Conventions réglementées et conventions interdites (SA et Sarl)
Les conventions réglementées dans une société anonyme ou une société à responsabilité limitée sont encadrées par le Code de commerce. Les conventions réglementées dans les SA et les Sarl et leurs modalités d'approbation et d'autorisation préalable. D'autres conventions sont égalemet interdites.
Qu'est-ce qu'une convention réglementée ?
Une convention réglementée est une convention conclue entre une société et une personne ayant des liens avec celle-ci (gérant, président, associé...) et faisant pour cette raison l'objet d'une procédure de contrôle particulière. On les distingue ainsi des conventions courantes, c'est-à-dire celles habituelles pour la société, et des conventions interdites, c'est-à-dire celles que la loi n'autorise pas.
La procédure des conventions réglementées dans les SA et SARL est assez stricte. Certains dirigeants peuvent en effet utiliser les pouvoirs dont ils disposent pour conclure des conventions en privilégiant leur intérêt personnel au détriment de l'intérêt social. La loi a ainsi instauré une procédure faisant intervenir des organes sociaux afin de contrôler certains types de contrats.
Cette procédure des conventions réglementées s'applique selon des critères tenant d'une part à la qualité de la partie contractante (directeur général, gérant, associé...) et d'autre part à la nature du contrat. Les conventions réglementées dans les SARL et les conventions réglementées dans les SA font ainsi l'objet d'une procédure spéciale, dont les formalités varient en fonction de la forme sociale choisie. Mais dans ces deux types de sociétés, la loi prévoit des cas dans lesquels ces formalités ne sont pas obligatoires dès lors que les conventions portent sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales.
Qu'est-ce qu'une convention courante ?
La Cour de cassation (Cass. com., 1er oct. 1996) a défini l'opération courante comme celle effectuée par la société dans le cadre de son activité ordinaire et, s'agissant d'un acte de disposition (vente, emprunt, etc.), devant avoir une portée limitée et être arrêtée à des conditions suffisamment usuelles pour s'apparenter à une opération habituelle. Les conditions sont considérées comme normales lorsqu'elles sont pratiquées par la société dans ses rapports avec les tiers. Le cocontractant ne doit pas avoir retiré un avantage qu'il n'aurait pas eu s'il avait été un fournisseur ou un client quelconque de la société. Il faut notamment se référer aux conditions en usage pour des conventions semblables dans d'autres sociétés du même secteur d'activité.
Dans les sociétés anonymes, les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales doivent néanmoins être communiquées par l'intéressé au président du conseil d'administration. La liste et l'objet desdites conventions sont alors transmis par le président aux membres du conseil d'administration et aux commissaires aux comptes. Cette communication n'est cependant pas nécessaire lorsqu'en raison de leur objet ou de leurs implications financières, ces conventions ne sont significatives pour aucune des parties.
Quelles sont les conventions réglementées dans les SA ?
Les conventions réglementées dans une société anonyme sont régies par l'article L. 225-38 du Code de commerce, qui soumet certaines conventions à l'autorisation préalable du conseil d'administration. Ces conventions sont celles conclues, directement ou par personne interposée, entre la société anonyme et les personnes suivantes :
- son directeur général ;
- l'un de ses directeurs généraux délégués ;
- l'un de ses administrateurs ;
- l'un de ses actionnaires disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s'il s'agit d'une société actionnaire, la société la contrôlant au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce.
Il en est de même des conventions auxquelles une de ces personnes est indirectement intéressée. C'est notamment le cas lorsque cette personne tire profit de la convention sous quelque forme que ce soit (pécuniaire ou non).
La convention concernée peut par exemple porter sur une modification au contrat de travail d'un administrateur ou une demande de brevet déposée par le président.
Sont également réglementées les conventions intervenant entre la société et une entreprise, si le directeur général, l'un des directeurs généraux délégués ou l'un des administrateurs de la société est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, membre du conseil de surveillance ou, de façon générale, dirigeant de cette entreprise.
Ce type de convention représente la majorité des contrôles en pratique. Ces règles s'appliquent même en cas de convention conclue entre une société française et une société étrangère.
La procédure n'est en revanche pas applicable en cas de conventions libres ou de conventions interdites. Elle ne doit pas non plus être mise en oeuvre pour les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales ainsi que pour les conventions conclues entre deux sociétés dont l'une est une filiale détenue à 100 % par l'autre, directement ou indirectement.
Quelle est la procédure des conventions réglementées dans les SA ?
Les conventions réglementées dans les SA doivent respecter une procédure d'autorisation reposant sur plusieurs étapes.
Première étape : l'intéressé doit tout d'abord informer le conseil d'administration dès qu'il a connaissance d'une convention à laquelle la procédure est applicable.
