Perte de loyers non-indemnisée suite à une expertise tardive

Vistarik - Modifié le 23 mai 2021 à 16:34
 Vistarik - 24 mai 2021 à 22:02
Bonjour,

Je voudrais savoir si la situation suivante est normale, et sinon comment je dois procéder.

Je suis propriétaire d'un petit appartement que je loue meublé via une agence de gestion. L'appartement a subi un dégât des eaux venant du voisin de dessus. Le plafond s'est effondré et mon locataire est parti sur le champ.

Pour procéder à la remise en état, mon agent a dû mettre d'accord trois partis : mes assurances, celles du syndic, et celles du voisin. Les assurances n'autorisaient pas de travaux avant l'accord des experts. Entre expertises et contre-expertises et la pandémie, l'attente de cet accord s'est éternisée : il ne s'est fait que QUATRE MOIS après le sinistre. L'appartement a été déclaré inhabitable, le voisin responsable. Les travaux ont ensuite duré 3 mois, assèchement compris. Donc mon appartement était inhabitable pendant 7 mois.

Or, l'accord des assurances ne m'octroie que 3 mois d'indemnisation de loyers perdus. Mon agent me dit que c'est déjà ça, et que les délais des experts sont liés à la crise sanitaire, et qu'il n'y a rien à faire quant à leur planning. Je n'ai pas de raison pour le contredire, encore moins pour imaginer que j'aurais fait mieux seul.

Mais ça laisse un constat aberrant : j'ai cotisé mes assurances et pourtant on me demande d'accepter une perte de 4 mois de revenus de location en conséquence direct d'un accident causé par un tiers. Juridiquement, comment ça peut tenir ?

Devrais-je m'asseoir sur ces revenus perdus ? Un retard d'experts est-il considéré comme une sorte d'évènement naturel, contre quoi on n'y peut rien ? Si non, contre qui pourrais-je me retourner ? L'accord est déjà approuvé et l'argent transféré. Et si c'est trop tard, est-ce qu'il y a une façon, assurance ou autre, qui me protégerait contre une nouvel accident comme celui-ci à l'avenir ?

En vous remerciant vivement pour vos conseils.

4 réponses

Bonjour
L'accord est déjà approuvé et l'argent transféré. 

Si vous avez signé une lettre d'accord sur dommages ou sur indemnité, comme le laisse supposer votre énoncé, comment voulez-vous revenir dessus?
Vous ne pouvez pas renier votre signature...
Ceci étant, la perte de loyer est déterminée à dire d'expert, et contradictoirement entre les parties.
Si votre contrat ne vous garantit, comme il le semble, que cette perte pendant la durée des travaux de réfection, rien ne vous aurait empêché de réclamer indemnisation de votre découvert prouvé à la partie responsable.
Et si ni vous ni l'agence n'est ou ne se sent capable de négocier avec les assureurs, engagez un expert d'assuré pour ce faire ; c'est son métier.
Ça a un coût, qu'il vous faut vérifier en fonction des termes de votre contrat, qui peut prévoir la prise en charge de tout ou partie des honoraires (mais rarement sur les pertes immaterielles).
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Bonsoir et un grand merci pour ces éclaircissements, j'y vois déjà mieux.

Si vous avez signé une lettre d'accord sur dommages ou sur indemnité, comme le laisse supposer votre énoncé, comment voulez-vous revenir dessus?


C'est mon agent qui l'a fait avec mon accord. Je lui fais confiance. S'il est trop tard pour revenir dessus alors tant pis pour moi, mais je voudrais au moins comprendre ce qui s'est passé.

Si votre contrat ne vous garantit, comme il le semble, que cette perte pendant la durée des travaux de réfection


Effectivement, de ce que j'ai compris, mon contrat ne couvre que la période des travaux. Ce qui semble normal à priori. Mais alors qui est responsable des retards des experts ?

rien ne vous aurait empêché de réclamer indemnisation de votre découvert prouvé à la partie responsable


Même si le découvert est dû aux retards cumulés des experts de toutes les parties, y compris la mienne ?

