise foi avec des recours assez limités, sauf à engager d'importants frais de justice.
Les rapports locatifs déséquilibrés
De ma vision des rapports locatifs, il y a un trop grand déséquilibre dans le rapport de force entre bailleur et locataire, au profit du locataire.
Un locataire ne risque pas grand chose à manquer à ses obligations contractuelles :
1) Aucune pénalité de retard
2) Une justice complaisante qui condamne uniquement le locataire à payer ce qu'il devait en refusant de tenir compte la plupart du temps des préjudices causés au bailleur (frais de procédure, dommages et intérêts, temps passé, etc...)
3) Effacement des dettes locatives en commission de surendettement
Ce qui fait que les bailleurs ne prennent plus la peine de se retourner contre les locataires pour des sommes inférieures à 2000€, car sinon ça leur coûte plus d'argent que le tribunal ne leur en accorde.
Ce qui contribue directement à un sentiment d'impunité des locataires et à détériorer davantage les relations locatives.
Augmentation continuelle des impayés
Les retards de paiement et impayés ont été multipliés par 2 à 4 en à peine quelques années (cf cette étude et en particulier les graphiques en haut), ce qui fait que les bailleurs deviennent plus exigeant sur les profils de locataire, par conséquent il y a toute une partie de la population qui se retrouve exclue du marché locatif privé faute de garanties suffisantes.
Le laxisme judiciaire
Il y a également une recrudescence de candidats à la location présentant de faux documents, le tout avec un laxisme tout aussi édifiant de la justice. La majorité des affaires ne sont même pas instruites par le procureur et celles qui le sont aboutissent la plupart du temps à de simples rappels à la loi.
Sans compter les bailleurs qui ne prennent même plus la peine de porter plainte en sachant pertinemment que ça n'aboutira à rien.
En terme de laxisme, les expulsions c'est encore pire.
Quelqu'un de bien conseillé saura comment obtenir un maximum de renvois d'audience, demander des délais, saisir les associations et services sociaux qui vont bien, etc... de sorte à faire trainer la procédure plus de 3 ans.
La nouvelle loi de juillet 2023 a réduit certains délais, mais ça ne sert pas à grand chose si le juge reste maître des délais de la "procédure" avec la multiplication des renvois d'audience à plus de 3 mois.
Le préfet a également la possibilité de refuser l'expulsion, même si prononcée par le tribunal, s'il n'est pas en mesure de proposer de solutions de relogement.
Ce qui peut retarder à nouveau de plusieurs années, notamment en présence d'enfants en bas âge.
Problèmes de la politique du logement
On peut la résumer en quelques mots : L’État fait du social à bas coût sur le dos du privé.
L’État a l'obligation de reloger les personnes (loi DALO entre autres) qui en font la demande.
Mais il n'a pas les structures pour y faire face, ceci pour tout un tas de raisons, dont les réquisitions de centres d'hébergement et hôtels pour y loger des demandeurs d'asile et autres immigrés, mais c'est un autre débat.
On ne construit également pas assez de logements neufs par rapport à l'évolution démographique, en incluant la balance migratoire trop souvent volontairement oubliée.
Et bien évidemment, la suppression de dispositifs fiscaux tels que Pinel, PTZ, TVA à taux réduit, subventions, etc... n'ont fait qu'accentuer ce déficit.
Donc l’État se satisfait pleinement de se décharger sur les bailleurs privés, faute d'avoir suffisamment de logements dans le parc social.
Pour en revenir au dépôt de garantie
Pour toutes ces raisons et ces risques supportés par le bailleur, ce dernier aura tendance à se "venger" sur le dépôt de garantie de son locataire.
Ce n'est bien entendu pas souhaitable, ni excusable, mais on est tous humains.
Pour assainir les choses il faudrait :
- Prendre des mesures pour faire cesser le sentiment d'impunité des locataires : réintroduire des pénalités, indemniser les préjudices du bailleur à leur juste valeur, réduire les délais d'expulsions, etc....
- Faire cesser certains abus permis par la loi : squat, prévoir que la preuve de la responsabilité du bailleur dans l'insalubrité soit à la charge du locataire (c'est actuellement au bailleur de prouver son absence de responsabilité sans pouvoir accéder au logement), prévoir une présomption de mauvaise foi d'un débiteur (actuellement on présume de sa bonne foi notamment pour les procédures de surendettement), etc...
Et ensuite on pourrait imaginer déléguer la gestion du "dépôt de garantie" à un tiers, comme Action Logement par exemple, qui agirait un peu comme médiateur en étudiant les demandes (état des lieux, devis, factures, ...) du bailleur par rapport au dépôt de garantie puis en portant l'affaire devant un juge si un arbitrage doit avoir lieu en cas de contestation d'une des parties.
On pourrait également imaginer que Action Logement pourrait avancer le coût de remise en état s'il dépasse le montant du dépôt de garantie, dans la limite de 3-4 fois le loyer par exemple et se chargerait du recouvrement auprès du locataire.
Ce que fait déjà plus ou moins Action Logement dans le cadre de la garantie Visale lorsque le bailleur demande l'indemnisation du coût de la remise en état.