Deuxième étape : le conseil d'administration statue alors sur l'autorisation sollicitée et la soumettre à une véritable délibération et non une simple prise de connaissance de l'existence de la convention. Le conseil doit procéder à une discussion contradictoire suivie d'un vote exprès et les mentionner dans le procès-verbal de la réunion. Si l'intéressé est administrateur, il ne peut pas prendre part au vote sous peine d'entraîner l'annulation de l'autorisation. Il n'est également pas pris en compte pour le calcul du quorum et de la majorité lors du vote. En cas de décision favorable, le conseil d'administration doit motiver sa décision en justifiant de l'intérêt de la convention pour la société et en précisant notamment les conditions financières qui y sont attachées.
Troisième étape : en cas de vote favorable, le président du conseil d'administration doit alors aviser les commissaires aux comptes des conventions autorisées dans le délai d'un mois à compter de leurs conclusions.
Quatrième étape : les commissaires aux comptes présentent alors un rapport spécial à l'assemblée générale qui doit être établi et déposé au siège social au moins 15 jours avant la réunion. Celui-ci doit contenir les indications suivantes :
- l'énumération des conventions et engagements soumis à l'approbation de l'assemblée générale ;
- le nom des administrateurs intéressés ;
- le nom du directeur général ou des directeurs généraux délégués intéressés ;
- la désignation du ou des actionnaires intéressés disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % et, s'il s'agit d'une société actionnaire, de la société la contrôlant au sens de l'article L233-3 du Code de commerce ;
- la nature et l'objet de ces conventions et engagements ;
- les modalités essentielles de ces conventions et engagements, notamment l'indication des prix ou tarifs pratiqués, des ristournes et commissions consenties, des délais de paiement accordés, des intérêts stipulés, des sûretés conférées, de la nature, du montant et des modalités d'octroi de chacun des avantages ou indemnités mentionnés aux articles L225-22-1 et L225-42-1 et, le cas échéant, toute autre indication permettant aux actionnaires d'apprécier l'intérêt qui s'attachait à la conclusion des conventions et engagements analysés ;
- l'importance des fournitures livrées ou des prestations de service fournies ainsi que le montant des sommes versées ou reçues au cours de l'exercice, en exécution des conventions et engagements mentionnés au deuxième alinéa de l'article R225-30.
Ce rapport doit mentionner les conventions autorisées portées à la connaissance des commissaires aux comptes, mais aussi celles qu'ils auraient découvertes au cours de leurs investigations, qu'elles aient été autorisées par le conseil ou non.
Cinquième étape : l'assemblée générale statue alors sur les conventions après avoir pris connaissance du rapport des commissaires aux comptes. L'intéressé ne peut pas prendre part au vote et ses actions ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité. Cette règle ne s'appliquant qu'à l'opération en question, si plusieurs conventions concernant chacune un dirigeant différent font l'objet d'un vote, il faut alors prévoir autant de résolutions que de conventions.
Quelles sont les conséquences du vote d'une convention réglementée ?
Si l'assemblée désapprouve la convention, celle-ci produit néanmoins ses effets à l'égard des tiers. Cependant, si elle faisait naître des conséquences préjudiciables à la société, ces dernières seraient alors mises à la charge de l'intéressé et, éventuellement, des membres du conseil d'administration. A contrario, si l'assemblée approuve la convention, ces mêmes conséquences sont alors mises uniquement à la charge de la société.
Faut-il une publicité des conventions réglementées dans les SA ?
La Loi Pacte a instauré un dispositif de publicité des conventions réglementées dans les sociétés anonymes cotées. Certaines informations sur ces conventions doivent désormais être publiées sur le site internet de la société.
Quelles sont les conventions réglementées dans les SARL ?
L'article L. 223-19 du Code de commerce soumet certaines conventions conclues par la société à une approbation a posteriori par les associés de la SARL. Cette procédure concerne les conventions intervenues directement ou par personnes interposées entre la société et l'un de ses gérants ou associés. Ce contrôle est effectué par la collectivité des associés sur rapport préalable du gérant ou, s'il en existe, du commissaire aux comptes. Il suit une procédure en plusieurs étapes.
Quelle est la procédure des conventions réglementées dans les Sarl ?
Dans les SARL ayant désigné un commissaire aux comptes] le gérant doit aviser ce dernier des conventions concernées dans le délai d'un mois à compter de leurs conclusions. Par ailleurs, lorsque l'exécution de conventions conclues au cours d'exercices antérieurs a été poursuivie au cours du dernier exercice, le commissaire aux comptes doit également être informé de cette situation par le gérant dans le délai d'un mois à compter de la clôture de l'exercice. Le commissaire aux comptes ou, à défaut, le gérant doit alors établir un rapport contenant :
- l'énumération des conventions soumises à l'approbation de l'assemblée des associés ;
- le nom des gérants ou associés intéressés ;
- la nature et l'objet des conventions ;
- les modalités essentielles de ces conventions, notamment l'indication des prix ou tarifs pratiqués, des ristournes et commissions consenties, des délais de paiement accordés, des intérêts stipulés, des sûretés conférées et, le cas échéant, de toutes autres indications permettant aux associés d'apprécier l'intérêt qui s'attachait à la conclusion des conventions analysées ;
- l'importance des fournitures livrées ou des prestations de service fournies ainsi que le montant des sommes versées ou reçues au cours de l'exercice en exécution des conventions conclues au cours d'exercices antérieurs et poursuivies au cours du dernier exercice.
