Litige sur les frais d'agence d'un meublé

Choukra Messages postés 3 Date d'inscription jeudi 25 avril 2013 Statut Membre Dernière intervention 12 février 2014 - 12 févr. 2014 à 17:02
lbigaret Messages postés 12754 Date d'inscription samedi 20 septembre 2008 Statut Modérateur Dernière intervention 4 juillet 2014 - 12 févr. 2014 à 19:28
Bonjour,

J'ai un litige avec l'agence de mon ancien logement. Il s'agissait d'un appartement meublé, pour lequel j'avais payé la totalité des frais d'agence. Je l'ai quitté en 2011. En 2012, j'ai trouvé un avis de la Commission des clauses abusives (CCA), qui indique qu'il n'est pas normal que ces frais soient à la charge exclusive du locataire :

« La plupart des contrats mettent à la charge du preneur tous les frais liés à la conclusion du bail. De telles clauses déséquilibrent le contrat au détriment du locataire qui prend à sa charge exclusive les sommes permettant la conclusion d'un contrat profitant aux deux parties. »
http://www.clauses-abusives.fr/recommandation/location-de-locaux-a-usage-dhabitation-completant-la-n-80-04/

J'ai adressé à l'agence et au propriétaire un courrier demandant que l'un ou l'autre me rembourse la moitié des frais d'agence. Ils ont refusé. Je me suis alors renseigné sur la marche à suivre :

« Si aucun arrangement n'est possible, vous l'assignez en justice pour demander réparation de votre préjudice. Votre adversaire se défendra en invoquant la clause, mais vous soulèverez son caractère abusif. C'est alors le juge qui tranchera. »
http://www.conso.net/bases/5_vos_droits/1_conseils/conseil_1070_j245-clauses_abusives.pdf

« Le juge peut déclarer une clause abusive. Il se réfère à la loi et aux recommandations de la CCA. Les Tribunaux sont très sévères en matière de clauses abusives. »
http://www.murielle-cahen.com/publications/p_clause.asp

J'ai donc déposé une requête au greffe du Tribunal d'Instance pour que l'agence ou la propriétaire me rembourse la moitié des frais d'agence. Lors de l'audience, j'ai demandé l'application de l'article L132-1 du Code de la consommation. En m'appuyant sur l'avis de la CCA, j'ai dit qu'en mettant les frais d'établissement du bail à ma charge exclusive, la clause en question a crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Dans le dossier déposé au greffe, j'ai aussi mentionné le fait que le BZ était complètement hors d'usage, le jour de mon arrivée dans l'appartement. J'ai dû acheter un nouveau sommier très rapidement (par la suite, le matelas a également été changé à mes frais). Or l'absence d'un élément aussi important que le sommier dans l'inventaire devrait empêcher de louer un logement en meublé. Si le bail avait été requalifié en tant que logement vide, ça aurait réglé la question des frais d'agence.

Le jugement a été rendu le 16 janvier. J'avais demandé l'application de l'article L132-1, le juge m'a répondu que « la clause litigieuse ne crée pas un tel déséquilibre ». Mais il ne donne aucune motivation à cette déclaration, ce qui me semble anormal. Selon le site de la Cour de cassation :

« En revanche, une motivation est nécessaire dans les domaines laissés par la Cour de cassation à l'appréciation souveraine des juges (existence et consistance des faits, existence et évaluation du préjudice, qualifications assimilées par la Cour de cassation à du fait). Le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties. »
https://www.courdecassation.fr/publications_26/bulletin_information_cour_cassation_27/bulletins_information_2005_1877/n_613_1890/

L'article 455 du CPC dit bien que « le jugement doit être motivé ». Si le juge n'explique pas le jugement qu'il rend, alors ce dernier relève de l'arbitraire. Le juge étant allé contre l'avis d'une commission nationale d'experts, il est vraiment étrange qu'il n'ait pas motivé cette décision.

J'ai déposé mon dossier en suivant la procédure, je me suis acquitté des timbres fiscaux, je suis venu à l'audience, j'ai présenté des arguments. Sur l'application de l'article 132-1, le juge ne m'a pas répondu. Il n'a pas motivé pourquoi, à ses yeux et dans le contexte d'un meublé, c'est équilibré quand une partie paye la totalité des frais d'un bail qui profite à deux parties. Peut-être que la CCA s'est trompée, et que du coup j'ai tort sur le fond de l'affaire. Mais je ne peux pas comprendre en quoi j'ai tort si le juge ne me l'explique pas.

Par contre si la clause est bien abusive, le juge n'a pas respecté l'article 132-1, en refusant de l'appliquer à une situation qui rentrait dans le cadre de cet article. Plusieurs jugements ont été cassés pour non-application de l'article L132-1 : 12-14.432, 11-27.766, 04-15.890, 04-17.578. Je ne peux pas faire appel de cette décision (litige inférieur à 4000€), mais je pense qu'un pourvoi en cassation est possible.

