Redressement pour insuffisance de prix (vente immobilière)

Redressement pour insuffisance de prix (vente immobilière) Comment réagir quand les services fiscaux engagent une procédure de redressement sur les droits de mutation après une vente immobilière, pour sous-estimation du prix.

En matière immobilière, les « bonnes affaires » ne sont pas rares. Mutation professionnelle, divorce, drame familial... les vendeurs pressés sont souvent amenés à brader quelque peu leur bien. Pour le plus grand bénéfice de l'acquéreur qui a su saisir l'occasion. Problème : la « bonne affaire » éveille parfois l'intérêt du fisc qui peut enclencher une procédure de redressement pour insuffisance d'évaluation de prix.

Justifiée s'il s'agit de réprimer la pratique condamnable du « dessous-de-table », cette procédure est de plus en plus utilisée vis-à-vis d'acquéreurs honnêtes. Voici ce qu'il faut savoir pour défendre son bon droit face aux contrôles fiscaux.

Qu'est-ce qu'un redressement pour insuffisance de prix ? 

En principe, les droits de mutation à titre onéreux s'appliquent au prix de vente stipulé dans l'acte authentique signé chez le notaire. Mais l'article 17 du Livre des procédures fiscales permet à l'administration de rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien quand ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis. C'est à l'administration de prouver l'insuffisance du prix exprimé dans l'acte de cession.

En matière de droits d'enregistrement et de taxe de publicité foncière, l'administration peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien quand ce prix ou cette évaluation paraissent inférieurs à la valeur vénale réelle des biens transmis. C'est naturellement à l'administration d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies.

Il existe plusieurs méthodes d'évaluation, que l'administration tient à la disposition du contribuable : par comparaison avec d'autres mutations similaires, par le rendement du bien transmis, par réajustement d'une valeur antérieure...

Le redressement pour insuffisance de prix ne doit pas être confondu avec le redressement pour dissimulation de prix. Dans ce dernier cas, la transmission porte sur la valeur vénale réelle mais une partie du prix est dissimulée (versement en espèces, etc.). Outre une sanction pénale, les protagonistes risquent alors une amende égale à 50% de la partie du prix dissimulé.

Que faire en cas de notification de redressement des droits de mutation ?

L'administration envoie, en recommandé avec accusé de réception, une notification préalable mentionnant :

  • le montant du redressement envisagé ;
  • les motifs du redressement ;
  • les évaluations fondant le redressement.
La notification doit également rappeler au contribuable qu'il a le droit de se faire assister par le conseil de son choix. Elle doit être signée par l'agent responsable avec mention de son grade.

Une fois reçue cette première notification, le contribuable doit formuler sa réponse éventuelle dans un délai de trente jours.

  • Une non-réponse de sa part est assimilé à une acceptation tacite du redressement.
  • il peut aussi répondre par écrit en avançant ses arguments pour refuser tout ou partie de ce redressement. L'administration doit alors lui répondre par écrit.
  • Si elle admet les observations formulées par le contribuable, le redressement est mis en oeuvre sur les positions de ce dernier.
  • Si l'administration fiscale apporte des modifications au redressement envisagé, le contribuable bénéficie d'un nouveau délai de trente jours pour communiquer sa réponse.
  • Si elle reste sur sa position, l'administration doit alors formuler une réponse motivée. Dans ce cas, le contribuable a un délai de trente jours pour prendre position.

Dans la première notification de redressement fiscal, l'administration a parfois tendance à « forcer la dose » pour se ménager une marge de négociation. Le contribuable ne doit donc pas se laisser impressionner et doit organiser sa défense sans tarder, pour respecter le délai de trente jours imparti.

La saisine de la commission

Quand l'administration et le contribuable ne parviennent pas à un accord, le différend peut être examinée par la commission départementale de conciliation, à la demande de l'administration ou du contribuable. La convocation doit être adressée au contribuable au moins trente jours avant la réunion de la commission.

Le contribuable dispose de vingt jours avant cette réunion pour se rendre au siège de la commission et consulter le dossier de l'administration. Il peut effectuer cette démarche lui-même, mandater un représentant ou se faire assister par deux conseils. Il peut également envoyer à la commission des observations écrites. La commission est présidée par un magistrat et est composée d'un notaire et de trois représentants de l'administration et des contribuables.