Et si ni vous ni l'agence n'est ou ne se sent capable de négocier avec les assureurs, engagez un expert d'assuré pour ce faire ; c'est son métier.


Intéressant, je viens de faire un peu de lecture dessus. Mais est-ce que cet acteur serait utile dans le cas présent : l'indemnisation des pertes immatérielles causées par un dossier qui traîne ?

Supposant que mes options sont épuisées à cette occasion, comment devrais-je m'y prendre pour éviter de me retrouver dans ce genre de situation très coûteuse ? J'avais supposé que je ne pourrais pas perdre financièrement dans le cas d'un accident causé entièrement par un tiers. J'étais naïf. Existe-t-il une assurance qui couvrirait les retards de bonne foi de la part des professionnels dans un dossier, sans questions posées, pour qu'un propriétaire soit indemnisé pour la période réelle de perte de jouissance suite à un sinistre ? Ou est-ce qu'il ne reste que l'option d'engager un avocat à ses frais, avant la signature de l'accord, afin de démêler la part du retard imputable à la partie adverse (scénario difficilement imaginable) ?

Vos conseils et suggestions sont très appréciés.
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Même si le découvert est dû aux retards cumulés des experts de toutes les parties, y compris la mienne ?

pour une cause due aux experts, oui ( en fait pas aux experts, mais au délai de 21 jours imposé par la convention d'expertise des assureurs).
mais de votre fait, ce serait contestable ; nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes...

Mais est-ce que cet acteur serait utile dans le cas présent : l'indemnisation des pertes immatérielles causées par un dossier qui traîne ? 

c'est une partie de votre préjudice, donc oui ; mais il saura faire la différence entre ce qui est dû contractuellement et ce qui ne l'est pas mais est réclamable auprès de la partie adverse responsable (sur le fondement des articles 1240 à 1242cc).
Le point ''négatif''étant que le remboursement contractuel éventuel de ses honoraires par votre assureur ne portera en principe pas sur cette part de préjudice.

comment devrais-je m'y prendre pour éviter de me retrouver dans ce genre de situation très coûteuse ? J'avais supposé que je ne pourrais pas perdre financièrement dans le cas d'un accident causé entièrement par un tiers. J'étais naïf. 

Il n'y a pas d'autre alternative que de savoir établir son état de pertes réel et réclamer son dû en s'appuyant sur le droit.
droit qui peut relever du contrat et/ou de la responsabilité.

Existe-t-il une assurance qui couvrirait les retards de bonne foi de la part des professionnels dans un dossier, sans questions posées, pour qu'un propriétaire soit indemnisé pour la période réelle de perte de jouissance suite à un sinistre ? 

Je ne connais pas la totalité des contrats existants pour pouvoir répondre à cette question.
Mais la base minimum est la justification du préjudice, qui incombe à l'assuré.
Sa bonne foi est présumée mais n'exclut jamais les vérifications de la preuve de ce qu'il peut avancer.
sinon, vous avez toujours la possibilité de réclamer directement au responsable et/ou à son assureur la réparation de votre préjudice (c'est le recours direct) ; mais les assureur ont cela en horreur..
^^
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Encore très utile, merci. Quelques petites clarifications et je vous laisse tranquille.

pour une cause due aux experts, oui ( en fait pas aux experts, mais au délai de 21 jours imposé par la convention d'expertise des assureurs). Mais de votre fait, ce serait contestable ; nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes... 


Ou les turpitudes éventuelles de mon agent, oui. Mais en principe mon agent n'a jamais fait que convoquer les experts et attendre de longs mois pour qu'ils soient disponibles. En tout cas bien au-delà de ces 21 jours conventionnels. Et si c'était mon propre assureur qui avait traîné les pieds, me coûtant ainsi de revenus perdus ? Et si les acteurs invoquaient la crise sanitaire pour faire suspendre leurs devoirs conventionnels ? Bien compliqué !

Le point ''négatif''étant que le remboursement contractuel éventuel de ses honoraires [de l'expert d'assuré] par votre assureur ne portera en principe pas sur cette part [je comprends immatérielle] de préjudice.