Le rapport est ensuite présenté à l'assemblée des associés ou joint aux documents qui leur sont adressés en cas de consultation écrite. La collectivité des associés statue alors sur ce rapport et approuve ou désapprouve les conventions en suivant les conditions de vote requises pour les décisions d'assemblée générale ordinaire. Le gérant ou l'associé intéressé ne peut pas prendre part au vote sous peine d'entraîner les mêmes conséquences qu'un refus d'approbation. Par ailleurs, ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité. Un refus de ratification n'entraîne pas la nullité de la convention en cause. Mais les conséquences dommageables qui peuvent en résulter pour la société restent alors uniquement à la charge du gérant et/ou de l'associé contractant. Si plusieurs gérants ou associés ont conclu la convention, leur responsabilité est solidaire. Cela signifie qu'un seul d'entre eux (le plus solvable) pourra être obligé de payer la société, à charge pour lui de se retourner ensuite vers les autres gérants ou associés.
Les cas de procédures particulières
La procédure mentionnée précédemment n'est pas applicable au sein d'une EURL lorsque la convention est conclue entre elle et l'associé unique. L'opération doit néanmoins figurer au registre des décisions. A défaut de mention au sein du registre l'associé s'exposerait à supporter lui-même les conséquences préjudiciables de la convention pour l'entreprise. Un autre cas particulier de procédure existe lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
- une convention entre la SARL et son gérant non associé est envisagée ;
- il n'y a pas de commissaire aux comptes dans l'entreprise.
Le contrat doit alors faire l'objet d'une approbation des associés mais qui s'effectue non pas a posteriori mais préalablement à la conclusion de la convention. Leur décision est prise sur rapport du gérant et suit ensuite la même procédure que pour l'approbation a posteriori.
Qu'est-ce qu'une convention interdite ?
Dans les sociétés anonymes (art. L. 225-43 du Code de commerce), il est fait interdiction aux administrateurs personnes physiques, au directeur général, aux directeurs généraux délégués et aux représentants permanents des personnes morales administrateurs :
- de contracter des emprunts sous n'importe quelle forme auprès de la société ;
- de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement ;
- de se faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers.
Ces règles s'appliquent également aux conjoint, ascendants et descendants des personnes visées ainsi qu'à toute personne interposée.
Quelles sont les conventions interdites dans les Sarl ?
Dans les SARL (art. L. 223-21 du Code de commerce), les mêmes interdictions pour des conventions de même nature sont faites aux gérants, aux associés personnes physiques et aux représentants légaux des personnes morales associées. Elles s'étendent également aux conjoint, ascendants et descendants de ces personnes ainsi qu'à toute personne interposée.
Quelles sont les conventions autorisées ?
Si la société exploite un établissement bancaire ou financier, cette interdiction ne s'applique pas aux opérations courantes de ce commerce conclues à des conditions normales. Ces opérations sont soumises aux mêmes critères que ceux retenus pour déterminer l'existence d'une convention libre.
Dans la SA, l'interdiction n'est pas non plus applicable si l'administrateur est une personne morale. Une société mère peut donc emprunter à sa filiale et réciproquement, à moins que l'une d'entre elles n'agisse en fait que comme personne interposée sans bénéficier réellement du prêt ou de la garantie. Il en est de même au sein de la SARL lorsque l'associé concluant la convention est une personne morale.
Quelles sont les sanctions des conventions interdites ?
Dans les SA, les emprunts, découverts, avals ou garanties irrégulièrement contractés sont sanctionnés d'une nullité. Celle-ci étant d'ordre public, les conventions ne peuvent pas être couvertes par un acte confirmatif. Le délai pour agir en nullité est de 5 ans.
Au sein des SARL, les mêmes règles sont applicables. La nullité peut alors être invoquée non seulement par les associés mais aussi par les tiers et les créanciers sociaux lésés si ceux-ci peuvent justifier d'un intérêt légitime à agir. Dans tous les cas, la société ne peut pas renoncer à exercer l'action en nullité. Par ailleurs, en cas de jugement, la nullité peut être soulevée d'office par le tribunal.
Concernant les tiers, la société (SA ou SARL) peut leur opposer cette nullité mais uniquement lorsqu'ils sont de mauvaise foi. Pour déterminer celle-ci, il faut s'attacher à leur éventuelle connaissance de l'existence de la convention interdite sans laquelle le dirigeant n'aurait pas contracté.
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