Donation déguisée : définition, prescription, sanctions
Qu'est-ce qu'une donation déguisée, notamment entre époux, et quelles sont les conséquences et les risques sur le plan fiscal ? Définition, risques et délais de prescription.
Qu'est-ce qu'une donation déguisée ?
La donation déguisée est une pratique mise en oeuvre par les contribuables peu scrupuleux pour diminuer le montant des droits à payer au fisc. Les droits de donation et de succession sont en effet élevés dès qu'on dépasse le montant des abattements : on atteint vite les tranches à plus de 20% en ligne directe, et les transmissions entre parents éloignés sont taxées à un niveau "prohibitif". Alors que les droits de mutation à titre onéreux sont beaucoup plus faibles.
D'où la tentation de dissimuler la donation sous l'apparence d'un autre acte, le plus souvent une vente. Avec pour objectif de diminuer le montant des droits à payer.
Il peut aussi s'agir parfois de contourner la loi qui réserve aux descendants une part minimale du patrimoine du défunt et d'avantager ainsi un autre héritier, un concubin, etc.
Quels exemples de donation déguisée ?
Le plus souvent, les donations déguisées prennent la forme d'une vente : vente d'un bien sans encaisser le prix, vente en viager à un âge très avancé pour une rente jamais versée, etc. Mais elles peuvent aussi prendre l'apparence d'autres actes, tout aussi fictifs.
- La reconnaissance de dette : M. Martin reconnaît devoir une certaine somme à Mlle Dupont, alors qu'il ne lui a jamais rien emprunté, ou qu'il lui a déjà remboursée discrètement...
- Le prêt : inversement, M. Martin prête une somme à Mlle Dupont et lui remet un reçu de remboursement alors qu'elle n'a rien versé.
Les juges peuvent se fonder sur les circonstances et les caractéristiques des actes en cause pour les requalifier en donations déguisées. Tel est le cas, par exemple, de prêts successifs sans intérêt d'un montant de 6 millions d'euros d'une mère à son fils sans remboursement. La Cour de Cassation (arrêt n° 15-21366 du 8 février 2017) a ainsi estimé que l'intention libérale était démontrée, l'âge de 99 ans de la mère, lors du terme du premier prêt, rendant aléatoire l'obligation de remboursement.
Comment contester une donation déguisée ?
Sur le plan civil, ce sont les héritiers éventuellement lésés qui contestent généralement l'acte en question en cherchant à prouver la donation déguisée, par tous les moyens à leur disposition (témoignages, documents, etc).
Les mêmes preuves devront être apportées par le fisc qui cherchera, lui aussi, à requalifier l'acte en donation déguisée pour percevoir les droits de mutation à titre gratuit. Les moyens mis en oeuvre sont naturellement plus importants (relevés, etc.).
Dans certains cas, en présence de « montages » juridiques excessifs, l'Administration sera tentée de mettre en oeuvre la procédure de l'abus de droit fiscal qui peut mettre la preuve à la charge du contribuable.
Quelles sont les sanctions d'une donation déguisée ?
Sur le plan civil, la donation déguisée, une fois prouvée, n'est pas annulée : le transfert de propriété reste valable. Mais le montant de la donation est rajouté à la succession au moment du décès et les parts de chacun sont recalculées en conséquence. Le bénéficiaire d'une donation déguisée peut ainsi être amené à indemniser les héritiers réservataires qui n'auraient pas perçu leur part minimale d'héritage.
Sur le plan fiscal, une fois prouvée la donation déguisée, l'Administration applique les droits de mutation à titre gratuit, assortis d'un intérêt de retard. En cas de mauvaise foi démontrée, la pénalité sera de 40%, voire de 80% en cas de manoeuvres frauduleuses.
La vente à un enfant est-elle une donation déguisée ?
Les ventes à un enfant avec réserve d'usufruit sont soumises à l'article 918 du Code civil : elles sont automatiquement assimilées à une donation déguisée, sans que le vendeur puisse prouver le contraire. Sauf s'il s'agit d'un simple droit d'usage et d'habitation (et non d'usufruit) ou, plus sûrement, si les autres enfants déclarent accepter la vente dans l'acte.
De même, sur le plan fiscal, l'usufruitier est supposé conserver la pleine propriété et l'enfant, au moment du décès du parent, devra donc payer des droits de succession comme s'il n'avait jamais acheté la nue-propriété. A moins de pouvoir prouver la sincérité de la transaction (relevés bancaires, etc.). Pour éviter cette présomption de propriété, le parent a intérêt à conserver un simple droit d'habitation ou à vendre l'usufruit à une SCI, constituée par les enfants.
Donation déguisée en assurance-vie
Un contrat d'assurance-vie peut être requalifié, dans certains cas, en une donation déguisée en faveur du bénéficiaire. En effet, si l'assurance-vie offre des avantages fiscaux en matière de succession, c'est en raison de son caractère aléatoire : l'assuré peut toujours récupérer tout ou partie de son épargne et le bénéficiaire n'est pas toujours certain de percevoir à court terme le produit de cette épargne. Conséquence : si le titulaire manifeste la volonté irrévocable de transmettre son patrimoine au bénéficiaire du contrat d'assurance-vie, cette transmission peut être requalifiée en donation déguisée et être soumise aux droits de succession.
Exemple tiré de la jurisprudence : un souscripteur, apprenant qu'il est atteint d'un cancer incurable, souscrit un contrat d'assurance-vie et y verse l'équivalent de 82% de son patrimoine. Trois jours avant son décès, il désigne son légataire universel comme bénéficiaire du contrat. La Cour de cassation a considéré qu'il n'y avait pas d'aléa ni de possibilité réelle de rachat par l'assuré.
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