Trouble de voisinage : que faire ? Ce que dit la loi

"Trouble de voisinage : que faire ? Ce que dit la loi"

Les problèmes et les troubles de voisinage peuvent perturber la vie quotidienne, qu'il s'agisse de nuisances sonores, de litiges immobiliers ou de conflits plus graves. Comment faire respecter vos droits.

A moins de vivre dans un relais de chasse isolé au milieu des bois, les troubles de voisinage sont presque inévitables. On ne peut reprocher au locataire du dessus de recevoir des amis le dimanche ou à son voisin de tondre sa pelouse le vendredi à son retour du travail... Il s'agit là d'inconvénients classiques de la vie en société.

Mais dans certains cas, le trouble de voisinage, volontaire ou non, peut présenter un caractère « anormal » et vous pouvez exiger de son auteur qu'il cesse de perturber ainsi votre vie quotidienne. Toute la difficulté réside naturellement dans la distinction entre trouble normal et trouble anormal... Sachez que, dans tous les cas présentés ci-dessous, vous pouvez recourir à des procédures de médiation de voisinage amiables pour résoudre le litige.

Animaux

A la campagne comme à la ville, les animaux domestiques peuvent causer des nuisances à autrui. Ils peuvent aboyer sans cesse, souiller les parties communes d'un immeuble, effrayer les voisins ou les passants, voire même mordre le facteur ou causer un accident. Et aucun bail, ni aucun règlement de copropriété ou de lotissement ne peut interdire la possession d'animaux domestiques.

Mais dans tous les cas, que l'animal se soit échappé ou qu'il soit sous la garde de son maître, celui-ci est responsable des dommages causés à autrui. Il devra donc réparer les dégâts matériels ou corporels, et éventuellement le préjudice moral subi par la victime. 

Sa responsabilité pourra toutefois être dégagée si c'est le comportement de la victime qui est à l'origine de l'accident. Même en l'absence de dommages corporels, le maître peut être condamné s'il a excité son animal contre un tiers (art. 623-3 du Code pénal).

Les chiens d'attaque (dits de première catégorie), de garde ou de défense (dits de deuxième catégorie) doivent être tenus en laisse et muselés sur la voie publique. Leur détention est interdite aux mineurs et doit faire l'objet d'une déclaration à la mairie du lieu de résidence du maître. Le règlement de copropriété peut également prévoir des règles sur cette question. Dans les immeubles collectifs, vous pouvez contacter le syndic pour qu'il fasse respecter le règlement de copropriété (et le propriétaire du logement si le maître est locataire).

Les chiens d'attaque (première catégorie) ne peuvent circuler que sur la voie publique. Ils n'ont pas accès aux transports en commun, aux locaux ouverts au public et ne peuvent stationner dans les parties communes des immeubles.

D'une manière générale, si vous jugez qu'un animal présente un danger, la même loi vous autorise à saisir le maire de votre commune. Celui-ci demandera au maître de prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer tout risque et il pourra même, si ces mesures ne sont pas exécutées, faire placer l'animal dans un centre de dépôt.

Sachez également qu'en principe, le Code rural et de la pêche maritime interdit de laisser divaguer les chiens et les chats. La loi du 6 janvier 1999 autorise même les maires à ordonner la laisse et la muselière obligatoires sur le territoire de leur commune. Selon l'article L. 211-23 du même code, un chien est considéré comme divaguant s'il n'est plus sous la surveillance effective de son maître, s'il se trouve hors de portée de voix de celui-ci ou de tout instrument sonore permettant son rappel, ou s'il s'est éloigné de son propriétaire ou de la personne qui en est responsable d'une distance dépassant 100 m.

Quant aux chats, ceux-ci sont considérés comme divaguant lorsqu'ils sont non identifiés et trouvés à plus de 200 m des habitations ou lorsqu'ils sont trouvés à plus de 1000 m du domicile de leur maître et qu'ils ne sont pas sous la surveillance immédiate de celui-ci. Il en est de même pour tout chat dont le propriétaire n'est pas connu et qui est saisi sur la voie publique ou sur la propriété d'autrui.

