Maintien pas le salaire (covid) non versé. Hors la loi ?

employe224_1245 - 2 mai 2022 à 16:30
nenuphar. Messages postés 5870 Date d'inscription dimanche 8 mars 2020 Statut Membre Dernière intervention 27 avril 2024 - 2 mai 2022 à 22:00
Bonjour à tous,

Je suis confronté à une problématique concernant le maintien de salaire pour un arrêt de travail pour Covid. J’espère pouvoir trouver ici de l’aide.

J’ai attrapé (ainsi que ma conjointe) le COVID le mois dernier. Nous étions symptomatiques : fièvre, toux, maux de têtes, frissons, insomnies etc. Nous avons donc été arrêtés (suite à nos tests covid positif). Nous avons tous les deux moins d’un an d’ancienneté dans nos entreprises respectives, ce qui ne nous donne en principe pas le droit à un maintien de salaire en complément de l’indemnité de la sécurité sociale. Cependant, sur l’arrêt de travail, figure cette mention :


Cette attestation est délivrée dans le cadre des arrêts dérogatoires liés à la Covid-19. L’Assurance Maladie indemnise l’arrêt à compter du premier jour déclaré sur l’attestation d’isolement et dans les conditions habituelles de calcul du montant des Indemnités journalières.

Pour les arrêts débutant à compter du 10 Janvier 2021, le dispositif prévoit que la prise en charge du complément de salaire, en lien avec l’indemnisation de l’Assurance Maladie et pour la période d’arrêt, soit intégralement à la charge de l’employeur.





En me renseignant auprès de la sécurité sociale (Amélie), on me confirme alors que, pour les arrêts maladies concernant le COVID, l’employeur est tenu de verser un maintien de salaire, sans jour de carence, et sans conditions d’ancienneté. Je demande donc confirmation de la prise en compte de cette règle en ce qui me concerne. Les RHs transmettent la demande au service juridique, qui m’a indiqué que ce maintien de salaire ne serait pas versé (et je ne l’ai effectivement pas reçu sur ma fiche de paie nie sur mon compte, ce qui représente une différence de plus de 500 euros par rapport à ce que je touche habituellement (après prise en compte des indemnités versées directement par la CPAM). Ma conjointe a, elle, reçu un complément de salaire sans avoir même à en faire la demande, alors qu’elle n’a pas non plus l’année d’ancienneté demandée par sa convention collective pour les arrêts maladies dans le cas général (hors covid).



Voici le mail que j’envoie à mon service RH pour réclamer :




[...]

Concernant la légalité de ce maintien de salaire : comme je vous l’ai dit plus tôt, il m’a été confirmé par la sécurité sociale (il figure même clairement sur l’arrêt de travail que j’ai fourni). Cela repose notamment sur les articles suivants :


Article L16-10-1 du code de la sécurité sociale, qui prévoit en cas de crise sanitaire la possibilité d’adopter par décret des améliorations des prises en charge des frais de santé
Décret 2021-13 qui prévoit ledit maintien de salaire (d’où sa mention sur l’arrêt de travail), sans délai de carence, sans condition d’ancienneté, à la charge de l’employeur.
La loi 2021-1754 de financement de la sécurité sociale pour 2022, et son article 93, qui prolonge l’application du décret ci-dessus (d’où, une nouvelle fois, la mention sur l’arrêt de travail)

[...]






Et voici la réponse que j’ai reçu (écrite par les juristes et transmise par les RH) et qui semble justifier le refus du maintien de salaire.


L’indemnisation complémentaire de l’employeur en cas d’arrêt maladie covid (ou non covid d’ailleurs) est fixé :


Soit par la loi
Soit par la convention collective

Il convient d’appliquer le régime le plus favorable pour l’ensemble des salariés. Il s’agit d’une appréciation globale et non d’une appréciation salarié par salarié, qui est pratiquée avantage par avantage.

C’est un principe très clairement affirmé par la Cour de cassation, de longue date.



En l’occurrence, le régime du maintien de salaire a été assoupli pour les arrêts covid : dans la loi, il n’y a plus de condition d’ancienneté ni de délai de carence. L’indemnité est de 90% du salaire brut pendant 30 jours, puis 66% pendant 30 jours.

Il convient de le comparer au régime de notre convention collective : condition d’ancienneté d’1 an, pas de délai de carence. L’indemnité est de 100% du salaire net pendant 45 jours, puis 75% pendant 30 jours.

Au vu de l’ancienneté moyenne des collaborateurs (+ d’1 an d’ancienneté), le régime conventionnel d’indemnisation de la maladie est donc globalement plus favorable pour l’ensemble des salariés (que l’on parle du pourcentage d’indemnisation, de la base du salaire maintenu, ou de la durée d’indemnisation).



