Email personnel en entreprise : droit et confidentialité

"Email personnel en entreprise : droit et confidentialité"

Les emails personnels d'un salarié sur son lieu de travail peuvent parfois être consultés par l'employeur ! Voici les règles du droit du travail applicables en matière de surveillance et contrôle des mails en entreprise.

Précision préalable : les règles mentionnées ci-dessous s'appliquent par défaut. Toutefois, pour éviter tout litige, la CNIL conseille à l'employeur de fixer les règles de consultation des messageries des salariés en leur absence au sein de la charte informatique de l'entreprise.

Un employeur peut-il consulter les mails d'un salarié ?

Les emails échangés par le biais de la messagerie professionnelle d'un salarié sont présumés avoir un caractère professionnel. Par conséquent, l'employeur peut les consulter même lorsque le salarié est absent. Toutefois, des exceptions à ce principe existent afin de tenir compte du droit au respect de la vie privée du salarié. Toute personne a en effet droit au respect de sa vie privée, y compris sur son lieu de travail. Par conséquent, un employeur ne doit pas violer le secret de la correspondance du salarié, ce qui implique notamment l'interdiction faite à l'employeur de consulter des emails d'ordre personnel.

Dans le même sens, les connexions internet sont supposées avoir un caractère professionnel. L'employeur a donc le droit de consulter et vérifier les sites visités par le salarié en dehors de sa présence et sans son accord. L'employeur pourra donc sanctionner le salarié si d'éventuels abus sont constatés. A condition de pouvoir prouver que ces connexions établies pendant les horaires de travail sont bien le fait du salarié concerné. Cour de cassation, arrêt du 9 juillet 2008, n°06-45.800).

Un employeur peut-il accéder à tous les mails du salarié ?

Qu'en est-il du salarié qui utilise son adresse professionnelle pour échanger des messages personnels ? Tout d'abord, précisons que le salarié a le droit de transmettre son adresse e-mail professionnelle à son entourage privé. L'usage privé de sa messagerie n'est pas interdit.

L'employeur n'a pas le droit de consulter les messages privés d'un salarié, même si celui-ci utilisait l'ordinateur de l'entreprise pour ce type de correspondance. Par conséquent, un salarié qui utilise sa messagerie professionnelle doit identifier l'objet de ses mails personnels comme étant privés. En l'absence de précisions, le message sera par défaut considéré comme étant professionnel et l'employeur pourra le consulter.

En revanche, dans le cadre d'une procédure judiciaire, un huissier peut parfaitement être mandaté par le tribunal pour consulter et prendre copie des messages personnels du salarié dans la mesure où ces éléments d'information peuvent éclairer les décisions des juges, par exemple pour vérifier les actes de concurrence déloyale dont le salarié est accusé (Cour de cassation, arrêt du 10 juin 2008).

Le salarié doit donc veiller au contenu des propos tenus dans les emails échangés via sa boite professionnelle dès lors que ses messages ne sont pas identifiés comme personnels. La jurisprudence (arrêt n°18-24861 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 9 septembre 2020) considère par exemple comme valable la procédure disciplinaire engagée contre un salarié dont les messages échangés avec une collègue via son adresse professionnelle sont dégradants et insultants envers des supérieurs et subordonnés et comportent de nombreuses critiques sur l'organisation, la stratégie et les méthodes de l'entreprise.

Un employeur peut-il accéder à la messagerie personnelle d'un salarié ?

En revanche, l'employeur ne peut pas consulter les emails provenant de l'adresse personnelle du salarié. Ces échanges sont couverts par le secret des correspondances. Par conséquent, les emails figurant dans la messagerie personnelle d'un salarié ne peuvent pas être produits en justice par l'employeur en cas de litige aux prud'hommes (arrêt n° 14-15.360 de la Cour de Cassation rendu le 26 janvier 2016).

Cette interdiction d'accéder à la boite mail personnelle du salarié est applicable même si cette messagerie est accessible sur l'ordinateur mis à la disposition du salarié par l'entreprise (pour une illustration de ce principe, voir notamment l'arrêt n° 14-27949 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 7 avril 2016).

En revanche, une mesure d'instruction peut être demandée par l'employeur au juge statuant sur requête ou en référé s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits (article 145 du Code de procédure civile). Tel est le cas, par exemple, d'un constat d'huissier établi à partir d'emails échangé sur la messagerie personnelle d'un salarié suspecté de concurrence déloyale, dès lors que les recherches de l'huissier se limitent aux messages, aux fichiers et aux documents en lien avec les faits litigieux (arrêt rendu le 20 septembre 2017 par la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation, n° 16-13082).

En cas d'absence prolongée du salarié (pour cause de congés payés ou d'arrêt maladie par exemple), les emails reçus sur sa boite mail professionnelle peuvent être redirigés vers l'adresse d'un collègue ou d'un supérieur.

D'une façon générale, la surveillance des salariés au travail est soumise à des dispositions protectrices applicables aux appels téléphoniques, SMS ou aux fichiers figurant sur le disque dur de l'ordinateur professionnel du salarié.

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