En général, l'administration se conforme à l'avis de la commission. Si le litige persiste à ce stade de la procédure, le contribuable est alors contraint d'engager une action contentieuse qui passe par le dépôt obligatoire d'une réclamation préalable.

Contrôler la notification

L'administration est tenue de fournir des références de biens similaires vendus dans le même secteur géographique en précisant leur adresse. Si ces éléments de comparaison n'y figurent pas, la notification est annulée. Les références doivent aussi être en nombre suffisant. Le contribuable pourra facilement contester un redressement qui ne se fonde que sur une ou deux comparaisons. Les cessions mentionnées doivent être antérieures à votre achat. Si leur date est trop éloignée, le contribuable pourra évoquer l'évolution rapide du marché immobilier (si du moins les prix étaient à la baisse à cette époque).

Vérifier les références

Les références de l'administration doivent porter sur des immeubles similaires non seulement sur leurs caractéristiques techniques (surface, confort, environnement, etc.) mais aussi sur le plan juridique. Dans certains cas, le contribuable pourra ainsi souligner le fait que le bien acheté était occupé, faisait l'objet d'un démembrement, était en indivision, etc. Alors que les références de l'administration portent sur des biens libres et possédés en pleine propriété.

Une fois vérifiés ces termes de la comparaison, le contribuable doit s'attacher à l'état réel des biens comparés. Etant donné que l'administration fournit les adresses de ses références, le contribuable doit se déplacer pour vérifier sur place les différents critères extérieurs d'évaluation : le standing et l'état des immeubles sont-ils vraiment comparables ? L'environnement du bien acheté par le contribuable n'est-il pas inférieur à celui des biens de référence ?...

Il faut donc prêter attention à tout ce qui peut faire la valeur d'un bien : présence d'un commerce en rez-de-chaussée, proximité d'écoles, de parkings ou de transports en commun, vue dégagée, etc.

Contrairement aux agents de l'administration, rien n'empêche légalement le contribuable de pénétrer à l'intérieur des immeubles quand il s'agit de logements collectifs. Il pourra ainsi vérifier si les parties communes des références ne sont pas en meilleur état que celles du bien qu'il a acheté.

Les services fiscaux pouvant consulter le fichier des taxes foncières et d'habitation, ils sont en principe informés de l'état de confort des références fournies. Mais d'une part, ces éléments d'information sont relativement sommaires et d'autre part, ils sont parfois anciens. L'acquéreur victime d'un redressement aura donc tout intérêt à invoquer la solidarité des contribuables auprès des occupants actuels. Il pourra ainsi visiter les biens en question et se renseigner sur leur état réel de confort à l'époque de la transaction et les éventuels travaux qui auraient précédé la vente. C'est un atout de taille face aux agents de l'administration qui ne peuvent fonder leurs observations que sur l'aspect extérieur d'une maison ou d'un immeuble...

Fournir ses propres références

Rien n'empêche non plus le contribuable de contre-attaquer en fournissant ses propres références. Il pourra ainsi se renseigner auprès de ses voisins ou de ses propriétaires, d'agents immobiliers, de notaires, voire même consulter la Conservation des Hypothèques s'il a connaissance d'une transaction comparable. Depuis plusieurs années, il peut aussi consulter les statistiques des transactions immobilières accessibles à partir de son espace personnel sur impot.gouv. Ou encore sur ce site. C'est un bon moyen de compléter à la baisse les références avancées par l'administration ou de contester les méthodes d'évaluation du contrôleur.

Les contribuables désarmés ou trop occupés peuvent toujours faire appel à un expert immobilier d'une part pour faire évaluer le bien acheté, d'autre part pour chercher d'autres éléments de comparaison. Dans cette perspective, le notaire est un allié de poids puisqu'il a accès aux bases de données constituées par la profession depuis plusieurs années. Et les références précises qu'il avance sont rarement contestées par l'administration.

Négocier avec l'administration

En l'absence d'arguments recevables, le contribuable pourra toujours faire une contre-proposition chiffrée à l'administration. Celle-ci n'aime pas les longues procédures, parfois aléatoires, et se montre souvent ouverte à la négociation. A chacun d'évaluer au mieux sa marge de manoeuvre.

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