Il n’y a donc pas lieu d’appliquer le régime légal d’indemnisation complémentaire en cas de maladie (que ce soit pour un arrêt covid ou pas). Il n’y a donc pas de complément de salaire à assurer pour les salariés ayant moins d’1 an d’ancienneté.




Donc pour résumer, ils précisent que selon une décision de la Cour de cassation (laquelle ? ils ne le précisent pas), la loi s’appliquerait de façon collective au niveau de tous les salariés de la boite (cela me semble fou, mais je ne suis pas juriste). Dans mon cas (moins d’un an d’ancienneté), la convention collective n’accord aucun maintien de salaire (la loi sur les arrêts du covid est donc plus favorable pour mon cas individuel), mais comme une majorité de collaborateurs ont plus d‘un an d’ancienneté, la convention collective est plus avantageuse pour cette majorité de collaborateur, et c'est donc elle qui est appliquée : obligeant donc les autres collaborateurs à bénéficier de prestations moins avantageuses que la loi. Ils ne prennent de plus pas la peine de préciser le nombre d’employés ayant moins d’un an et plus d’un an d’ancienneté... la boite embauche massivement et je ne serais pas étonné qu’on soit proche de la limite des 50%, peut-être même donc au-dessus, c’est en tout cas la tendance que je constate dans mes locaux, mais je n’ai pas les chiffres officiels à l’échelle de la boite.

De plus, pour déterminer si la loi ou la convention est plus avantageuse, ils se basent sur une indemnité à 90% dans le cas du covid (sans citer leur sources). Les textes que j’ai trouvés (voir mon premier mail) parlent d’un maintien de salaire sans préciser un taux de 90%, je comprenais donc que le maintien était bien de 100%. Cela rendrait alors même discutable le fait que la convention collective soit plus avantageuse pour la majorité des salariés car on aurait alors 100% avec l’une comme avec l’autre (au lieu de l’absence de maintien de salaire, et donc 50% du salaire via la CPAM, pour toutes les personnes ayant moins d’un an d’ancienneté).

Enfin, en admettant même que le chiffre de 90% de maintien via la loi soit en fait correct, ainsi que tous leurs arguments et toutes leurs hypothèses, j’ai malgré tout du mal à comprendre leur raisonnement. La décision (non sourcée, donc je n’ai pas le texte pour me faire mon idée) de la Cour de cassation indique apparemment qu’« Il convient d’appliquer le régime le plus favorable pour l’ensemble des salariés ». Le calcul qu’ils font ne correspond pas à chercher le régime le plus favorable pour l'ensemble des salariés, mais à déterminer le régime le plus favorable pour la majorité des salariés. Si on fait donc le calcul pour l’ensemble (ce qui à mon sens est une moyenne pondérée par les effectifs, comme le ferait n’importe quel mathématicien) le résultat dépend alors du nombre de salariés de moins d’un an d’ancienneté. La loi ne mettant pas de condition d’ancienneté, l’indemnisation moyenne est donc de 90%. Concernant la convention collective, l’indemnisation moyenne est inférieure à 90% (et donc moins avantageuse que la loi) si le nombre d’employés de moins d’un an représentent plus de 20% de la boite, ce qui est vraisemblable. C’est de toute façon un point de bascule très éloigné de celui des 50% d’employés (la majorité) sur lequel se base la réponse de l’entreprise, et qui me fait donc douter de leur bonne fois, d’autant plus que l’entreprise de ma conjointe, qui n’est pas réputée particulièrement généreuse, lui a versé un complément de salaire sans être même contactée (et ils ont une base d’employés bien plus « anciens »).

Je sollicite donc votre avis par rapport au bien-fondé de la réponse de mon employeur. Son interprétation est-elle correcte ? Quel texte de la Cour de cassation invoque-t-il (et ne serait-il pas tenu à minima de me le citer ?) ? La méthode de calcul pour la majorité des salariés plutôt que pour les individus (ou via pondération) a-t-elle un sens juridique ? Il me parait complètement aberrant que, sous prétexte que ma boite soit « généreuse » dans sa convention pour les employés de plus d’un an, les employés de moins d’un an se retrouvent en conséquence dans des conditions moins avantageuses que la loi (50% au lieu de 90% voire 100%)…


J’espère trouver dans votre réponse un peu d’éclairage, car après avoir fouillé les textes sans expérience juridique, je me retrouve face à une armée de juristes, qui me répondent par l’intermédiaire des RH (qui ne s’y connaissent pas plus que moi je pense), sans prendre même la peine de sourcer leurs affirmations comme j’ai essayé de le faire dans ma sollicitation (peut être maladroitement). La discussion me semble donc bien déséquilibrée et j'ai peur de faire une erreur en leur répondant directement sans prendre conseil au préalable. Est-il pertinent de recourir à un avocat dans ce cas (si toutefois il m’est confirmé que ce n’est pas mon employeur qui aurait raison sur toute la ligne malgré mon sentiment d’injustice) ?



