"Raclure", "tu me fais c....", "pitbull" : ces injures entre collègues ne justifient pas toutes un licenciement selon les juges
Quelles sont les limites juridiques à la grossièreté au travail ? Voici une liste de décisions judiciaires parlantes sur des injures envers un collègue, un chef ou un employeur.
Se rendre coupable d'insultes au travail entraîne généralement une sanction de l'employeur, qui peut aller jusqu'au licenciement du salarié. Il s'agit en effet d'une faute, si bien qu'en pratique, les juges valident généralement la rupture du contrat de travail décidée par l'employeur. Mais il existe toutefois certaines situations où, eu égard aux circonstances, le licenciement n’apparaît pas justifié pour les tribunaux. La liste de décisions judiciaires qui suit permet d'y voir plus clair sur la position des juges.
"Raclure", "vomi" ou "pitbull" : ces insultes envers un collègue ne justifient pas toutes un licenciement
Des affaires de licenciement justifié par des injures à l'encontre d'un collègue de travail sont régulièrement portées devant les magistrats des cours d'appel et de la Cour de Cassation. Majoritairement, ces faits sont considérés comme un motif valable de licenciement. La Cour d'appel de Paris (arrêt n° 12/00758) a, par exemple, déjà considéré que le fait de traiter un collègue de "raclure", de "trou du c.." et de "vomi" justifiait un licenciement pour faute grave du salarié fautif.
En revanche, d'autres insultes n'ont pas été jugées de la même manière. Tel est le cas, par exemple, d'un salarié ayant qualifié publiquement une collègue de "pitbull". Dans cette affaire, la chambre sociale de la Cour de Cassation (arrêt n° 08-41715) a estimé que l'usage de ce terme ne pouvait justifier à lui seul le licenciement. Dans le même sens, la cour d'appel d'Aix-en-Provence (arrêt n° 15/04736) a jugé que le licenciement n'était pas motivé dès lors que les insultes d'un salarié l'ont été en réponse à un collègue qui l'avait provoqué. Les juges retiennent ainsi la nature des injures et les circonstances dans lesquelles elles ont été formulées pour apprécier la validité de la décision rendue par l'employeur.
Des propos grossiers envers un supérieur peuvent même parfois être tolérés !
On peut a priori estimer qu'un licenciement est d'autant plus justifié si les propos fautifs ne sont pas adressés à un collègue mais directement à l'employeur ou à un supérieur hiérarchique. Mais même dans cette situation, il existe des cas dans lesquels les juges ont pu rendre quelques décisions favorables au salarié licencié. La Cour de Cassation (arrêt n° 16-11690) a, par exemple, considéré qu'une insulte à l'encontre d'un employeur publiée sur un groupe Facebook privé dont l'accès était restreint à 14 membres ne constituait pas une injure publique justifiant le licenciement du salarié auteur des propos litigieux. Dans le même sens, la cour d'appel de Douais (arrêt n° 07/137) a pu estimer qu'une salariée déclarant "tu me fais ch..." à son supérieur ne se rendait pas pour autant coupable d'injures, même si ces propos ont été considérés par les juges comme "déplacés et peu révérencieux".
De telles décisions judiciaires en faveur du salarié sont néanmoins plutôt rares en pratique. Dans la plupart des cas, les tribunaux valideront les licenciements décidés par un employeur insulté par son salarié. Si, comme dans des affaires déjà jugées, vous commettez l'irréparable en invitant votre supérieur hiérarchique à "aller se faire e....." (cour d'appel d'Aix-en-Provence, arrêt n° 11/19275) ou que vous traitez de "conna..." des membres de la direction de votre entreprise (Cour de Cassation, arrêt n° 11-25682), votre licenciement ne sera pour les juges qu'une conséquence logique de vos propos...
- Légifrance, arrêt de la cour d'appel de Paris n° 12/00758 du 29 avril 2014 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028902080
- Légifrance, arrêt de la Cour de Cassation n° 08-41715 du 23 septembre 2009 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000021083090
- Légifrance, arrêt de la Cour de Cassation n° 16-11690 du 12 septembre 2018 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037424997/
- Légifrance, arrêt de la cour d'appel de Douais n° 07/137 du 21 décembre 2007 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000018671112/
- Légifrance, arrêt de la Cour de Cassation n° 11-25682 du 19 décembre 2012 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026823234