Les minorités de blocage dans les AG (SA et SARL)

Les minorités de blocage dans les AG (SA et SARL) Il y a minorité de blocage quand des associés ou des actionnaires minoritaires bloquent une décision d'assemblée générale de société par leur vote. Définition et mise en oeuvre d'une minorité de blocage dans les Sarl ou les SA.

Qu'est-ce qu'une minorité de blocage ?

Une minorité de blocage est le fait pour un ou plusieurs associés ou actionnaires minoritaires d'empêcher par leur vote la prise d'une décision en assemblée générale de société. Le calcul des minorités de blocage se fait en fonction des seuils de majorité en assemblée générale d'une société prévus par la loi ou, le cas échéant, les statuts. Bien que minoritaires, certains associés ou actionnaires ont donc la possibilité de bloquer une décision d'assemblée dont ils contestent le bien fondé et/ou qu'ils estiment contraire à leurs intérêts. Les minoritaires sont donc libres de bloquer la mise en oeuvre du projet qui leur est proposé, mais leur refus ne doit pas pour autant constituer un abus de minorité.

Quelles sont les minorités de blocage dans les SARL ?

AGO et minorité de blocage dans les Sarl

Dans les AGO de SARL, la loi prévoit que les décisions sont prises sur première consultation par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales, si bien que les minoritaires se trouvent, de fait, dans l'impossibilité de bloquer une décision. Ces dispositions légales permettent de faciliter le fonctionnement de la SARL en favorisant la prise des décisions ordinaires. Mais les statuts peuvent néanmoins renforcer cette majorité (en la fixant, par exemple, aux deux tiers des parts) et par conséquent prévoir l'éventualité d'une minorité de blocage.

Lorsque le quorum d'AG nécessaire n'est pas atteint sur première consultation, une seconde consultation peut avoir lieu, bien que les statuts puissent exclure cette possibilité. La décision doit alors être prise à la majorité des votes émis, quel que soit le nombre des votants. Par conséquent, si les associés habituellement minoritaires disposent de la majorité des votes émis du fait de l'absence de certains associés, alors ils pourront bloquer la décision.

AGE et minorité de blocage dans les Sarl

Les minorités de blocage dans les AGE de SARL sont les suivantes :

  • au moins le quart des parts sociales doit être réuni par un ou plusieurs associés dans les sociétés constituées avant le 4 août 2005, les statuts ne pouvant prévoir une minorité plus faible ;
  • au moins le tiers des parts doit être détenu par un ou plusieurs associés dans les sociétés constituées à compter du 4 août 2005 (ou celles constituées antérieurement mais ayant adopté ce régime). Les statuts peuvent prévoir une minorité plus faible sans toutefois soumettre ces décisions à l'unanimité.

Si ces conditions sont réunies, alors les minoritaires pourront bloquer une décision portant sur la modification des statuts.

Les décisions adoptées à l'unanimité

La loi soumet à l'unanimité la prise de certaines décisions d'AGE sans que les statuts ne puissent y déroger. C'est notamment le cas pour les décisions portant sur l'augmentation des engagements des associés, ou encore sur la transformation ou le changement de nationalité de la société. Un seul associé minoritaire pourra alors bloquer ces décisions et ce quel que soit le montant de sa participation.

Quelles sont les minorités de blocage dans les SA ?

AGO et minorité de blocage dans les SA

La loi (art. L. 225-98 du Code de commerce) prévoit que l'AGO d'une SA statue à la majorité des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés, étant précisé qu'une action donne en principe le droit à une voix. Les statuts n'ont pas la possibilité de prévoir une majorité renforcée. Les actionnaires minoritaires peuvent donc bloquer une décision ordinaire uniquement lorsque, du fait de l'absence de certains actionnaires à l'assemblée, ils se retrouvent majoritaires en son sein. Il est à noter que l'abstention ou les bulletins blancs sont pris en compte et assimiler à un vote négatif dans le calcul de la majorité.

AGE et minorité de blocage dans les SA

Le Code de commerce (art. L. 225-96 al. 3) prévoit que l'AGE d'une société anonyme doit décider à la majorité des 2/3 des voix des actionnaires présents ou représentés, étant précisé qu'une action donne en principe le droit à une voix. La minorité de blocage sera donc établie lorsqu'un tiers des voix s'opposeront à la décision envisagée. Il est à noter que l'abstention ou les bulletins blancs sont pris en compte et assimilés à un vote de rejet dans le calcul de cette majorité.

Qu'est-ce qu'un abus de minorité ?

Définition d'un abus de minorité

Par définition, les minoritaires ont un pouvoir plus restreint que les majoritaires et sont donc en principe moins susceptibles de commettre un abus en assemblée. Cependant, la minorité de blocage en AG de société dont ils disposent dans certains cas peut être utilisée de façon abusive si, en plus d'être motivée par l'intérêt des seuls minoritaires au détriment des autres associés, elle est contraire à l'intérêt social et empêche la réalisation d'une opération essentielle pour la société. Les juges reconnaissent au cas par cas l'existence d'un abus de minorité en s'attachant notamment aux circonstances et aux conséquences du blocage. Il est à noter qu'en pratique, ce type de litige porte fréquemment sur le vote d'une augmentation de capital.

Exemple : constitue un abus de minorité le refus, dicté par des considérations purement personnelles, d'un actionnaire minoritaire de voter l'augmentation de capital indispensable à la survie de la société uniquement afin d'entraver le fonctionnement de celle-ci (Cass. com. 5 mai 1998, n° 96-15383). Mais le simple refus d'un actionnaire minoritaire de voter une augmentation de capital ne constitue pas un abus de majorité lorsque cette décision n'est pas indispensable à la survie de la société, sa trésorerie pouvant être rétablie par d'autres moyens et l'opération ne permettant pas d'établir de façon certaine que les fonds propres auraient été reconstitués de manière durable (CA Paris, 24 janv. 1997).

Conséquences de l'abus de minorité

L'abus de minorité peut donner lieu au versement de dommages-intérêts du fait du préjudice subi par la société ou par les majoritaires. Mais la minorité de blocage peut toujours potentiellement empêcher l'assemblée d'adopter la décision envisagée. Afin de contourner ce problème pratique et permettre l'adoption de la résolution litigieuse, la jurisprudence (Cass. com. 9 mars 1993, n° 91-14685) considère ainsi qu'en cas d'abus de minorité :

  • le juge a la possibilité de " désigner un mandataire aux fins de représenter les associés minoritaires défaillants à une nouvelle assemblée et de voter en leur nom dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social mais ne portant pas atteinte à l'intérêt légitime des minoritaires " ;
  • le juge ne peut néanmoins se substituer aux organes sociaux légalement compétents en décidant lui même l'adoption de la résolution.

En cas d'abus de minorité et de blocage d'un vote, il pourra donc être procédé à une nouvelle réunion d'assemblée afin d'adopter la décision litigieuse, le mandataire désigné par le juge se prononçant alors en faveur de la résolution envisagée.