Parler des élections législatives au travail peut être sanctionné, voici ce qu'un salarié peut dire ou pas
Les élections législatives animent les conversations, y compris en entreprise. Mais attention : le salarié qui exprimerait ses opinions politiques un peu trop librement prend aussi des risques.
Dans certaines entreprises, les élections législatives des 30 juin et 7 juillet sont un sujet tabou entre collègues. Mais dans d'autres, elles peuvent être au cœur des conversations, générant parfois des conflits verbaux entre salariés d'opinions différentes. Si une partie des salariés n'hésitent pas à affirmer leur positionnement politique dans l'entreprise, d'autres préfèrent s'autocensurer sur ces questions d'ordre personnel afin d'éviter que leurs propos n'impactent leur vie et leur carrière professionnelles.
Que dit le droit du travail sur cette question ? Il existe une règle de principe simple : la liberté d'expression étant un droit fondamental, les salariés sont normalement libres d'exprimer leurs opinions sur leur lieu et pendant leurs horaires de travail. Selon le Conseil d'Etat (25/01/89, n° 64296), un employeur ne peut pas, par exemple, insérer une clause dans le règlement intérieur visant à interdire les sujets de conversations politiques. En outre, l'article L. 1132-1 du Code du travail protège la liberté d'opinion et d'expression des salariés en prévoyant qu'aucun d'entre eux ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de ses opinions politiques.
Pour autant, les débats politiques ne doivent pas nuire au bon fonctionnement de l'entreprise. L'article L. 1121-1 du Code du travail prévoit ainsi que des restrictions peuvent être apportées à la liberté d'expression des salariés dès lors qu'elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. En pratique, sont surtout visés ici les collaborateurs qui exprimeraient leurs opinions alors qu'ils sont en contact direct avec la clientèle, l'affirmation de leurs positions politiques devant des clients pouvant s'avérer aussi inutile que nuisible à l'entreprise.
Si la liberté d'expression est la règle, les opinions politiques d'un salarié ne doivent pas non plus conduire à certains abus. On songe par exemple aux salariés qui utiliseraient à des fins militantes les moyens mis à leur disposition par l'entreprise pour accomplir leurs tâches professionnelles. La cour d'appel de Versailles (arrêt n° 10-05816 du 14 mars 2012) a, par exemple, validé le licenciement pour faute grave d'un salarié qui se servaient des moyens d'affranchissement de son entreprise pour adresser des courriers d'invitation à une réunion politique.
En pratique, les avocats en droit du travail conseilleront plutôt à leurs clients de limiter les débats politiques dans l'entreprise. Car si la discrimination en raison des opinions politiques est officiellement interdite par la loi, elle existe encore malheureusement en pratique. Et même si l'employeur encourt des poursuites pénales dans cette situation, il sera difficile pour le salarié de prouver l'existence d'une discrimination pour raisons politiques.