Harcèlement moral au travail : définition et sanction
Le harcèlement moral au travail est sanctionné par la loi. Comment le reconnaître et le prouver.
Qu'est-ce qu'un harcèlement moral ?
Le harcèlement moral correspond à des actes répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter préjudice à autrui. En pratique, les éléments constitutifs d'un harcèlement moral peuvent prendre de nombreuses formes, telles que des dénigrements à répétition, des pratiques visant à isoler le salarié, des sanctions disproportionnées prises à son encontre par sa direction, etc. Il peut concerner un salarié, mais aussi un candidat à l'embauche, à un stage ou à une formation. Le harcèlement moral est malheureusement une infraction fréquente en entreprise. La loi prévoit des règles spécifiques pour le prévenir et le sanctionner.
Le harcèlement moral au travail est mentionné aussi bien par le Code du travail que par le Code pénal. Les dispositions du Code du travail applicables au harcèlement moral figurent aux articles L. 1152-1 à L. 1152-6 du code. Ces articles de loi posent une définition du harcèlement moral en entreprise ainsi que certaines obligations de l'employeur. Le harcèlement moral au travail est réprimé par l'article 222-33-2 du Code pénal.
Quelle est la sanction du harcèlement moral ?
Le harcèlement moral est un délit. Il est puni de 2 ans de prison et 30 000 euros d'amende (article 222-33-2 du Code pénal). En plus de ces sanctions pénales, la personne qui se rendrait coupable d'un harcèlement moral peut faire l'objet de sanctions disciplinaires de la part de l'employeur. Il s'expose également à devoir verser des dommages et intérêts afin d'indemniser la victime. La Cour de Cassation (arrêt n° 16-10463 de la chambre sociale rendu le 8 juin 2017) a ainsi jugé que les agissements d'un salarié à l'égard de ses subordonnés, constitutifs d'un harcèlement moral, rendaient son maintien dans l'entreprise impossible et pouvaient entraîner son licenciement pour faute grave.
Que faire en cas de harcèlement moral ?
Le salarié victime d'un harcèlement moral a le choix entre plusieurs solutions : la médiation, l'action en justice ou le dépôt d'une plainte pour harcèlement moral.
Médiation
Lorsqu'un conflit en lien avec un harcèlement moral est en germe, il est possible de recourir à une phase de médiation sans passer par les tribunaux. La loi permet ainsi à toute personne de l'entreprise s'estimant victime de harcèlement moral et à la personne mise en cause de mettre en oeuvre cette procédure. Le médiateur est choisi d'un commun accord par les parties. Il tentera de concilier celles-ci en leur soumettant des propositions consignées par écrit. Les parties sont libres ou non de les accepter. L'échec des négociations n'empêche pas l'une ou l'autre des parties d'agir en justice par la suite.
Prud'hommes
Le salarié victime d'un harcèlement moral peut saisir les prud'hommes afin, d'une part, de mettre un terme aux agissements fautifs, et, d'autre part, de demander des indemnités au titre de la réparation des dommages subis. Le salarié peut faire appel à une organisation syndicale représentative afin que celle-ci engage à sa place l'action en justice. Pour ce faire, le salarié doit lui fournir son accord par écrit. Attention : si la victime du harcèlement moral est un agent public, elle doit saisir le tribunal administratif et non le conseil de prud'hommes.
Porter plainte pour harcèlement moral
La victime peut également porter plainte pour harcèlement moral au commissariat ou à la gendarmerie. En cas de poursuites, l'auteur présumé des faits sera jugé par le tribunal correctionnel. Un salarié qui porte plainte pour harcèlement moral n'a pas à en informer son employeur (arrêt n° 15-20916 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 2 novembre 2016).
Prescription du harcèlement moral
Il est possible de porter plainte pour harcèlement moral dans un délai de 6 ans à compter des faits. Pour agir aux prud'hommes, le délai de prescription applicable est de 5 ans.
Comment dénoncer un harcèlement moral ?