Jours et fenêtres

Votre voisin décide de percer une ouverture qui donne directement sur votre habitation. Il doit respecter les distances minimales définies par les articles 678 et suivants du Code civil. S'il s'agit d'une « vue droite » (qui permet de voir sans tourner la tête), la distance minimale est de 1,90 m entre l'extrémité extérieure de sa façade et la limite des deux terrains. S'il s'agit d'une vue « oblique » (obligeant à tourner la tête pour voir la propriété voisine), la distance n'est que de 0,60 m. Si ces règles ne sont pas respectées, vous avez le droit de faire condamner ces ouvertures si elles ont été faites depuis moins de trente ans, même s'il s'agit d'une erreur du précédent voisin.

On doit tenir compte de la moitié de l'épaisseur des murs mitoyens pour calculer la distance. Si le mur vous appartient, la distance est décomptée à partir de la limite de ce mur. Par ailleurs, ces distances ne s'appliquent qu'aux terrains contigus. Elles ne s'appliquent donc pas si les terrains sont séparés par une bande de terrain n'appartenant à aucun des deux voisins (arrêt n° 15-26.240 de la 3e chambre civile de la Cour de Cassation rendu le 23 novembre 2017).

Cela étant, il peut aussi, sans conditions de distance, créer des jours « de souffrance » qui laissent passer la lumière sans permettre de voir (fenêtre à fer maillé, verre dormant, etc.). Aucune distance n'est non plus imposée quand l'ouverture donne sur un mur aveugle de votre habitation (sans fenêtres) ou sur votre toit s'il ne dispose pas de vasistas ou de chien-assis.

Bruit et nuisances sonores

C'est une des nuisances de voisinage les plus courantes. Les exemples sont nombreux : aboiements, bricolage, tondeuses, appareils de musique, etc. La justice a même déjà condamné un voisin en raison des nuisances causées par ses grenouilles (arrêt n° 16-22509 de la 2e chambre de la Cour de Cassation rendu le 14 décembre 2017) !

Pour éviter les abus, les horaires de travaux des voisins sont le plus souvent encadrés par la réglementation. Il en est de même concernant les tontes de pelouse le dimanche. Lorsque les bruits ont lieu la nuit, la victime de nuisances sonores a toujours la possibilité de porter plainte pour tapage nocturne.

Toutefois, les risques de nuisances sonores ne doivent pas conduire à une interdiction totale des soirées ou des fêtes chez soi dès lors que ces dernières ne sont pas trop fréquentes et qu'il n'y a pas d'abus. Pour prévenir d'éventuels litiges de voisinage, l'organisateur doit ainsi rédiger une lettre pour prévenir ses voisins d'une soirée (modèle de lettre).

Plantations

A la campagne, il peut arriver que la végétation plantée par votre voisin finisse par vous gêner. En principe, votre voisin doit respecter une distance minimale entre la limite de votre propriété et sa plantation. Cette distance est définie soit par les usages locaux, agréés par les chambres d'agriculture, soit par les règlements locaux d'urbanisme. A défaut, c'est l'article 671 du Code civil qui entre en jeu : la distance minimale doit être de deux mètres pour les plantations de plus de deux mètres de haut et de 50 centimètres pour les autres.

Pour la Cour de cassation, la hauteur de l'arbre doit être mesurée entre son pied et son sommet, en faisant abstraction des différences de niveaux entre les propriétés voisines. (arrêt du 4/11/98).

Si ces règles ne sont pas respectées, vous pouvez exiger que votre voisin arrache, étête ou déplace ses plantations. Sauf si cette situation dure depuis plus de trente ans.

Une précision : les terrains étant souvent trop petits, cette réglementation ne s'applique pas à Paris et dans les départements limitrophes, ainsi que dans les zones urbaines des autres départements d'Ile-de-France. En cas de nuisance, les tribunaux jugent au cas par cas.