En plus, je viens de trouver cet avis très récent de la CCA, qui va encore plus loin que celui de 2000 :

« Considérant que certaines clauses prévoient que seront à la charge du locataire tous les frais, droits et honoraires du bail ainsi que ceux qui en sont la suite ou la conséquence ; que ces clauses, dès lors qu'elles n'indiquent ni la nature ni le montant de l'ensemble de ces frais, ne permettent pas au locataire de connaître précisément l'étendue de son engagement ; qu'elles créent à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, et sont abusives ; qu'elles sont donc abusives ;

Considérant que des clauses mettent à la charge du locataire les frais et honoraires du mandataire du bailleur ; que ces clauses, qui font peser sur le locataire la charge de prestations bénéficiant exclusivement au bailleur, créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; qu'elles sont donc abusives »
http://www.clauses-abusives.fr/recommandation/location-non-saisonniere-de-logement-meuble/

Quand j'ai reçu le jugement j'ai été surpris. Maintenant que j'ai lu ce nouvel avis de la CCA, je suis d'autant plus étonné. Cet avis de la CCA concerne spécifiquement les meublés, et il valide l'argumentation que j'ai présenté à l'audience. La clause en question a été déclarée abusive une deuxième fois par la CCA !

Le nombre de locataires en meublé n'est pas négligeable en France. À l'heure actuelle, ils se font tous lésés par les agences sur les frais d'établissement du bail. Si j'obtiens gain de cause, cela bénéfiera à tout le monde : la future loi Hamon sur la consommation prévoit que, lorsqu'une clause est jugée abusive par une décision de justice, elle pourra être supprimée de tous les contrats similaires qui la contiennent.

Extrait du jugement :

« Sur le fond de la demande

Attentu qu'en l'espèce le bail signé entre les parties porte sur une location de logement meublé.

Attendu en conséquence que les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 et notamment de l'article 5 de ce texte ne sont pas applicables en l'espèce de telle sorte que la clause mettant à la charge du locataire les frais d'agence n'est pas prohibé[e].

Attendu que les recommandations de la commission des clauses abusives n'ont pas force de loi.

Attendu qu'au termes de l'article L 132-1 du code de la consommation : « sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

Attendu que la clause litigieuse ne crée pas un tel déséquilibre, qu'en conséquence M. X [moi] sera débouté de ses demandes.

Sur les autres demandes

Attendu que la société Y [l'agence] a dû pour assurer sa défense exposer des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge et qui peuvent être évalué[s] à la somme de 500€, que M. X sera condamné à lui payer ladite somme. »

J'avais demandé l'application de article L132-1. Les motivations 1 à 3 du jugement et la citation de l'article 132 lui-même ne répondent pas à cette demande.

Le juge n'a pas motivé sa décision, il n'a pas répondu à mes conclusions. Et paradoxalement, il a pris la peine de motiver l'application de l'article 700... alors que ce dernier relève du pouvoir discrétionnaire du juge, c'est l'une des exceptions à l'obligation de motivation !

Je ne parle pas de remettre en cause le jugement parce que le juge n'a pas appliqué la recommandation nº 00-01 de la CCA. Je pense qu'un pourvoi en cassation est possible pour défaut de motivation, pour défaut de réponse à conclusions et pour non-application de l'article 132-1.

J'ai contacté une association de consommateurs, mais je suis preneur de tout conseil pouvant m'aider :)

Merci d'avance,
Cordialement,
Choukra.
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1 réponse

lbigaret Messages postés 12754 Date d'inscription samedi 20 septembre 2008 Statut Modérateur Dernière intervention 4 juillet 2014 4 589
12 févr. 2014 à 19:28
Vous avez la réponse dans le jugement qui vous a été communiqué. Les honoraires sont librement imputés pour une habitation meublée. L'avis de la CCA n'a pas force de loi.
J'aurais tendance à avoir le même raisonnement que le juge concernant votre affaire et la prise de position de la CCA semble contraire aux lois existantes.


"4° Clauses relatives aux frais, droits et honoraires

5. Considérant que certaines clauses prévoient que seront à la charge du locataire tous les frais, droits et honoraires du bail ainsi que ceux qui en sont la suite ou la conséquence ; que ces clauses, dès lors qu'elles n'indiquent ni la nature ni le montant de l'ensemble de ces frais, ne permettent pas au locataire de connaître précisément l'étendue de son engagement ; qu'elles créent à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, et sont abusives ; qu'elles sont donc abusives ;

6. Considérant que des clauses mettent à la charge du locataire les frais et honoraires du mandataire du bailleur ; que ces clauses, qui font peser sur le locataire la charge de prestations bénéficiant exclusivement au bailleur, créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; qu'elles sont donc abusives ;"


Le 6 m'interpelle dans le sens où les prestations ne bénéficient pas uniquement au bailleur.....ce me semble être une interprétation abusive des choses. Le 5 n'interdit pas ces clauses sauf si le preneur n'en a pas une exacte connaissance préalable (pour résumer) !
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