Signifiant que, tout au mieux, j'aurais perdu quand même une somme conséquente si j'avais suivi cette piste, non ? Ne resterait qu'une action civile en dehors de l'accord si je voulais absolument rattraper mes pertes, non ? Très hypothétiquement.

Mais la base minimum est la justification du préjudice, qui incombe à l'assuré. Sa bonne foi est présumée mais n'exclut jamais les vérifications de la preuve de ce qu'il peut avancer. 


Logique. Sauf que dans le cas présent, que reste à prouver précisément ? J+1 : déclaration de sinistre. J+120 : constat de logement inhabitable à cause du sinistre. N'est-ce donc évident que j'ai perdu 120 jours de jouissance à cause des retards des assureurs à se mettre d'accord ?

Pour conclure, si c'était à refaire qu'auriez-vous recommandé de faire dans ce cas précis ?

Et merci encore une fois pour toute votre expertise.
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Ou les turpitudes éventuelles de mon agent, oui. Mais en principe mon agent n'a jamais fait que convoquer les experts et attendre de longs mois pour qu'ils soient disponibles. En tout cas bien au-delà de ces 21 jours conventionnels. Et si c'était mon propre assureur qui avait traîné les pieds, me coûtant ainsi de revenus perdus ? Et si les acteurs invoquaient la crise sanitaire pour faire suspendre leurs devoirs conventionnels ? 

le délai légal (voir le contrat si délai contractuel) est mentionné dans l'article L122-2 c.ass.
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LLEGIARTI000006792457
c'est la remise de l'état de perte qui donne le point de départ (et pas celle de la déclaration).
Pour anticiper les éventuelles difficultés de rendre opposable la matérialité des dommages, la seule option que je connaisse est le constat d'huissier.
ce document auquel est adjoint un ou plusieurs devis de remise en état permettent de faire partir le délai ; pour l'inhabitabilite, ce peut être plus subjectif, par contre.
Ceci étant, la force majeure à toujours été un élément exoneratoire de responsabilité. La mauvaise volonté ou le je m'en foutisme, non.

Signifiant que, tout au mieux, j'aurais perdu quand même une somme conséquente si j'avais suivi cette piste, non ? 

pas forcément ; tout dépend des termes du contrat signé avec l'expert d'assuré.

Ne resterait qu'une action civile en dehors de l'accord si je voulais absolument rattraper mes pertes, non ? Très hypothétiquement.

C'est ça ; c'est l'action directe. Elle peut être amiable ou judiciaire...
En principe, les assureurs évitent la seconde option quand ils ont toutes les chances de se faire rétamer. Ce qui dépend donc de la solidité de votre dossier...

Logique. Sauf que dans le cas présent, que reste à prouver précisément ? J+1 : déclaration de sinistre. J+120 : constat de logement inhabitable à cause du sinistre. N'est-ce donc évident que j'ai perdu 120 jours de jouissance à cause des retards des assureurs à se mettre d'accord 

il manquerait juste l'aspect contradictoire et opposable initial...

Pour conclure, si c'était à refaire qu'auriez-vous recommandé de faire dans ce cas précis ?

difficile de refaire l'histoire... 4 mois de délai avant expertise, ce n'est quand même pas si courant.
mais sachant que la garantie contractuelle est limitée, l'intérêt est de rendre opposable au tiers ce qui ne l'est pas en lui laissant la responsabilité de l'aggravation du préjudice ; donc constat d'huissier spécifiant l'inhabitabilite et transmission au responsable et son assureur, avec copie au vôtre.
Cette perte n'étant pas garantie, il (votre assureur) devrait (normalement...) la reprendre dans l'évaluation du préjudice lors de l'expertise contradictoire (vous pouvez exiger sa mention sur ce document). Et faire figurer ce poste dans le recours présenté à la partie adverse, en tant que réclamation personnelle puisque non subrogée.
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Me voilà enfin éduqué sur le terme "subrogation" ! Toutes ces explications, et le conseil, sont vraiment super utiles. Peut être à d'autres aussi qui seront dans une situation similaire. Je vous remercie infiniment.
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