Précisons également qu'en principe, vous ne pouvez pas protester contre la chute des feuilles de l'arbre de votre voisin s'il est planté à la distance réglementaire. A moins que vous ne puissiez prouver, par exemple, que l'importance des chutes de feuilles associée à une absence d'ensoleillement entraîne l'apparition de mousses sur vos murs ou votre toiture (cour d'appel de Dijon, arrêt du 8 décembre 1999).

Constructions

Même quand les règles d'urbanisme ont été respectées, il peut arriver qu'une nouvelle construction vous prive de vue ou de soleil. Vous pouvez alors invoquer, devant les tribunaux, le trouble anormal de voisinage. Mais les juges se montrent relativement indulgents dans les zones fortement urbanisés où toute nouvelle construction entraîne souvent ce type de désagrément.

Il n'en est pas de même quand la construction perturbe la bonne réception des émissions de télévision. Quand le nouvel immeuble est postérieur au 10 août 1974, son constructeur doit installer à ses frais une antenne de réémission destinée à faire cesser ce trouble. Faute d'accord amiable, c'est le CSA qui, faute de réponse du constructeur dans les trois mois qui suivent sa mise en demeure, qui portera l'affaire devant les tribunaux.

Lorsque votre voisin procède à une construction ou à une ouverture dans un mur jusque là aveugle, il doit respecter certaines distances légales de vue. En cas de non-respect de ces règles, vous pouvez lui adresser un courrier de demande de rétablissement de la distance légale de vue sur votre propriété.

Ruissellement

Si vous possédez une propriété située en contrebas, il est normal que les eaux de ruissellement s'écoulent sur votre terrain : la loi de la pesanteur est dure, mais c'est la loi... En revanche, vous pourrez invoquer un trouble de voisinage si ce ruissellement provient, par exemple, de la vidange d'une piscine ou d'une cuve ou si des travaux ont accentué ce phénomène naturel. Précisons également que les eaux provenant d'un toit doivent s'écouler normalement sur le terrain du propriétaire ou sur la voie publique, et non chez le voisin... A l'inverse, vous pouvez faire valoir vos droits en cas d'écoulement des eaux du voisin vers chez vous, sauf si cet écoulement est lié à une position naturelle de vos terrains respectifs.

Odeurs

Mis à part le cas des usines très polluantes (papier, sucre, etc.) qui sont soumises à une législation très stricte, les nuisances olfactives sont difficiles à faire constater et sanctionner. Aucun seuil de mesure légal n'étant applicable, c'est avant tout une question de bon sens et d'environnement, urbain ou campagnard.

Pour déclencher une réaction des autorités compétentes ou une action en justice, vous devrez auparavant solliciter des témoignages, faire dresser des constats d'huissiers et alerter la mairie dans les petites communes ou le syndic dans les immeubles collectifs (notamment pour vérifier que le règlement de copropriété est bien respecté).

Si les mauvaises odeurs proviennent d'une activité professionnelle ou assimilée, vous pourrez faire vérifier si l'intéressé a bien installé les systèmes d'aération imposés par la réglementation (hottes aspirantes, etc.). Dans tous les cas, les tribunaux jugent au cas par cas. Ils ont par exemple condamné un agriculteur qui avait étendu un élevage de porcs trop près des habitations voisines, un restaurant dont les odeurs de cuisine envahissaient la cour d'un immeuble, etc.

Mais il n'est pas question, en principe, d'interdire au voisin la barbecue-partie du dimanche... A moins que celui-ci abuse systématiquement de ce droit en produisant, par exemple, des odeurs désagréables chaque fois que vous êtes à table (Cour d'appel de Caen, arrêt du 21 février 2002). En outre, l'utilisation d'un barbecue ne doit pas provoquer de dommages, par exemple, des projections de cendres ou un noircissement de la façade voisine. sachez enfin que dans certains cas, le règlement d'un lotissement ou d'une copropriété peuvent encadrer voire interdire l'usage d'un barbecue.

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