Succession : selon la justice, cet acte visant à protéger son conjoint est une donation déguisée
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Succession : selon la justice, cet acte visant à protéger son conjoint est une donation déguisée

Un arrêt de la Cour de Cassation a reconnu comme étant une donation déguisée un acte signé par deux époux pour protéger le conjoint survivant à la succession.

Les problèmes de succession entre enfants d'un premier mariage et belles-mères sont fréquents, surtout lorsque le père se remarie. Les tensions peuvent rapidement surgir, notamment lors du partage des biens après le décès. Les éventuelles donations consenties par le défunt en faveur de son épouse peuvent alors être ciblées par les enfants, qui s'estimeraient ainsi lésés. La Cour de Cassation a, sur ce sujet, rendu une décision éclairante dans une affaire où le défunt avait signé un acte visant à protéger son épouse.

Les faits sont les suivants. Un père décède en laissant son épouse et ses enfants nés d'un précédent mariage. Au moment des opérations de partage de la succession, ces derniers soulèvent l'existence d'une donation déguisée de leur père en faveur de sa dernière épouse. Ils souhaitent ainsi que cette donation soit rapportée à la succession et donc prise en compte dans le calcul du partage, ce que leur belle-mère conteste.

Ce litige est lié à un acte que leur père avait signé avec son épouse lors de l'achat d'un appartement : un pacte tontinier. Il s'agit d'une clause insérée dans le contrat de vente et qui prévoit que, si l'un des acquéreurs venait à mourir, sa part du bien acheté reviendrait automatiquement au survivant. Les héritiers du défunt n'auraient alors aucun droit sur cette part. Ce pacte permet donc de protéger le conjoint survivant, ce dernier étant alors considéré comme ayant toujours été le seul propriétaire du bien, qui ne tombe pas dans la masse successorale.

Mais attention : pour être valable, le pacte tontinier doit remplir certaines conditions de validité. Et c'est justement parce que celles-ci n'étaient pas réunies que les enfants du défunt ont contesté la validité de l'acte en justice. Ils se sont pour cela fondé sur un argument simple : au moment de la signature du pacte, le défunt était atteint d'une grave maladie mettant en jeu son pronostic vital à court terme. Le bien a en effet été acquis par les époux deux mois avant le décès.

Or, pour qu'un pacte tontinier soit juridiquement valable, il doit avoir un caractère aléatoire. Ici, ce dernier n'existait pas puisque la probabilité que le père avait de mourir avant sa femme était quasi-certaine. Les juges de la cour d'appel ont ainsi requalifié le pacte tontinier en donation déguisée, une décision validée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 12 janvier 2022 (n° 20-12232).

Si la tontine peut être un bon moyen de protéger son conjoint quand on achète un bien immobilier à deux, encore faut-il bien maîtriser ses conditions de mise en oeuvre. Mieux vaut donc être bien conseillé quand on cherche à utiliser certains outils juridiques en vue de sa succession, sous peine de voire son acte requalifié en une donation déguisée rapportable.