Un salarié témoin d'un harcèlement moral peut le dénoncer en écrivant une lettre de signalement de harcèlement à son employeur, ce dernier ayant des obligations légales contre le harcèlement au travail. Le Code du travail lui impose en effet de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de le prévenir (article L. 1152-4) et lui permet de prendre des sanctions disciplinaires à l'encontre de tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral.
En pratique, un harcèlement peut également être l'oeuvre de l'employeur ou d'un supérieur hiérarchique. Dans cette situation, un salarié témoin de harcèlement peut également rédiger une lettre de témoignage de harcèlement moral en faveur du salarié victime. Le salarié qui dénonce un harcèlement moral ne peut pas subir de sanction disciplinaire en raison de sa dénonciation. La Cour de Cassation a notamment sanctionné le licenciement d'un salarié ayant relaté des faits de harcèlement moins de 15 jours après cette dénonciation, cette dernière ayant manifestement eu une incidence sur la mise en place à très court terme de la procédure de licenciement (arrêt n° 14-26465 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 16 juin 2016).
Quelles sont les obligations de l'employeur contre le harcèlement ?
Il incombe à l'employeur de lutter contre le harcèlement moral au travail. Il doit donc être très vigilant lorsque des faits de ce type lui sont rapportés. La jurisprudence (arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation n°18-10551 rendu le 27 novembre 2019) considère que l'employeur doit diligenter une enquête dès lors qu'il est informé de faits pouvant conduire à une situation de harcèlement moral. Si le salarié est finalement licencié, le rapport de cette enquête interne peut être produit en justice afin de justifier la faute du salarié, les juges restant libres d'en apprécier la valeur probante (arrêt n° 21-11437 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 29 juin 2022).
Dans un but préventif, le Code du travail impose à l'employeur de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir le harcèlement. La loi l'oblige notamment à afficher dans les lieux de travail l'article du Code pénal réprimant le harcèlement moral. Elle précise également que le salarié coupable d'un harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire. En revanche, la jurisprudence (arrêt n° 14-29624 de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 19 octobre 2016) considère qu'une entreprise ne manque pas à son obligation de sécurité lorsque le harcèlement moral est commis par des tiers et que ces derniers n'exercent pas d'autorité pour le compte de l'employeur sur le salarié victime.
La loi protège les salariés qui dénonceraient un harcèlement moral contre d'éventuelles représailles, quelle que soit leur forme. Qu'elle soit salariée, en formation ou en stage, une personne ne peut en aucun cas faire l'objet de sanctions pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir dénoncer ces derniers. En pratique, ces mesures peuvent notamment prendre la forme d'un licenciement, d'un reclassement, d'un refus d'augmentation ou de promotion, etc. La loi précise que toute discrimination des salariés de ce type est passible d'un an de prison et de 3 750 euros d'amende (article L. 1155-2 du Code du travail).
En pratique, le harcèlement moral est parfois utilisé par une direction pour pousser un salarié à quitter l'entreprise en contournant la procédure de licenciement légale. Il s'agit d'une pratique illicite. Par conséquent, un salarié licencié après avoir subi ou dénoncé un harcèlement moral peut agir aux prud'hommes afin d'obtenir gain de cause. A l'inverse, un salarié qui se rendrait coupable d'une fausse dénonciation de harcèlement moral peut être licencié si sa mauvaise foi est établie. La Cour de Cassation considère que la mauvaise foi du salarié est caractérisée dès lors qu'il est prouvé que ce dernier avait connaissance de la fausseté des faits dénoncés et qu'il avait l'intention de nuire au destinataire de ses accusations.
Enfin, un salarié ne peut remettre en cause le licenciement régulièrement fondé sur la constatation de son inaptitude en invoquant un harcèlement moral antérieur à l'avis d'inaptitude. En revanche, il peut dans cette situation réclamer des dommages et intérêts pour son préjudice moral sur le fondement de l'article L. 1152-1 du Code du travail (arrêt de la cour d'appel de Bourges du 29 février 2008 - RG n° 07/00796).