Nous sommes sur une somme qui n’est pas anodine (500 euros). Je tiens donc à vérifier mes droits, et par la même occasion ceux de mes nombreux collègues de moins d’un an d’ancienneté qui je n’en doute pas, n’ont pas été tous épargnés par le covid, et sont donc également concernés.



Je vous remercie par avance pour tout élément de réponse, et pour m’avoir lu jusqu’ici.
A voir également:

3 réponses

Bonjour

Je crois qu'elle devrait se remettre le nez dans les procédures du code du travail ou qu'elle lise en entier les textes de lois ( pas la moitié)
Que depuis la loi travail, la hiérarchie des normes ait été chamboulé et qu'un accord collectif puisse faire moins pour un salarié c'est un fait, mais cela ne concerne que des domaines précis comme le contingent d’heures supplémentaires, l’aménagement du temps de travail, les conventions de forfaits, le compte épargne-temps.
Nonobstant il y a une limite .
Article L2251-1
Version en vigueur depuis le 01 mai 2008

Une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public.


Elle n'a aussi absolument rien compris à la jurisprudence dont elle fait reference la voici :
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027454537
Attendu que pour accueillir la demande du salarié au titre du maintien de salaire pendant les arrêts de travail, l'arrêt retient que l'employeur a appliqué la convention collective en ce qui concerne le maintien du salaire pendant les arrêts maladie du salarié, cette convention prévoyant une indemnisation pendant trois mois au cours de 12 mois consécutifs ; que cependant les dispositions légales des articles D. 1226-1 à D. 1226-3 étant pour partie plus favorables au salarié quant à la durée d'indemnisation compte tenu de la majoration des durées tenant à son ancienneté, il appartenait donc à l'employeur pour l'indemnisation du salarié au regard du maintien du salaire, d'appliquer la disposition la plus favorable pour chaque avantage ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher, par une appréciation globale avantage par avantage, le régime d'indemnisation en cas d'arrêt de travail pour cause de maladie le plus favorable au salarié, la cour d'appel qui a procédé par une combinaison des textes légaux et conventionnels, a violé le texte susvisé ;

Cette jurisprudence vous donne raison : le RH doit TOUJOURS chercher la disposition la plus favorable au salarié ( vous remarquez qu'il n'y a pas de pluriel Hein ? ben oui un RH essaie plusieurs façon de calculer le maintien de salaire ou les indemnités de licenciement SI il connait son travail)
Sauf que dans l’arrêt le salarié a voulu mixer la disposition du code du travail pour la durée ... et vraisemblablement le % de sa convention collective .
Et là effectivement on n'est pas bon : c'est ou l'un, ou l'autre.


Mais dans votre cas c'est une disposition d'ordre public , c'est un décret qui s'impose à l'employeur ET c'est aussi plus favorable d'avoir quelque chose que rien .
(A mon avis, le jour ou vous faites licencier recalculer bien votre solde de tout compte .)
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Donc fini les discussions informelles sur le sujet, vous faites une mise en demeure à l'employeur de vous payer votre maintien de salaire qui est une mesure d'ordre public ( décret) auquelle ils ne peuvent déroger , sous 15 jours .
Qu'à défaut vous vous réservez le droit de saisir les autorités compétentes .
Le tout en recommandé avis de réception .
Vu le litige , vous pouvez très bien aller au CPH sans avocat avec vos justificatifs
Après c'est toujours bien d'avoir d'avoir un défenseur syndical qui vous demandera peut être d'être syndiqué ( mais c'est utile ... et 66% des cotisations sont déductible des impôts , voire vous donne un crédit d’impôt si vous n'en payez )
Et puis, qui sait ? Cela peut donner envie d'en apprendre plus sur le droit du travail ;-)
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nenuphar. Messages postés 5870 Date d'inscription dimanche 8 mars 2020 Statut Membre Dernière intervention 27 avril 2024 2 156
2 mai 2022 à 22:00
Bonsoir,
kang74 vous a donné toutes les informations. Je me permets juste de rajouter qu'il vous faut joindre copie de votre décompte d'ijss à votre demande + copie du tout à l'inspection du travail en indiquant bien sur le courrier destiné à votre employeur copie inspection du travail.
Cdt
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